Tuesday, August 26, 2008

Citation du 27 août 2008

On a tous tendance à voir dans la force un coupable et dans la faiblesse une innocente victime.

Milan Kundera- L’insoutenable légèreté de l’être

Cette remarque de Kundera semble frappée au coin du bon sens : oui, on le reconnaît facilement, le droit du plus faible semble bien être l’aune à la quelle mesurer le degré d’évolution du droit, et le justicier sur son cheval blanc vole toujours au secours de la veuve et de l’orphelin.

Et puis on se dit que Kundera a une idée derrière la tête : ne veut-il pas suggérer que cette tendance est en réalité un préjugé, et que le faible pourrait bien ne pas être aussi innocent qu’il y paraît ? Pourquoi en effet la force serait elle coupable, dès lors qu’elle est simplement force, et la faiblesse simplement innocence ? Lors qu’on commence une enquête après un meurtre, on dit bien qu’aucune piste n’est privilégiée ; le plus faible témoin est aussi suspect que le plus fort.

Enfin, on se dit qu’il y a quelque chose qui cloche. Kundera fait comme si la force et la faiblesse étaient des valeurs absolues : qu’il y ait un seul homme sur terre, on pourrait encore dire qu’il est fort ou faible (1). Pour ma part, je ferais mienne plutôt la thèse de Rousseau : il n’y a que des hommes plus forts que d’autres, et des hommes qui leur sont plus faibles.

Dans ce cas, plutôt que de parler de fort et de faible, il vaudrait mieux parler de vainqueur et de vaincus. Et peut-être alors devrait-on en effet secourir les vaincus, quel que soient leur responsabilité dans leur échec ? Après la bataille, la Croix Rouge secoure tous les blessés quelque soit leur camps.

Dernière réticence : que devrait-on dire de David en face de Goliath ? N’est-ce pas justement le plus faible qui l’emporte sur le plus fort ?

--> C’est qu’en réalité, il y a plusieurs niveaux de confrontation, et que l’un de ceux-ci sera seul déterminant : dans le combat rapproché, David était vaincu à coup sûr ; dans le combat à moyenne distance, il avait l’arme pour gagner : c’est elle qui le rendit plus fort que Goliath, qui n’avait que ses poings.

Le voyou qui attaque à l’arme blanche se fait étendre par le policier qui a un P.38 ; personne ne s’en étonne.

(1) Il est vrai qu’il y serait encouragé par des gens comme Nietzsche ; mais le contexte philosophique de l’Insoutenable légèreté de l’être est si je me rappelle bien plutôt du côté des présocratiques. Encore que des présocratiques à Nietzsche, il n’y ait pas des kilomètres.

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