L'homme est un animal politique plus que
n'importe quelle abeille et que n'importe quel animal grégaire.
Aristote
Les Politiques (trad. Pierre Pellegrin), 1252b
L'homme n'était pas destiné à faire
partie d'un troupeau comme un animal domestique, mais d'une ruche comme les
abeilles.
Kant
– Anthropologie du point de vue pragmatique
Peut-être Kant se rappelle-t-il de cette
phrase d’Aristote ; en tout cas, comme lui, il estime que la vie
collective s’organise selon deux schémas possibles :
- Soit comme dans un troupeau où chaque
individu est en relation non avec les autres, mais avec le berger.
- Soit, comme dans une ruche, en
composant un être collectif donc chaque individu est comme une cellule dans un
tissu biologique.
Nous avons donc deux possibilités :
soit exister pour un maitre ; soit exister pour la collectivité. Mais en
tout cas exister-pour.
Avons-nous encore la même opinion ?
Notre époque qui cultive si fort l’individualisme devrait choisir une autre
métaphore : au lieu du modèle de l’abeille nous devrions opter pour la
guêpe solitaire. Quelle est donc l’originalité de la guêpe solitaire ?
Lisons la page Internet qui lui est consacrée : « Les guêpes solitaires vivent et
travaillent seules : la plupart ne construisent pas de nids (c’est d’ailleurs
ce point qui les distingue des guêpes
sociales) ».
Du coup, on voit bien ce qui change par
rapport au modèle d’Aristote : les individus solitaires travaillent seuls
et pour eux-mêmes uniquement. Et nous ? N’est-ce pas aussi uniquement pour
nous-mêmes que nous travaillons ? En produisant pour autrui, nous
n’agissons que poussés par l’intérêt personnel (1). Si le boulanger n’avait pas
souci de son profit, nous n’aurions pas de pain. Nous pouvons à présent lire de
façon plus claire ces métaphores animales :
- Dans le troupeau chaque individu
travaille pour le bénéfice du berger.
- Dans la ruche, chaque abeille
travaille pour le bien de tous.
- Dans la nature, l’individu travaille
pour lui-même uniquement, même s’il est contraint à travailler de concert avec
les autres.
L’homme est le seul qui soit obligé de
travailler pour les autres afin de satisfaire son intérêt égoïste.
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(1) C’est d’ailleurs ce que montrait la Fables des abeilles de Mandeville. Voir
ce commentaire
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