Saturday, October 31, 2015

Citation du 1er novembre 2015

Il ne saurait y avoir de vérité première. Il n’y a que des erreurs premières.
Gaston Bachelard (1884-1962)

L’intuition première est toujours une erreur. La vérité n’existe que si elle est prouvée.
Tel est le principe fondateur de la méthode cartésienne ; telle est la base de l’esprit scientifique.

L’objection qui vient à l’esprit est qu’on vit grâce à des intuitions immédiates, à des réactions irréfléchies et c’est tant mieux : comment survivrait-on si on devait devant une urgence prendre le temps de peser le pour et le contre avant de réagir ? On raconte que Pyrrhon (fondateur du scepticisme) alors qu’il cheminait sur une route de montagne, prenait le risque de tomber dans le ravin, disant qu’il n’avait pas la preuve qu’il existât vraiment !
Mais qu’est-ce que ça prouve ? Rien de plus sinon qu’il y a des vérités qui apparaissent comme cela, mélangées à des erreurs et que seules les circonstances nous disent ensuite la quelle est bonne, la quelle ne l’est pas. Platon disait qu’il y existe des opinions droites : droites comme la route sur la quelle chemine l’aveugle – mais dès qu’elle tourne, il tombe. L’opinion droite porte une connaissance mais elle ne nous dit rien de sa véracité. On fait avec, comme tout le monde. Le jour où on se trompe, on est comme l’aveugle sur la route qui bifurque : on se fiche par terre.


On objecte également que des générations innombrables ont depuis l’origine des temps (sic) cru dans la même chose, et que ça en valide le contenu. Alors, si vous attrapez une bonne maladie, faites brûler un cierge ou bien prenez une décoction d’herbes des champs. Et puis consultez votre horoscope pour savoir si vous allez attraper la grippe cet hiver.

Friday, October 30, 2015

Citation du 31 octobre 2015

Mais un fantôme depuis punit cette famille ingrate  / Quand ces bourreaux nous ont meurtri les miches à coups de savate  / Il vient la nuit tirer les pieds de ma mère  / Qui aussitôt fout une baffe à mon père.
Pierre Perret – Tonton Cristobal (chanson)
Quand je serai un fantôme, je reviendrai vous hanter dans votre sommeil ! je vous enlèverai votre couverture devant tout le monde ! je vous planterai un bouquet d'orties dans le cul et vous vous gratterez pour l'éternité !
Mathias Malzieu – Métamorphose en bord de ciel (2011)

Trick or treat!

Voici Halloween ! Aujourd’hui les sorcières font du rodéo sur leur balai, et les morts sortent de leurs tombes pour venir embêter les vivants. Moment où les petits enfants viennent également embêter les grandes personnes….
Ah ! Faire comme ces garnements, ça fait envie, n’est-ce pas ? Devenir l’espace d’un jour une sorcière, l’espace d’une nuit un fantôme…
Et vous, que feriez-vous, si vous étiez un fantôme, lâché d’un coup dans le monde des vivants et libre de leur faire toutes sortes de blagues ?
- Il y a bien sûr l’histoire du fantôme qui tire les pieds des dormeurs pour les terroriser. Mais ça c’est très banal. On peut imaginer, comme Pierre Perret qu’en plus de les terroriser cette secousse soit l’occasion d’une scène de ménage bien saignante : et ça va continuer toute la journée !
Mais à ce que je vois, vous êtes insatisfait et votre imagination est déçue : « Tout ça c’est du pipi de chat ! ».
- Alors, voici l’idée suggérée par Mathias Malaizieu. Vous êtes donc un fantôme, vous circulez partout – même à travers les murs – et vous êtes capable d’agir dans le monde réel. Voilà donc une première idée : au lieu de tirer les pieds des dormeurs, tirez leur couverture, pour que tout le monde les voie à poil – ou pire : dans un atroce pyjamas rayé. La honte !
- Mais voici encore mieux : vous allez leur planter un bouquet d'orties dans le cul pour qu’ils se grattent durant l'éternité ! Imaginez ces pauvres gens assis dans le fauteuil du salon et qui se trémoussent parce que ça les gratte furieusement. Au point qu’ils n’en peuvent plus et les voilà, devant leurs amis distingués, qui se grattent publiquement le cul…

What a dirty trick !

Thursday, October 29, 2015

Citation du 30 octobre 2015

Ne fais donc jamais de citations classiques : tu exhumes la grand-mère en présence de ta maîtresse.
Léon-Paul Fargue – Sous la lampe
Qu’est-ce donc qu’une citation classique ? Et pourquoi ce rejet méprisant ?
Déjà, admettons que pour être classique une citation doive venir d’un auteur lui-même reconnu comme tel, c’est à dire, à la fois ancien (de l’antiquité si possible mais pas seulement) ; et en même temps considéré comme faisant partie du patrimoine culturel du pays. (1)
Si faire une citation classique revient à exhumer sa grand-mère, on doit admettre qu’on ne tient compte que d'une dimension : celle du passé. Mais après tout si remonter à la grand-mère était une façon de retrouver une vérité aujourd’hui oubliée, pourquoi pas ? Quoique… Si c’est destiné à la maitresse, alors là, ça ne va plus : car la maitresse, il faut la séduire et c’est sans doute pour ça qu’on fait des citations – pour briller et lui en mettre  « plein la vue ».
Du coup, suivons l’avertissement de Léon-Paul Fargue qui nous déconseille de recourir à des citations empesées, lourdes de tradition, voire même issues du Patrimoine culturel. Préférons des slogans, des mots à la mode, voire même qui devancent la mode, qu’on ne comprendra qu’à condition d’être « branchés ».
Soit – Maintenant, mes citations classiques me restent « sur les bras » (sic) : qu’est-ce que j’en fais ?

C’est tout de même évident : il suffit de lire Montaigne, lui-même classique autant qu’on peut l’être : « Je fais dire aux autres ce que je ne puis si bien dire tantôt par faiblesse de mon langage, tantôt par faiblesse de mes sens. Je ne compte pas mes emprunts, je les pèse. » Montaigne – Essai.
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(1) Voir ici et .

Wednesday, October 28, 2015

Citation du 29 octobre 2015

L'église n'est pas un poste de douane mais plutôt un hôpital de campagne.
Pape François (à propos de la tolérance en faveur des divorcés remariés)
A côté de l’Eglise de la « rétribution » des vices et des vertus – poste de douane qui ouvre ou qui ferme les portes du Paradis – voici l’Eglise hôpital-de-campagne, celle qui soigne les malheureux.

Saint Pierre avec ses clés fait penser en effet à ces gardes frontières qui trient les migrants, acceptent ceux-ci refoulent ceux-là. Fâcheuse image…


Allons, un peu de charité ici-bas ne peut nuire…


Hôpital du CICR à Haïti


Mais les blessés dont parle le Pape François ne sont pas bloqués sur de lointaines frontières : ils sont ici ; ce sont des blessés de la vie, souvent victimes de nos propres intolérances. Ainsi des homosexuel(le)s, réprouvés et voués par leurs frères et leurs sœurs aux tourments de l’enfer qui commence ici-bas avec l’ignominie des calomnies dont on les abreuve. Avant de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais, l’Eglise de Rome doit soigner toutes ces créatures de Dieu. Ne sont-ils pas nos semblables ? Et que fit le Bon Samaritain de la parabole ? (Luc, 10, 25-37 Lire ici)

Tuesday, October 27, 2015

Citation du 28 octobre 2015

Le bonheur des méchants comme un torrent s’écoule.
Racine – Athalie II, 7
« Ad nihilum devenient (peccatores), tanquam aqua decurrens. » (Faites-les disparaitre comme l’eau qui se perd)
Psaume LVII, 8 (Vulgate)
On admire la concision racinienne, la puissance qui se dégage de ses ellipses abruptes. Soit – mais quand on lit ce vers, et qu’on retrouve une édition qui met en note pour l’éclairer ce verset du Psaume 57, on se dit alors qu'on doit imaginer un tout autre sens, le torrent qui s’écoule avec une impétueuse puissance chez Racine  devenant dans le Psaume de David l’eau qui se perd dans les sables.  
Mais quoi ? Si le vers de Racine avait le sens qu’il paraît porter, il aurait vanté le pouvoir des méchants de jouir d’un bonheur sans limites : quelle leçon d’immoralisme, voire même de débauche, donnée à la cours du Grand Roi ! Impossible, puisqu’au lieu de punir les méchants par le malheur qu’ils ont mérité, Dieu permettrait qu’ils jouissent du bonheur en récompense leurs vices. Reste donc l’idée que le bonheur des méchants soit fugitif, qu’il disparaisse aussitôt qu’il se manifeste, parce qu’il porte en lui les germes de sa destruction.
o-o-o
Et pourtant, si les méchants pouvaient réellement jouir du bonheur ? Si, comme le soutient la Bible, il fallait attendre longtemps - très longtemps - jusqu’au Jugement dernier pour que la justice fut rétablie, pour que ceux qui ont joui toute leur vie d’un bonheur obtenu aux dépens des faibles, soient enfin châtiés et précipités en enfer au lieu d’être ressuscités ?
Quoique… Je viens d’écrire : « un bonheur obtenu aux dépens des faibles » : est-ce à dire que ce bonheur existe ? Peut-on être heureux aux dépens des autres ? Faudrait-il un miracle pour que de tels êtres dépravés soient punis ? Terrible éventualité !
Voyez un peu : imaginons que le plus grand Roi de France, comme le fut Louis XIV, au lieu d’être noble bon et glorieux, ait été fourbe et méchant. Il aurait été entouré de courtisans qui vanteraient perfidement son rayonnement, et il aurait fait la guerre aux pays voisins satisfaisant ainsi son goût de la souffrance infligée aux pauvres peuples. Qu’est-ce qui l’empêcherait d’être heureux en satisfaisant ses mauvais penchants, attendu que personne ne pourrait se dresser contre lui ? Pire encore : peut-être même même que ces vices auraient fait la richesse du royaume – comme dans la ruche de la Fable des abeilles (1).
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(1) La Fable des abeilles décrit avec passablement de cynisme les ressorts de la prospérité de l'Angleterre du 18ème siècle. Mandeville y dénonce les fausses vertus que sont, par exemple, la modestie, la décence, l'honnêteté et le sens de la hiérarchie. Il tente de montrer comment la convoitise, l'orgueil et la vanité sont les ressorts de l'opulence. Il souligne, en somme, l'utilité économique des vices et montre, du même souffle, l'harmonie naturelle des intérêts. (Lire ici)