Manger seul (solipsismus convictorii) est malsain pour un philosophe. (Voir la suite en annexe)
Kant – Anthropologie du point de vue pragmatique (Didactique anthropologique – Livre III, Du bien physique et moral suprême).
Quand je pense qu’on reproche aux philosophes en général, et à Kant en particulier, leur abstraction et leur inutilité pratique, je me dis que vraiment on ne les a pas lu. Il est vrai que Kant avait le chic pour trouver des titres d’ouvrages pas très vendeur…
Bref. Ne mangez jamais seul, surtout si vous êtes un philosophe. Et pas la peine de mettre votre assiette devant un miroir. Ce qu’il vous faut, ce sont des convives avec les quels avoir une conversation stimulante et légère, instructive et divertissante.
Je reprend brièvement son argumentation : si vous mangez seul, voici ce qui peut vous arriver (voir texte en annexe)
- D’abord, celui qui mange seul risque de « faire bombance » ; il s’épuise à manger (= à digérer) au lieu d’y puiser de nouvelles forces.
- En suite il va ruminer ses pensées et perdre sa belle humeur. C’est une idée omni présente chez Kant : on ne pense bien que si on communique à autrui nos pensées. La pratique solitaire de la pensée est en réalité une rumination psychologique aux effets déprimants.
- Enfin, il perdra l’occasion d’éveiller ses pensées à des « thèmes nouveaux », apportés par les convives.
Bref : ne mangez pas tout seul.
Mais ne mangez pas non plus avec n’importe qui. (1)
(1) Kant ne dit pas si le philosophe doit manger avec d’autres philosophes…
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Voici un extrait du texte :
Manger seul (solipsismus convictorii) est malsain pour un philosophe. Il ne se restaure pas (surtout s’il fait bombance tout seul), il se fatigue ; c’est une occupation qui épuise et non pas un jeu qui vivifie les pensées. L’homme entrain de manger, s’il est seul à table et s’il rumine ses pensées perdra progressivement sa belle humeur, mais il la recouvre si un convive lui fournit, par des trouvailles variées, des thèmes nouveaux qui le réveillent sans effort de sa part.
Quand une table est bien garnie et que la multiplicité des services n’a pour but que de prolonger la réunion des convives (cœnam ducere) l’entretien passe en général par trois étapes : 1) le récit ; 2) le raisonnement ; 3) la plaisanterie.
Suit des conseils pour mener la conversation dans un repas de bon goût, qui doit être à la fois intéressante, divertissante, sans rien qui puisse choquer les dames. (éd. Vrin, p. 129-130)
(On en trouve une vieille traduction –Tissot 1863 – en ligne ici)
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