Wednesday, July 31, 2013

Citation du 1er août 2013


Chaque progrès dans l'art d'écrire ne s'achète que par l'abandon d'une complaisance.
André Gide – Journal
Tous les perruquiers sont d'accord à dire que plus les chevelures sont peignées, plus elles sont luisantes. Il en est de même du style, la correction fait son éclat.
Gustave Flaubert – Correspondance, à Louise Colet, 22 novembre 1852

Amis écrivains, vous tous qui êtes taquiné par le besoin d’écrire – le « prurit » plumassier – ce Post est pour vous : j’y parlerai de moi.
Non que je me crois capable de vous donner des conseils pour devenir Chateaubriand ou Louis Aragon. Mais plutôt, en vous parlant de mon expérience, j’espère – si ce n’est pas trop prétentieux –  vous donner un point de vue permettant de dire ce qu’il en est pour vous.
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Je suis parfaitement d’accord avec cette remarque de Gide, car je suis, moi aussi, pris dans la contradiction qu’il suggère :
            - D’une part j’écris parce que je m’aime dans ce que j’écris. La formule est un peu bizarre, je l’avoue ; mais l’écriture est pour moi une véritable jouissance narcissique. Exactement comme Narcisse, je m’admire moi-même – lui dans le miroir de la fontaine, moi dans mes écrits, et cela quand bien même personne ne les lirait jamais.
            - Mais d’autre part, cette confession est l’aveu d’un péché. Car la jouissance n’est pas un indice de qualité. Comment aller jusqu’au dépassement de soi-même si l’on se contente de la jouissance béate et de l’autosatisfaction en contemplant le jet d’encre qu’on vient je lâcher sur le papier ? Comment se contenter de cet « onanisme » ?
--> L’abandon de la complaisance comme le dit Gide est donc indispensable – et elle est possible, parce que la jouissance ne dure qu’un instant (si on lui ajoute la durée elle devient béatitude). Et donc, laissant passer le temps nécessaire pour que l’encre sèche, voilà que je reprends mon écrit, et que je perçois ses défauts : là même où je trouvais l’invention, il n’y a plus qu’enflure ridicule ; là où il y avait de la profondeur révélant la puissance de mon intellect, il n’y a plus que galimatias.
Gide nous promet le progrès si l’on en arrive là : ce qui veut dire qu’au lieu de rougir de honte et de jurer de ne plus jamais remettre la main à la plume, nous pouvons retrouver le plaisir et la satisfaction dans la rectification de notre texte. C’est que, comme Cyrano si nous avons des reproches à subir nous voulons qu’ils viennent de nous – et pas des affreux critiques que nous haïssons.

Tuesday, July 30, 2013

Citation du 31 juillet 2013



Abandon. Anesthésie du refus.
Marianne Van Hirtum
La résignation est-elle une sagesse ?
Eugène Ionesco – Cité le 3-06-2006
On l’a compris : ce qui est en ligne de mire, c’est le stoïcisme qui, sous une forme dégradée, devient à peu près synonyme de ce qu’on appelle couramment « philosophie ». Prendre son sort avec philosophie signifie souvent savoir se résigner – ou, comme le disait Descartes "changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde" (Discours de la méthode 3ème partie). Attitude contre laquelle on évoque la plupart du temps l’indignation et la résistance (à la suite de Stéphane Hessel).
Ceux qui ne résistent pas abandonnent. La question est de savoir quel est le sens de l’abandon : il faut donc savoir pourquoi on abandonne.
- On peut abandonner parce qu’il est bon de s’en remettre à la force (quelle que soit sa nature)
- On peut abandonner par lâcheté, parce qu’il est trop dangereux d’affronter plus fort que soi.
- On peut abandonner pour échapper à la souffrance quand celle-ci provient de l’effort de résister.
Marianne van Hirtum considère l’abandon comme l’anesthésie du refus. Abandonner ce n’est donc pas accepter l’ordre qui nous domine (1ère hypothèse), ni faire acte de lâcheté (2ème hypothèse). L’abandon accompagne le refus, dont il soulage la souffrance.
Alors certes, on ne peut dans le même mouvement refus et abandonner ; mais si dans notre cœur nous refusons, on peut dans les faits abandonner la résistance (1). A la différence du stoïcisme, cet abandon n’est pas reconnaissance de valeur : le malade qui renonce à un traitement trop rude à supporter ne veut pas dire que la maladie est bonne.
Si l’abandon est anesthésiant c’est simplement parce que l’effort de lutter est souffrance.
Abandon… Résignation… Démission… Au fond, qu’importe ne nom qu’on donne à cette attitude ? L’important est qu’elle soit « anesthésiante ».
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(1) L’abandon peut être aussi abandon du refus :
--> 18 juin 1940 : le maréchal Pétain, tout en refusant l’humiliation de la défaite, dépose les armes.
--> 24 octobre 1940 à Montoire, Pétain serre la main d’Hitler, acceptant de ce fait la collaboration avec le régime nazi.

Monday, July 29, 2013

Citation du 30 juillet 2013


Femme qui abandonne sa bouche accorde sans peine le surplus.
Chrétien de Troyes – Perceval le Gallois (Extrait en annexe)
L’amour féminin est pétri de contradiction : telle est l’opinion de Chrétien de Troyes, qui en plein 12ème siècle nous donne ce cours de psychologie féminine – loin, très loin de l’amour courtois qui fleurissait pourtant à cette époque.
1ère contradiction : La femme attaque l’homme et pourtant elle souhaite lui succomber.
2ème contradiction : elle souhaite se donner, mais elle a peur d’accorder.
3ème contradiction : quand l’homme réalise ce vœu féminin de possession, la femme ne lui en saura pourtant nul gré.
--> Alors, la seule question qui reste est de savoir à quel signe deviner que la résistance de la femme cache un consentement et non une véritable répulsion.
Femme qui abandonne sa bouche… Le baiser est selon Chrétien de Troyes ce signe, ce Rubicon amoureux qui, une fois franchi, autorise toutes les estocades : si vous constatez qu’une la femme vous laisse l’embrasser sur la bouche, alors allez-y carrément. (1) 
Supposons que ce soit vrai – et quand bien même ce serait faux, la question resterait la même – on peut se demander alors ce que signifie cette résistance-abandon, ce viol qui répond à l’appel secret de la victime ?
Certains diront que la femme est un être fait pour la soumission mais qu’elle n’assume pas sa nature.
D’autres plus enclin à l’étude éthologique diront que dans la nature les femelles repoussent les mâles, attendant qu’une compétition entre eux lui montre le quel sera assez fort pour l’approcher. La fonction biologique de cette résistance est de tester la force du mâle afin que la reproduction soit assumée par les individus les plus solides et les plus aptes à la survie, pour que leurs gènes se transmettent à leurs descendants, améliorant au passage l’espèce.
Certains messieurs croient peut-être que leur anatomie sexuelle est leur principal atout de séduction. Ils se trompent : ce que les femmes préfèrent chez les hommes, c’est leurs muscles – par exemple leur fessier (2) – qui leur prouve qu’ils sont capable de l’emporter dans la compétition pour la survie.
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(1) Notez je vous prie que  l’abandon de la bouche féminine signifie le baiser – comme le précise le texte en Annexe – et non je ne sais quelle pratique dégoutante inventée par la perversion des hommes.
(2) Sur le rôle séducteur des fesses masculines, voir Diderot (Dans le texte cité en note ici)
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Annexe : « Qui embrasse femme et plus n’y fait, quand ils sont seuls à seule, c’est lui qui a reculé. Femme qui abandonne sa bouche accorde sans peine le surplus, si on le lui réclame tout de bon. Femme a beau se défendre, on sait bien qu’elle veut vaincre partout, hors en cette mêlée où elle tient l’homme à la gorge, l’égratigne, le mord, le tue et pourtant souhaite de succomber. Elle se défend tout en désirant la défaite tant elle a peur d’accorder. Elle veut qu’on la prenne de force, et ainsi n’en saura nul gré. » Chrétien de Troyes – Perceval le Gallois

Sunday, July 28, 2013

Citation du 29 juillet 2013


En marchant, les femmes peuvent tout : montrer ou ne rien laisser voir. Otez la jupe à une femme, adieu la coquetterie, plus de passion.
Honoré de Balzac
L'endroit le plus érotique d'un corps n'est-il pas là où le vêtement bâille ?... Celui de la peau qui scintille entre deux pièces (le pantalon et le tricot), entre deux bords (la chemise entrouverte, le gant et la manche) ; c'est ce scintillement même qui séduit, ou encore : la mise en scène d'une apparition-disparition.
Roland BARTHES – Le plaisir du texte (Cité le 2 avril
2006 et maintes fois depuis)
On le savait déjà grâce à Roland Barthes : l’érotisme exige la mise en scène d’une disparition, donc la nudité n’est pas érotique, il faut que quelque part « le vêtement baille ». Il faut donc la mise en scène d'une apparition-disparition : ce que Balzac va nommer « mouvement ».
Autrement dit : ce qui est séduisant, c’est la femme qui marche, et qui réalise justement cette en scène. Si le comble de l’érotisme est dans le vêtement qui « baille », comment voulez-vous qu’il baille si vous ne vous bougez pas ?
Alors, il y a bien des occasions pour une femme de bouger : j’en ai évoqué deux dans ce Post, avec l’Escarpolette de Fragonard et le croisement des cuisses de Sharon Stone dans Basic instinct. Une femme nue, ou alors simplement vêtue d’un vêtement fonctionnel (comme une tenue de sport) ne saurait éveiller le désir (la jupette des tenniswomen rattrape la chose in extremis).
Ajoutons pour illustrer l’importance de la jupe dans l’éveil du désir la scène-culte de Gilda, le film de Charles Vidor, où Rita Haworth danse en laissant voir sa jambe par l’entrebâillement de son fourreau. Il ne s’agit pas d’une scène de dénudement, encore moins d’une danse des 7 voiles : comme on le sait, Gilda n’enlève qu’un seul de ses longs gants noirs. (1)
- Balzac ajoute un élément de plus : les femmes sont maitresses du désir des hommes, ne serait-ce que par ce mouvement qui, à volonté, montre ou cache. Telle est la coquetterie féminine, celle que l’Eglise a constamment condamné.
Cette coquetterie n’est toutefois ni péché de concupiscence, ni caprice immature. Non : si la femme est condamnable, c’est parce qu’elle fait peur. Peur ? Oui, parce qu’elle est la maitresse du désir des hommes : elle éveille quelque chose en eux qu’ils ne dominent pas, et qui est « appel de la nature ». (2)
Reste que cette coquetterie est une arme à double tranchant : en prenant le contrôle des hommes, les femmes s’aliènent car pour conserver cet avantage elles ne peuvent plus alors exister que comme objet de désir.
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(1) Oui, mais c'est sans doute l'une des scènes la plus torride du cinéma américain...
(2) Par là j’entends cet élan vital par lequel l’espèce se sert de notre désir pour nous obliger à nous reproduire.

Citation du 28 juillet 2013


A la limite, le seul écologiste irréprochable est celui qui met tout en œuvre pour mourir sans laisser la moindre trace de son passage sur Terre.
Didier Nordon – Des cailloux dans les choses sûres
Prière de laisser cet endroit aussi propre que vous désirez le trouver en entrant
Plaque de porte en plexiglas de haute qualité (Voir ici)



Bonjour les Ecolos ! Toujours à l’affût d’une bonne opération de com’ pour l’été ? Comment faire pour que les touristes soient enfin un peu respectueux de l’environnement ?
Une solution consiste à leur demander s’ils feraient chez eux ce qu’ils font dans la nature – et en particulier, leur rappeler qu’en jetant dans la nature n’importe quoi n’importe comment ils font ce qu’ils ne feraient même pas dans leurs WC. « Nettoyez l’endroit de votre pique-nique comme vous nettoyez vos ch… » : voilà un message énergique !
Il y a des exemples beaucoup plus frappants que celui-là :
--> Notre citation affirme qu’à notre mort, il faudra laisser la place nette comme si nous n’avions même pas existé. On est alors amené à songer à notre enterrement qui devra être évalué en terme de bilan-carbone.
C’est ainsi que des entrepreneurs de Pompes funèbres un peu malin ont songé à exploiter le filon : les uns nous proposent « un enterrement écologique avec cercueil biodégradable et sans embaumement pour éviter l’utilisation de conservateurs chimiques. » Les autres renchérissent : « évitez la crémation génératrice de gaz toxiques et achetez nos cercueils en cartons prêts à l’emploi qui sont sans danger pour la nappe phréatique. »
Cool…
J’ajouterai eux remarques pour finir :
- l’une de nature scientifique. Chaque animal occupe une place spécifique dans la chaine alimentaire, et pour être vraiment écologiste l’homme ne doit pas s’y soustraire. En livrant votre corps aux charognards comme on fait aux Indes, songez à toutes les bêtes qui vont profiter de votre dépouille pour prospérer.
- l’autre est plus métaphysique. L’importance que nous accordons à notre existence individuelle n’est qu’une illusion : nous nous croyons grands et nous sommes en réalité minuscules – que ce soit devant Dieu ou devant la Nature. Effacer nos traces c’est reconnaitre cette réalité : nous n’avons pas à laisser un monument – même funéraire – de notre défunte existence car ce serait un monument de la petitesse et non de la grandeur.