La paix, qui borne les talents et amollit les peuples, n'est un bien ni en morale, ni en politique.
Vauvenargues – Réflexions et maximes
Le philosophe qui veut secouer les préjugés, réveiller les consciences, exciter les principes de la morale n’a d’autre choix que le paradoxe.
Il court le risque de passer pour un esprit léger, mais pas celui de passer inaperçu.
Allons donc au paradoxe : la paix n’est bonne ni en politique ni en morale.
Sauver la paix pour éviter la guerre n’est donc pas seulement une erreur politique – comme l’ont prouvé les accords de Munich – mais de surcroît, la paix, qui borne les talents et amollit les peuples, est moralement mauvaise.
Non seulement ce « paradoxe » se trouve souvent sous d’autres plumes que celle de Vauvenargues (voir Nietzsche), mais il a servi de principe à des sociétés parmi les plus respectées (les Cités grecques furent des sociétés hiérarchisées par le mérite militaire). La guerre sert à exciter toutes les vertus humaines, stimuler son inventivité, développer son sens de l’organisation, éliminer les formes caduques de sociétés. Sans la guerre nous serions encore – comme le dit Kant – entrain de chanter des pastourelles dans un bonheur imbécile (1). La guerre n’est pas seulement « l’accoucheuse de l’histoire » ; elle en est aussi le moteur.
Notre époque a construit une autre représentation de la guerre. Dès lors que la bravoure est devenue une vertu caduque pour gagner la guerre (la puissance de feu n’ayant rien à voir avec la hardiesse du chevalier), il fallait bien trouver un autre exutoire à la violence et à la joie de détruire.
Le sport l’a fait. L’entreprise le fait encore mieux.
(1) Voir Kant, Histoire universelle du point de vue cosmopolitique (4ème proposition)
« …Sans ces qualités d'insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes, source de la résistance que chacun doit nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient à jamais enfouis en germes, au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans une concorde, une satisfaction, et un amour mutuels parfaits ; les hommes, doux comme les agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à l'existence guère plus de valeur que n'en a leur troupeau domestique… »
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