Ceux qui ont beaucoup à espérer et rien à perdre seront toujours dangereux.
Edmund Burke – Lettres
Les prolétaires n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont le monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Karl Marx – Manifeste du parti communiste
En cette nuit du 4 août, il est bon de rappeler que la peur est un moteur de l’histoire, l’un des plus puissants peut-être. C’est elle qui a soulevé les campagnes françaises après le 14 juillet 1789 ; c’est elle qui entraîne les députés à voter l’abolition de privilèges (1).
Mais si la peur entraîne les uns à l’affrontement (les paysans), et les autres au renoncement (les députés aristocrates), il faut admettre que cette « émotion » est bien ambiguë.
Si le soulèvement populaire animé par le dénuement est le plus dangereux pour ses ennemis, c’est parce que la peur du peuple n’y est plus que la peur de perdre la vie.
Au fond, ce que soulignent Burke et Marx (excusez le rapprochement bizarre), c’est qu’une révolution repose sur une mise en balance entre les gains et les pertes, ou plutôt entre les craintes et les espérances. Ils y a complémentarité : moins vous avez à perdre et plus vous avez à gagner. Qu’on relise le décret du 11 août 1789 (formalisant les débats de la nuit du 4) ; les articles 2 et 3 sont consacrés au droit de la chasse : même ça, qui nous parait dérisoire, c’est déjà beaucoup pour les pauvres paysans.
Bien sûr, il ne suffit pas d’avoir beaucoup à espérer et rien à perdre pour devenir un danger : les nobles étaient habitués à ce que la famine suscite des jacqueries dans leur province, et quelques pendaisons avec quelques incendies de fermes suffisaient à faire revenir l’ordre.
Pour devenir dangereux, il faut aussi l’union. C’est ça message de Marx : «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
Mais à défaut d’union, un soulèvement généralisé fait aussi réfléchir les privilégiés.
Les parlementaires de la nuit du 4 août ont devant eux non pas une révolution organisée, mais une insurrection disséminée dans tout le pays. Et là, ils n’ont pas su comment y faire face sans passer par les concessions.
Un peu comme les accords de Grenelle en mai 68…
(1) En réalité, l’abolition des privilèges, c’était dans la nuit du 4 au 5 août 1789.
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