Wednesday, August 13, 2008

Citation du 14 août 2008

1 – Macht geht vor Recht (la Force prime le Droit)

Bismarck (1)

2 – On ne peut opposer le droit à la force, car la force et le droit sont des identités. Le droit est de la force qui dure.

Gustave Le Bon – Aphorismes du temps présent (1913)

3 – […] Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.

Rousseau - Du contrat social - Livre I, chapitre III

Trois possibilités :

– La force prime le droit.

– Le droit est de la force qui dure.

– Force ne fait pas droit

Ces trois citations et les trois thèses qu’elles impliquent sont je crois suffisamment claires pour ne pas avoir à être commentées. On pourrait même dire que chacun de nous a déjà choisi l’une des trois, mais que ce positionnement reste obscur tant qu’il n’est pas situé par rapport au deux autres.

Ce qui pourrait étonner en revanche, c’est que la question du rapport entre la force et le droit revienne en permanence. Au fond, même nous, qui vivons dans un Etat de droit, nous restons convaincus que la force peut rétablir le droit, que les armées peuvent être au service de la paix, qu’il faut donc admettre une correspondance souterraine entre ces deux domaines.

– Kant est le seul à avoir été assez conséquent avec ses principes pour refuser que la force puisse rétablir le droit. Le peuple tyrannisé par un despote cruel et sanguinaire ne doit pas se rebeller contre lui, car du point de vue de la justice, la force révolutionnaire ne vaut pas mieux que la force despotique.

– Bravo ! Belle théorie ! Pendez les philosophes haut et court plutôt que de leur donner le pouvoir !

Peut-être… Reste que Kant a une botte secrète pour rétablir la justice. C’est la foi dans le progrès de l’humanité, progrès lent s’il procède par la nature humaine, rapide s’il résulte de la raison ; mais progrès inexorable.

En tout cas, le rapport de la force et du droit reste un instrument inégalable pour tester le degré d’évolution d’une civilisation.

(1) Le comte de Schwerin, à la séance du 13 mars 1863 de la Chambre prussienne, a accusé Bismarck d'avoir énoncé ce principe (Macht geht vor Recht - la Force prime le Droit) dans son discours du 23 janvier 1863. Bismarck a toujours contesté, à plusieurs reprises, avoir prononcé de telles paroles (discours au Reichstag des 12 mars 1869, 1 avril 1870 et 1 août 1871).

2 comments:

Djabx said...

En tout cas, le rapport de la force et du droit reste un instrument inégalable pour tester le degré d’évolution d’une civilisation.

J'aimerai savoir, d'après vous, comment cela peut mesurer le "degré d'évolution d'une civilisation".
De plus, si on parle de "degré d'évolution", cela sous entend (il me semble) que cet élément puisse être mesurable, d'avoir des moyens de mesure de cette évolution, mais aussi que cette évolution évolue justement suivant une(des) direction(s) connue(s).

En admettant que ce soit le cas, est-ce la force utilisé au sein de ses frontières, à l'extérieur de celles-ci, ou toutes forces utilisées qui prévaut?
Est-ce que la force pour appliquer le droit compte ?

Jean-Pierre Hamel said...

« J'aimerai savoir, d'après vous, comment cela peut mesurer le "degré d'évolution d'une civilisation ».
- La question est d’abord de savoir si ça existe. On a beaucoup parlé du relativisme culturel impulsé par l’ethnologie : Lévi-Strauss a été l’un des premiers en France à le prôner. Puisque chaque culture est originale, elle définit elle-même ses propres critères de normalité et de progrès (à supposer qu’elle tolère le progrès). Du coup c’est la notion même de civilisation qui devient caduque.
Mais si on en est là, alors on va bénir n’importe quoi, comme ces chirurgiens italiens qui ont excisés des petites filles d’immigrés maliens à Rome, en disant que c’était bien une mutilation, oui, mais qu’elle était culturelle, et que seuls les gens de cette communauté avaient le droit d’en juger.

« De plus, si on parle de "degré d'évolution", cela sous entend (il me semble) que cet élément puisse être mesurable, d'avoir des moyens de mesure de cette évolution, mais aussi que cette évolution évolue justement suivant une(des) direction(s) connue(s). »
- J’ai parlé de « degré d’évolution d’une civilisation » pour signaler qu’on ne peut guère à mon avis en rester là, et qu’on est bien forcé de se mouiller un peu ; ce n’est pas que les droits de l’homme soient les tables de l aloi, mais enfin, c’est mieux que rien.
Alors, il est évidemment impossible de mesurer de façon scientifique la « distance » qui séparerait une culture de cet idéal. On peut néanmoins faire une table de présence et d’absence du respect des principes des droits de l’homme dans tel ou tel pays. Il me semble d’ailleurs qu’on le fait très régulièrement.

« En admettant que ce soit le cas, est-ce la force utilisée au sein de ses frontières, à l'extérieur de celles-ci, ou toutes forces utilisées qui prévaut? »
- Je voulais dire que le primat du droit sur la force pour régler les conflits était un critère d’évolution : ce qui vaut à l’intérieur, bien sûr, comme à l’extérieur des frontières.

« Est-ce que la force pour appliquer le droit compte ? »
- Bien sûr : comme le disait Pascal – en gros – la loi sans la force est ridicule, parce que les hommes la contredisent tout le temps. Le droit se doit d’être réaliste (prendre les hommes tels qu’ils sont).
Reste que l’usage de la force pour faire respecter la loi doit être strictement soumis aux principes du droits (d’où : nécessité de recourir aux juges et non à la vengeance des victimes)