Saturday, October 18, 2014

Citation du 18 octobre 2014


C'est parce qu'il y a un vrai danger, de vrais échecs, une vraie damnation terrestre, que les mots de victoire, de sagesse ou de joie ont un sens.
Simone de Beauvoir – Pour une morale de l'ambiguïté
J'entendrai donc par joie … une passion par laquelle l'âme passe à une perfection plus grande.
Spinoza - Ethique, III, Proposition XI, Scholie (Lire ici)

Commentaire II – La joie résulte de l’accès à une plus grande perfection.
Le contraste qui est nécessaire à la joie (cf. Post d’hier)  implique un dynamisme par lequel l'âme passe à une perfection plus grande. Du coup, il ne s’agit pas obligatoirement d’un contraste lié à une représentation « intellectuelle » des maux auxquels nous avons la chance d’échapper – comme lorsqu’on dit que les Egyptiens mettaient une tête de mort sur la table du banquet pour que les convives apprécient d’être encore en vie et se réjouissent de manger les mets qu’on leur sert.
Reprenons la phrase de Spinoza :
« J'entendrai donc par joie … une passion par laquelle l'âme passe à une perfection plus grande » (Ethique, III, Proposition XI, Scholie – Lire ici)
La joie n’est pas une représentation, c’est une passion : on a donc une nouvelle conception de la joie qui révoque la sagesse comme étant inutile pour être joyeux (1). Inutile de posséder une science extrême ni une expérience exceptionnelle, puisqu’il suffit d’être en développement : le nourrisson peut bien être parfaitement joyeux ; je suppose même que la petite enfance est la période la plus propice à la joie.
- Oui, mais on m’objectera que la sagesse reste indispensable pour être heureux. En effet, si le bonheur nous permet de vivre dans la durée ce que la joie nous fait éprouver dans l’instant, alors ne faut-il pas une science telle que la sagesse pour qu’on puisse s’établir durablement dans cet état ?
Cherchons une comparaison : la joie spinoziste est strictement orgasmique : comme l’orgasme, elle est une décharge affective, une émotion qui explose et qui n’existe que dans cette explosion ; pas plus qu’il n’existe de « plateau orgasmique » qui nous assurerait indéfiniment la jouissance sexuelle, il n’existe de joie durable. La joie est liée à une circulation de l’énergie, elle ne peut en aucun cas se prolonger, sauf à être liée à un nouveau sursaut de l’être.
Etre heureux, ce n’est donc pas être joyeux. D’ailleurs comme on l’a fait observer depuis longtemps, si l’on accepte la définition spinoziste, les Dieux ne sauraient être joyeux – car pour eux qui possèdent toutes les perfections, nul perfectionnement n’est concevable. Pourtant on les nomme les « Bienheureux ».
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(1) On rappellera la thèse qui sert de fil conducteur à l’un des débats théologiques du Nom de la rose d’Umberto Eco : le Christ riait-il ?

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