La pudeur prête à l’amour le secours de l’imagination…
Stendhal – De l'amour (Lire la citation complète en
Annexe)
Quelle différence entre l’amour et la sexualité ? Réponse : la pudeur, qui est la valeur ajoutée par les femmes à l’amour.
On va hocher la tête : nous voilà
encore avec ces réticences de femmes frigides qui à force de se refuser aux
hommes vont les rendre fous de désirs : c’est cette folie obsessionnelle
qu’on va nommer « amour ».
o-o-o
Qu’est-ce donc que la pudeur ? On
répondra si l’on veut comme le dictionnaire : « Disposition, propension à se retenir de montrer, d'observer, de faire
état de certaines parties de son corps, principalement celles de nature
sexuelle, ou de montrer, d'observer, de faire état de choses considérées comme
étant plus ou moins directement d'ordre sexuel » (Lire ici)
Mais cela ne nous apprend pas
grand-chose. Lisons plutôt Stendhal (cf. notre citation + le texte en
Annexe) :
- « la pudeur prête à l’amour le secours de l’imagination » :
faute de voir ou de toucher, on imagine. Qu’y a-t-il donc sous la robe ou dans
le corsage de ma mie ? Je l’imagine ; et ce que j’imagine est très
beau, très désirable – peut-être même beaucoup plus que la réalité qui va se dévoiler
à moi le soir de nos noces.
-
« on s’interdit les désirs, et les
désirs conduisent aux actions » : à l’opposé du désir qui pousse
à l’action, la pudeur conduit à la contemplation – voire même à la méditation.
Stendhal nous invite à considérer la pudeur comme quelque chose de
positif : certes elle est sentiment de honte (n’oublions pas qu’elle est
née en même temps que le péché originel), mais elle est aussi un certain type
de rapport à l’autre. Ces rapports, au lieu de les érotiser, elle nous contraint
à les « sublimer » (1).
- « La pudeur est enseignée de très bonne heure aux petites filles par leur
mère » : autant dire que, contrairement à ce qu’on croit,
elle n’est pas naturelle, puisqu’il faut
l’enseigner.
- « [Par la pudeur], les femmes prennent
soin d’avance du bonheur de l’amant qu’elles auront » : chassez
le naturel, il revient au galop ! A force de se retenir, un beau soir, on
lâche les chiens !
Quoique… il se pourrait (comme on le
suggérait plus haut) que la dulcinée déshabillée ne soit pas à la hauteur des
fantasmes…
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(1) Je prends le terme dans un sens
limité, celui de jouissance désexualisée.
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Annexe –
"L’amour est le miracle de la civilisation.
On ne trouve qu’un amour physique et des plus grossiers chez les peuples
sauvages ou trop barbares.
Et la pudeur prête à l’amour le secours
de l’imagination, c’est lui donner la vie.
La pudeur est enseignée de très bonne
heure aux petites filles par leur mère, et avec une extrême jalousie, on dirait
comme par esprit de corps ; c’est que les femmes prennent soin d’avance du
bonheur de l’amant qu’elles auront.
Quant à l’utilité de la pudeur, elle est
la mère de l’amour ; on ne saurait plus lui rien contester. Pour le
mécanisme du sentiment, rien n’est plus simple ; l’âme s’occupe à avoir
honte, au lieu de s’occuper à désirer ; on s’interdit les désirs, et les
désirs conduisent aux actions." Stendhal - De l'amour (Version numérisée ici)
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