Monday, October 31, 2016

Citation du 31 octobre 2016

[...] pour ce qui est des sorcières, je ne pense pas que leur sorcellerie soit un pouvoir véritable ; mais je pense qu'elles sont châtiées justement, à cause de cette croyance fausse qu'elles ont d'être capables d'accomplir de tels méfaits, croyance jointe au dessein de les accomplir si elles le peuvent ; car leur profession se rapproche davantage d'une nouvelle religion que d'une technique artificieuse ou d'une science.
Hobbes – Léviathan / 1651






Aujourd’hui, c’est halloween, date funeste où plein de petites sorcières et de micro sorciers vont venir déglinguer votre sonnette en vous réclamant je-ne-sais-quoi sur un ton menaçant. Il est regrettable qu’il ne soit plus permis de les mettre au bûcher, d’autant qu’ils risquent bien de se radicaliser un jour…

Mais au fait : Faut-il brûler les sorcières ? C’est à cette grave question que Hobbes a répondu on ne peut plus sérieusement : oui, il faut les brûler, non pas parce qu’elles sont réellement sorcières mais parce qu’elles affirment l’être. Et d’ajouter : « leur profession (de foi) se rapproche davantage d'une nouvelle religion que d'une technique artificieuse ou d'une science » ; bref une sorcière est une hérétique et elle peut être brûlée vive pour cela. Inutile de demander alors s’il est juste de brûler les hérétiques, puisque la religion étant un des piliers du pouvoir politique, il est indispensable de la protéger de tout ce qui pourrait l’affaiblir.

On comprend alors que la sorcellerie est vraiment ce qu’il y a de pire et ce qui se passe aujourd’hui le prouve abondamment. La science peut bien démontrer que la sorcellerie est pur fantasme et que jamais personne n’a su voler sur un manche à balai – et ça, on le savait déjà en 1651 (date de publication du Léviathan) ; ce qui n’empêche qu’aujourd’hui encore on égorge des infidèles au nom de Dieu-le-Tout-Puissant, ce qui prouve bien qu’on reste en dehors du champ scientifique.

Occasion de rappeler que la croyance est plus solide que la science parce que la science repose sur des preuves qui demandent une certaine maitrise pour être seulement comprise : c’est ainsi que les créationnistes affirment que rien ne prouve que la science a raison quand elle affirme que les espèces vivantes ont évolué au cours du temps.

Saturday, October 29, 2016

Citation du 30 octobre 2016

L’exercice du pouvoir, c’est le respect du secret.
Manuel Valls, Premier Ministre
J'aime ce Dieu Harpocrate, son index sur sa bouche.
Maurice de Guérin Journal, lettres et poèmes – Edition 1865 (cité le 18 juillet 2015)

Statue d’Harpocrate Dieu du secret exposée au Palais du Luxembourg (siège du Sénat)

Qu’on me permette de revenir sur le livre, qui fait scandale en ce moment, où on peut lire les propos privés et en principe non destinés à être répandus sur la place publique de François Hollande. Le Premier Ministre rappelle comme un principe absolu que gouverner c’est garder le secret.
Il ne s’agit pas pour moi de reprendre les confidences du Président pour gloser dessus. Il s’agit de s’interroger sur la concomitance de l’exercice du pouvoir et du secret. Certes Machiavel a largement expliqué que le secret est indispensable au Prince qui veut exercer le pouvoir sans avoir à affronter une opposition qui le mettrait en péril. Mais Machiavel explique aussi que les hommes sont naturellement méchants et que vouloir les gouverner avec leur accord est impossible – d’où la nécessité de leur dissimuler les vraies intentions du pouvoir ; nous autres démocrates avons cru qu’il en allait autrement. Si notre idéal est la démocratie directe, alors plus de secret : le pouvoir s’exerce au grand jour, sur la place publique car c’est d’elle que procèdent les lois – qu’on songe aux votations suisses.
… Mais justement : voyez les lois issues de ces votations : suppression des minarets ; refus de laisser des étrangers pénétrer sur le territoire ; interdiction du salaire minimum… Et si pour exercer un pouvoir égalitaire et magnanime il fallait mentir au peuple, et garder le secret sur les hospices qu’on ouvre et sur les lieux de détention qu’on ferme ?

Quelle belle idée ! Que la politique soit un domaine où l’on fait le bien en se dissimulant, où la générosité doit se cacher sous les traits austères du refus – comme d’accorder l’asile à des malheureux en faisant mine de les reconduire à la frontière ?

Friday, October 28, 2016

Citation du 29 octobre 2016

La vie m'a appris qu'il y a deux choses dont on peut très bien se passer : la présidence de la République et la prostate.
Georges Clemenceau
C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites.
Montesquieu – De l’esprit des lois, Livre 11 chapitre 4

Voici des propos qui ont pris une nouvelle signification avec le temps : car n’est-ce pas, à présent les femmes accèdent à la plus haute magistrature et elles n’ont évidemment pas besoin de prostate…
Sérieusement, ces propos désabusés sont certainement ceux d’un candidat malheureux à la Présidence – on sait que Clémenceau fut battu lors du vote préparatoire des républicains en 1920, sortes de Primaires avant la lettre et qu’ensuite il se retira de la vie politique.
Ici, il y a deux possibilités : soit prendre Clémenceau au sérieux et constater que la Présidence de la République est un honneur facultatif ; soit dire que si cela était vrai sous la 3ème République, ce ne l’est plus sous la 5ème puisque la Magistrature suprême, associée à l’élection législative, donne au Président un pouvoir qui n’a pas son équivalent en France depuis la Monarchie absolue (ajoutons l’Empire).
On dira alors que vraiment, un homme politique n’a jamais assez de pouvoir et qu’il ne s’arrête jamais de le rechercher puisque, même quand parvenu au sommet, il cherche encore à s’y maintenir ! Occasion de se rappeler la phrase de Montesquieu citée plus haut : qui donc oserait en douter ? Qui donc nierait qu'en politique, s’il y des morts vivants qui reviennent d’un lointain désert pour briguer à nouveau le pouvoir, c’est que par delà les frontières de la vie politique, le même invincible besoin de gouverner habite encore leurs corps et les rappelle à la vie publique.
Bon – ça on le sait. Mais alors que penser des déclarations de patriotisme et de sacrifice au bien public qui accompagne leur profession de foi ?
- Ici, certains diront : « Ces hommes sont peut-être sincères, et ils refuseraient le pouvoir s’il ne permettait pas de réaliser leur idéal ».

A vous de choisir votre conclusion.

Thursday, October 27, 2016

Citation du 28 octobre 2016

Ah Dieu! que la guerre est jolie. Avec ses chants, ses longs loisirs.
Guillaume Apollinaire – Calligramme, L’Adieu du cavalier (1913-1916)
Ce poème qu’Apollinaire publia en 1918 peu avant de mourir de la grippe espagnole, était dédié à un soldat mort au Chemin des Dames, là justement où le Poète fut blessé par un éclat d’obus.
Ce poème est imprégné de la douloureuse expérience de la vie dans les tranchées, lorsque le front stabilisé, les hommes de la première ligne tuent le temps faute de pouvoir tuer du boche. Mais la mort rôde, elle avance masquée sous le parfum du printemps réminiscence de la bien-aimée. L’adieu du cavalier est un peu comme le destin du Dormeur du val (1), lorsque la mort se cache sous les aspects les plus riants de la vie. Qui donc ne trouverait pas déchirant d’expirer dans un champ de fleurs ?
Je crois que c’est tout cela qu’il faut entendre dans le poème d’Apollinaire, et plutôt que d’ironiser sur le mode sarcastique, il faut imaginer que la guerre c’est tout cela à la fois, et le printemps et le sang versé – et le souvenir de la bien-aimée, et les entrailles qui se répandent ; et le poète qui rimaille pour tout le bataillon (2), et l’éclat d’obus qui pénètre dans son cerveau… Oui, rien de tout cela n’est plus aujourd’hui ; c’était du temps où la guerre durait suffisamment pour que la vie se développe autour, qu’elle l'enlace ses élans, de ses volutes, un peu comme le lierre qui grimpe sur les ruines. Aujourd’hui, on est juste un peu de conscience flottant dans l’air alors que notre corps vient d’être atomisé en 1/20ème de seconde…
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(1) Arthur Rimbaud – Le dormeur du Val, à lire ici.

(2) Apollinaire fabriquait à la demande de ses compagnons de tranchée des poèmes pour leurs maitresses.

Wednesday, October 26, 2016

Citation du 27 octobre 2016

Rosie a un chéri Charlie / Charlie est un Marine / Rosie protège Charlie / En travaillant sans limite avec sa riveteuse… Je suis Rosie la Riveteuse.
(Rosie’s got a boyfriend, Charlie / Charlie, he’s a Marine / Rosie is protecting Charlie / Working overtime on the  / riveting machineI'm Rosie, hm-hm-hm-hmm, the riveter
Chanson des quatre vagabonds – 1943 (lire iciécouter ici)


Affiche de Rosie la Riveteuse de N. Rockwell
qui s’est inspiré d’une peinture du prophète Isaïe
réalisée par Michel-Ange pour la chapelle Sixtine

Lisez ici l’histoire de Rosie, vous y apprendrez comment ce personnage imaginé pour célébrer l’effort de guerre des femmes américaines durant la seconde Guerre mondiale est devenu une véritable icône de la valeur des femmes, chanté par le groupe des Quatre vagabonds en 1943.
Appréciez la pose (imitée du plafond de la Sixtine !) montrant la jeune femme au moment du déjeuner avec son énorme pistolet riveteur sur les genoux et le pied posé sur le livre de Hitler… 
Ecoutez la chanson pour découvrir les vertus patriotiques de Rosie, avec son acharnement au travail qui lui fait rejeter les frivolités qui occupent habituellement les jeunes filles, patriotisme qui va jusqu’à acheter les bons du Trésor pour soutenir l’effort de guerre.
Mais tout cela c’est encore peu de choses pour Rosie, car voilà qu’en rivetant les carlingues, d’avions, elle ne fait pas seulement avancer l’Amérique vers la Victoire ; elle protège aussi son Chéri qui se bat sur le front et qui aura le bénéfice de la couverture aérienne grâce à ces avions que Rosie vient de fabriquer.

On le voit, si les femmes amantes et ouvrières-citoyennes ont gagné en émancipation grâce à la guerre, elles ne l’ont pas eue gratuitement.
Curieusement on retrouve à peu près le même thème que dans la propagande soviétique pour célébrer le courage des femmes qui ont pris la place des hommes sur les tracteurs et dans les usines : même vêtements même attitude, mêmes « biscoteaux ».

Affiche de J. Howard Miller (1942)

Au fond ce qui différencie ces images de la femme de celles qu’on voit aujourd’hui, c’est que de nos jours, les femmes peuvent rester beaucoup plus féminines lorsqu’elle sont au travail comme les hommes.

Tuesday, October 25, 2016

Citation du 26 octobre 2016

Personne ne peut ruiner le gouvernement mieux que le gouvernement lui-même.
Boris Vian – Henri Salvador s'amuse (1956)
Un président ne devrait pas dire ça.
François Hollande (titre du récent livre de confidences du Président français)
Il y a un moment où la vie politique s’anime, où les hommes et les femmes qui s’y agitent baissent le masque, où la vérité crue parvient à percer. D’habitude il s’agit des moments de trahissons, de débauches qui font scandales, de photos volées – bref, on a coutume de découvrir la réalité en regardant par le trou de la serrure.
Et puis, il y a des moments plus  rares où c’est l’homme ou la femme politique qui vous ouvre la porte de son cabinet secret et qui vous invite à y entrer pour faire l’inventaire de ce qui s’y trouve caché. Simplement il y a habituellement un décalage temporel : on attend d’avoir quitté le pouvoir pour publier un livre de souvenirs ou de règlement de comptes : les élus gardent leur secret inviolé durant l’exercice de leur mandat.

C’est là que se situe l’épisode actuel : François Hollande, Président de la République, a donné carte blanche à deux journalistes pour glaner auprès de lui des informations, confidences, réparties ironiques ou cruelles sur les proches amis ou ennemis ; il a renoncé à l’avance à relire le livre avant parution pour en rectifier certains passages ; et pour faire bonne mesure il ne s’est pas donné le contrôle de la date de la publication. Bref, voilà notre Président pieds et poings liés avec son consentement. Ça vous fait penser à quelque chose ?


Oui, c’est cela n’est-ce pas ? Vous imaginez que le Président français est un adepte pervers et délirant du bondage, et qu’après avoir révélé au grand public ses frasques d’homme infidèle soumis aux turpitudes ses pulsions, le voilà qui s’affiche dans une posture de masochiste qui fournit lui même les cordes pour l’entraver ?
Peut-être. Mais supposez que vous ayez là une audace d’homme libre, un élu du peuple qui se tourne vers lui et qui lui dit : « Voyez, j’ai le courage de me montrer devant vous, tel que je suis. Soyez mon confesseur et que votre absolution me rende ma légitimité pour briguer un nouveau mandat. »
Voteriez- vous pour un homme pareil ? Iriez-vous donner votre confiance à celui qui ose tout révéler, qui refuse les replis de conscience où se cachent – chez les autres – de bien vilaines choses ? – Non !

Hélas…