Friday, August 22, 2008

Citation du 23 août 2008

Crainte et intelligence. - Si ce que l'on affirme maintenant expressément est vrai, qu'il ne faut pas chercher dans la lumière la cause du pigment noir de la peau : ce phénomène pourrait peut-être rester le dernier effet de fréquents accès de rage accumulés pendant des siècles (et d'afflux de sang sous la peau) ? Tandis que, chez d'autres races plus intelligentes, le phénomène de pâleur et de frayeur, tout aussi fréquent, aurait fini par produire la couleur blanche de la peau ? - Car le degré de crainte est une mesure de l'intelligence : et le fait de s'abandonner souvent à une colère aveugle est le signe que l'animalité est encore toute proche et voudrait de nouveau prévaloir, - gris-brun, ce serait peut-être là la couleur primitive de l'homme, - quelque chose qui tient du singe et de l'ours, comme de juste.

Friedrich Nietzsche - Aurore. 1881

D’où viennent les races ? Les caractéristiques héréditaires qui les distinguent ont-elles une explication ? Ont-elles une fonction ?

Nietzsche répond : chez les noirs, la peau est ainsi colorée par l’afflux du sang sous la peau. Thèse courante, un siècle plus tôt Kant disait la même chose (1), et je suppose qu’il n’était pas le seul.

Mais ce qui est plus original – plus « nietzschéen », c’est le rapport entre la crainte et l’intelligence, et l’idée que la colère soit diamétralement opposée à la crainte.

Si en effet on passe sur le jugement dépréciatif de Nietzsche sur l’intelligence des noirs (2) (jugement tellement tenace que jusqu’à aujourd’hui les élites africaines ont dû se barder de diplômes et de doctorats pour compenser – et même surcompenser – cette idée), alors on a ici un véritable inventaire des idées de Nietzsche :

- d’abord relation entre la couleur de la peau et le degré d’évolution ;

- en suite, relation entre les passions et l’intelligence ;

- enfin l’idée que l’espèce humaine issue d’une variété animale, s’est arrachée à l’animalité en accédant à la frayeur – c'est-à-dire à la conscience de sa situation dans le monde.

Voilà : même s’il n’y avait que cette dernière idée, ça vaudrait le coup de lire le reste du livre pour y parvenir.

(1) Kant – Définition du concept de race in La philosophie de l’histoire.
Selon Kant, le rôle de la peau est de déphlogistiquer (phlogistique = substance apportant la chaleur) le sang, et en Afrique, il y a beaucoup de phlogistique dans l’air qui passe dans le sang par l’intermédiaire des poumons. La couleur noire de la peau des africains s’explique donc par les résidus sanguins qui y restent.

(2) Je comprends parfaitement qu’on jette le livre au feu en lisant de pareilles choses. Mais c’est un peu dommage, parce qu’on jette aussi tout ce qui suit.

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