En refusant l’humanité à ceux qui
apparaissent comme les plus « sauvages » ou « barbares » de
ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes
typiques. Le barbare c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie.
Claude
Lévi-Strauss – Race et histoire (ch.3)
Le barbare c’est d’abord l’homme qui croit
à la barbarie. Le mot « barbare » n’est plus
aujourd’hui employé à propos des sauvages d’Amazonie (d’ailleurs, en reste-t-il ?)
mais au sujet des islamistes égorgeurs de l’Etat
Islamique (1). Toutefois, il conserve toujours le même sens : il désigne
un comportement qui à la fois est celui de certains hommes et qui est en même
temps indigne de l’humanité.
L’horreur des crimes commis par ces
barbares est d’égorger des hommes comme de simples animaux. On dira que c’est
hélas assez banal. Mais ils le font au nom de Dieu, et voilà ce qui est
beaucoup plus terrifiant : ils font de ce crime un geste religieux,
vertueux – et eux, les criminels, ils se désignent comme des hommes qui servent
un Dieu terrible.
Du coup, ce n’est pas seulement
l’humanité qui est bafouée, c’est aussi la communauté des croyants.
o-o-o
Seulement, voilà : Lévi-Strauss
nous retourne le compliment : même si l’« humanité » dont nous
excluons les Islamistes n’a pas exactement le même sens que celle dont étaient
exclus les « sauvages », il n’en reste pas moins qu’à vouloir chasser
des hommes hors de l’humanité – entendue dans le sens restreint de communauté
des humains – nous courrons le risque de nous comporter exactement comme eux.
La terrible leçon qui en résulte, celle
que justement Lévi-Strauss nous assène au long de ces pages consacrées à lutter
contre le racisme (2), c’est que ces horribles assassinats s’inscrivent malgré
tout dans une logique, dans un rituel, ou plus simplement dans une manœuvre
politique.
Bref : il n’est pas d’actes assez
horribles pour ne pas recevoir de signification dans un contexte culturel
donné.
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(1) Alias Daech, acronyme qui nous évite d’entendre le mot
d’« Etat » - encore qu’il y reste : en arabe, l’acronyme de l’Etat islamique en Irak et au Levant donne
«Daech»
(2) En 1952 l’UNESCO publiait une série
de brochures consacrées au problème du racisme dans le monde. Parmi celles-ci
se trouvait Race et histoire.
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