Sunday, August 31, 2008

Citation du 1er septembre 2008


Quoiqu’il puisse appartenir à Socrate, et aux esprits de sa trempe, d’acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n’eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent.

Rousseau – Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes

Voici une citation pour tous ceux qui se demandent comment acquérir (ou enseigner) la vertu.

Ou si vous préférerez : comment faire pour que les valeurs morales soient enfin respectées.

Comme vous le constatez, Rousseau est le philosophe qui se méfie de la raison et des raisonnements. Sa morale n’est donc pas une morale « rationnelle » – comme le sera celle de Kant – mais une morale du sentiment. Inutile de démontrer par A plus B qu’il ne faut pas faire aux autres ce qu’on ne veut pas subir soi-même, ni d’expliquer qu’on doit respecter son voisin, même si son chien nous embête. Non, seule la pitié devant l’injustice et la misère, seul le bonheur qui récompense la bonne action, peuvent nous pousser à agir moralement.

Et même, Rousseau va plus loin : seuls ces sentiments peuvent nous amener à vivre simplement en bonne intelligence avec les autres; car le besoin que nous avons de leur aide serait insuffisant avec toute cette haine et cette méchanceté qui ont été coulées dans nos cœurs par la société corrompue.

Et nous ? Voyez un peu ce qui marche quand on veut obtenir quelque chose de votre générosité : voyez le Téléthon avec ces pauvres enfants dans leur fauteuils de paralytiques, qu’on pousse sur le devant de la scène, là, juste devant les caméras. Ne sont-ils pas attendrissants ?

– Comment ne pas devenir misanthrope après ça ? Rousseau en tout cas l’est devenu (il est vrai qu’il était un peu fêlé à ce moment là). Mais nous, qui venons après tant de guerres et tant de paix, nous savons que l’histoire de l’humanité n’est pas celle d’une corruption, parce qu’il n’y a pas d’histoire du tout. Du moins pas d’histoire de l’homme même s’il y a une histoire des hommes.

En nous le bon et le mauvais cohabitent, et ce Janus à deux faces, c’est à Freud qu’est revenu le mérite de le dévoiler.

2 comments:

Djabx said...

Bonjour,

J'avoue ne pas bien comprendre votre transition entre le fait que "la société aie coulé en nos coeurs tant de haine et cette méchanceté" et le fait de devenir misanthrope.


Vous dites que d'après Rousseau, "seuls ces sentiments [la pitié devant la misère, et le bonheur de faire une bonne action] peuvent nous amener à vivre simplement".

Or dans la citation, Rousseau dit qu' "il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n’eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent".

Il me semble comprendre après ça que les hommes sont globalement assez "vertueux" [la pitié devant la misère, et le bonheur de faire une bonne action] naturellement.

J'en déduit donc plutôt de "l'espoir" pour le genre humain.
Ainsi, je ne vois pas bien comment devenir misanthrope suite à ça.

J'en déduit donc que mon raisonnement n'est pas vraiment correcte, et vos lumières m'aideraient volontiers :)

Jean-Pierre Hamel said...

J'avoue ne pas bien comprendre votre transition entre le fait que "la société aie coulé en nos coeurs tant de haine et cette méchanceté" et le fait de devenir misanthrope.
- Si quand même. Le misanthrope est celui parce qu’il à une très haute idée de l’humanité, ce déteste les hommes qui ne savent pas se hisser à ce niveau.

Vous dites que d'après Rousseau, "seuls ces sentiments [la pitié devant la misère, et le bonheur de faire une bonne action] peuvent nous amener à vivre simplement".
Or dans la citation, Rousseau dit qu' "il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n’eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent".
Il me semble comprendre après ça que les hommes sont globalement assez "vertueux" [la pitié devant la misère, et le bonheur de faire une bonne action] naturellement.
- Votre raisonnement est exact, et pour justifier mon propos il faut réintroduire des éléments de la thèse de Rousseau que j’ai coupés.
Rousseau considère que la pitié est une passion naturelle et même qu’elle existe chez les animaux. Rappelons que la pitié répond selon lui à l’adage : « Fais ton bien avec le moindre mal d’autrui qu’il est possible »
Dans l’état de nature, la pitié ne trouve guère à s’exercer puisque l’homme y vit seul.
Entré en société, la pitié facilite la paix entre les hommes. Mais l’histoire sociale, qui est celle de la multiplication des liens sociaux, est aussi l’histoire des modifications de la psychologie et de la morale des hommes. Le jeu de l’amour propre, celui de la rivalité et de la soif de richesse, toutes ces passions qui apparaissent progressivement étouffent la pitié, qui ne peut plus s’exprimer et cela de façon irréversible. Car on ne remontera jamais le cours de l’histoire.