Être profond et sembler profond. - Celui qui se sait profond s'efforce d'être clair ; celui qui voudrait sembler profond à la foule s'efforce d'être obscur. Car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut pas voir le fond…
Friedrich Nietzsche – Le Gai Savoir. (1882-1887)
La profondeur et l'eau trouble. - Le public confond facilement celui qui pêche en eau trouble avec celui qui puise en eau profonde.
Friedrich Nietzsche – Humain, trop humain. (1878-1879)
Hier nous disions que la clarté est en contradiction avec la profondeur. Aujourd’hui, nous corrigerons quelque peu le tir, en disant avec Nietzsche que la véritable profondeur n’a pas peur de la clarté.
En réalité, Nietzsche dit seulement « Celui qui se sait profond s'efforce d'être clair » : ce qui ne veut pas dire qu’il y parvient tout à fait. Je dirai pour ma part que je partage avec Nietzsche – du moins le Nietzsche de cette citation – l’idée que l’on doit pouvoir partager ses vues avec les autres, et donc qu’on doit être compréhensible.
--> C’est le statut de l’obscurité qui est en cause ici. Soit un texte bien obscur : Mallarmé ou Lacan ou Heidegger feraient l’affaire.
De deux choses l’une :
- ou bien ils ont troublé leur eau pour qu’elle paraisse profonde (paraphrase de la formule de Nietzsche)
- ou bien ils ont voulu montrer que la compréhension facile de leur texte le fausserait et qu’il faut chercher plus loin pour les comprendre (un peu comme le maître qui parle par énigme pour que le disciple réfléchisse un peu avant de conclure).
Car enfin, si on pouvait « le » dire, pourquoi ne l’ont-ils pas dit ? Parce qu’on ne peut pas tout dire ? C’est l’idée que nous avions dégagé hier. Mais je crois qu’on peut aussi penser que la place doit être laissée à l’interprétation personnelle. Il faut que le lecteur implique sa pensée personnelle dans la pensée qui se forme au cours de la lecture.
Alors, bien sûr, ce n’est sûrement pas le fait de la science « dure », qui n’implique pas la personne humaine dans ses découvertes (1).
Mais c’est le cas de toutes les sciences « molles » : en réalité elles sont dures avec la responsabilité des hommes.
(1) C’est comme ça que Kant disait que Newton n’étai pas un génie parce que quiconque avait connaissance de ses découvertes pouvait refaire tout le chemin qu’il avait parcouru, alors qu’on ne peut refaire ce qu’un artiste a déjà fait.
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