Wednesday, September 30, 2009

Citation du 1er octobre 2009

La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts.

Georges Clemenceau

A vrai dire je ne sais pas exactement quand Clemenceau a dit une chose pareille, mais quand on se souvient de Courteline et de ses ronds-de-cuir, on se dit que ce devait être à la même époque (en gros, le début de la IIIème République, avant 1914).

Mais que dirait-on aujourd’hui ? On dirait sans doute : on plante des fonctionnaires et il pousse des déficits publics. Autant dire que la notion de service public est complètement éliminée ; disparue du champ de vision.

Je ne vais sûrement pas prendre ici la défense du service public, je ne suis pas là pour militer, mais plutôt pour soulever un sourcil étonné : comment se fait-il que la valeur du service public soit si peu reconnue ? Récemment une manifestation de soutien aux postiers protestants contre l’éventuelle privatisation de la Poste n’a pas mobilisé les foules.

Même si on remarque qu’il y a des degrés dans cette méconnaissance, elle existe de façon suffisamment générale pour que le gouvernement puisse sabrer dans les effectifs des fonctionnaires sans protestation : 15000 fonctionnaires de moins (1), c’est 15000 parasites de moins. Et ça passe.

Je crois qu’on peut rattacher cette indifférence à l’obligation faite par les psychanalystes à leurs patients de payer leur séance de leur poche et non avec leur carte de Sécu. Ce qui est important coûte quelque chose, ça doit sortir de notre portefeuille. Par contre ce qui est gratuit est sans valeur. Le service public est gratuit évidemment ; donc il ne vaut rien – dans tous les sens du terme.

Tiens, je me demande si je ne devrais pas instituer un péage sur ce blog.


(1) Pour le seul ministère de l’Education Nationale et pour une seule année.

Tuesday, September 29, 2009

Citation du 30 septembre 2009

Ce qui me scandalise, ce n'est pas qu'il y ait des riches et des pauvres : c'est le gaspillage.

Mère Teresa

Ce qui me scandalise … c'est le gaspillage. Et mère Teresa n’est pas la seule.

Exemple : quand les producteurs de lait ont voulu faire parler d’eux, ils ne sont pas allés le distribuer gratuitement dans les orphelinats ; ils l’ont déversé dans les champs (ou dans les rues de Bruxelles) pour que ces geysers de lait mélangés à la boue des champs remuent un peu l’âme de ces foutus citadins qui autrement se moqueraient éperdument de leurs problèmes.

D’ailleurs ils ont peut-être trouvé leur inspiration dans l’image qu’on a conservée de la crise de surproduction de 1929, quand le Brésil brûlait son café dans les chaudières des locomotives.

Et encore : il y a de ça bien des années, Serge Gainsbourg brûlait sur un plateau de télé un billet de 500 francs (1). Un commentateur télé disait qu’alors, chaque téléspectateur a estimé que ce billet aurait dû lui revenir et a été scandalisé d’en être frustré.

On se rappelle aussi les bateleurs de foires qui vendaient des lots d’assiettes sur les marchés, faisant une enchère au terme de la quelle, si aucun acheteur ne s’était déclaré ils brisaient la vaisselle à leurs pieds. Ce gaspillage était si violent que souvent il y avait quelqu’un pour acheter afin d’éviter que ces objets utiles ne soient détruits. (2)

C’était bien vu – le gaspillage nous touche parce qu’il y a un reste de respect pour ce qui maintient la vie en satisfaisant ses besoins vitaux. Tel est bien le lait, tels sont les produits agricoles que les agriculteurs ne manquent jamais de détruire spectaculairement en cas de surproduction.

Par contre, quand on écrabouille des objets contrefaits (tiens, par exemple des Rolex made in HongKong), là je ne ressens rien du tout.

Comment ? Ce n’est pas votre cas ? Vous êtes tétanisés par un tel spectacle ? C’est donc que la Rolex est pour vous un besoin vital.


(1) Voir la vidéo ici : Gainsbourg entendait alors protester contre les prélèvements fiscaux. Il militait avant l’heure pour le bouclier fiscal…

(2) Peut-être est-ce aussi ce qui nous serre le cœur dans ces spectacles de villes bombardées, d’immeubles et de ponts effondrés, alors même qu’aucune victime humaine n’est visible.

Monday, September 28, 2009

Citation du 29 septembre 2009

Le seul vrai problème philosophique ce n'est pas le suicide, c'est de savoir pourquoi on ne peut pas se suicider.

Louis Gauthier (Romancier québécois) – Les grands légumes célestes vous parlent

Notre ami Louis Gautier (dont je n’ai pas lu les romans mais qui parait être un auteur tout à fait respectable) pose ici une question faussement naïve, à la limite de la question rhétorique.

Car enfin, tout le monde sait que les religions condamnent le suicide sauf dans des cas bien précis, comme celui des guerriers japonais qui, dans la défaite, reconnaissent que le déshonneur ne leur permet plus de vivre. Et que l’instinct de vie qui nous tient est ce qui nous retient dans la vie, au point que les suicides (des employés France-Télécom par exemple) nous font frémir en nous donnant la mesure de l’horreur du travail dans cette entreprise.

Mais si j’ai dit « faussement naïve » c’est qu’on peut en tirer une autre question : quelle est la valeur de la vie, et en quoi l’emporte-t-elle sur la mort ?

Cette question est l’objet de la célèbre tirade de Hamlet To be or not to be (1). On connaît sa réponse : il faut refuser la mort (par suicide entre autre), non pas parce qu’elle serait une lâcheté déshonorante, mais parce qu’en donnant accès à l’au-delà, elle peut être source de maux bien pires que ceux qu’on éprouvés durant la vie.

Ce n’est pas qu’on ne puisse pas se suicider parce qu’on n’en aurait pas le droit. C’est que l’inconnu de la mort (de l’après-mort si l’on peut dire) est source de peurs : elle est une obscurité que rien ne vient percer sinon nos fantasmes les plus angoissants.


(1) En français ici. On peut aussi consulter mon Post du 23-04-2006



Sunday, September 27, 2009

Citation du 28 septembre 2009

On est gouverné par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis.

Michel Audiard – Le Président

Quel est le juste prix de la betterave ? (1)

A qui faut-il le demander ?

- Aux agriculteurs ?

- Aux fonctionnaires de Bruxelles ?

- Au marché ?

- Aux consommateurs ?

D’ailleurs, ma question a-t-elle seulement un sens ? Peut-on parler d’un juste prix de la betterave ? Voire même de son prix ?

Rappelez-vous Rousseau : les fruits sont à tous et la terre n’est à personne. La betterave est à ceux qui en ont besoin, et les diabétiques n’ont rien à en faire. Comme l’oiseau qui picore les graines qu’on vient de semer, la faim justifie de prendre de quoi se nourrir.

Mais revenons à notre question du juste prix : au fond, ce que notre citation souligne, c’est que dans la fixation des prix agricoles, le point de vue du producteur est précisément celui qui n’est pas pris en compte. Entre les spéculateurs qui jonglent avec les cargaisons de blés entassées dans des cargos remplis à ras bord, et la commission européenne qui fixe du fond des bureaux bruxellois le prix du lait, le juste prix est alternativement celui où s’équilibrent l’offre et la demande, ou bien celui que décident des techniciens auto-proclamés compétents.

Si on en revenait à Marx ? La valeur d’échange dit-il, c’est le prix de vente qui compense ce que le travailleur a perdu en produisant sa marchandise. Autrement dit, le juste prix de la betterave constitue le salaire qui permet au cultivateur de vivre de son travail.

Notez que les producteurs de lait ne disent rien d’autre...


(1) Ou du lait ; ou du blé ; ou des fruit ; ou des artichauts : ou…

Saturday, September 26, 2009

Citation du 27 septembre 2009

Ne vous étonnez pas que les autres animaux aient à leur disposition tout ce qui est indispensable à la vie du corps, non seulement la nourriture et la boisson, mais le gîte, et qu'ils n'aient pas besoin de chaussures, de tapis, d'habits, tandis que nous, nous en avons besoin. Car il eût été nuisible de créer de pareils besoins chez des êtres qui n'ont pas leur fin en eux-mêmes, mais sont nés pour servir.

Épictète – Entretiens I xvi (De la providence)

Cette citation nous offre une vision très particulière de la providence : alors que dans la Bible, Dieu pourvoit aux besoins de tous les êtres vivants (1), ici il distribue ce sont les besoins qu’il répartit en fonction des capacités (2). Ce qui est une façon assez profane de voir la providence, puisque, selon la Bible, Dieu a un plan global de la Création, la Providence étant la machinerie qui en assure le bon fonctionnement.

Ajoutons que cette citation prend tout son sens dans une société esclavagiste, puisque c’est une définition de l’esclave qui nous est donnée sous couvert d’un examen du cas de l’animal. Car l’esclave comme l’animal (mais est-il autre chose ?) est un être qui n’a pas sa fin (=son but) en lui-même ; il n’existe que pour servir son maître et on peut supposer que quand il en sera incapable on le mettra à mort, comme on envoie la vache tarie à l’équarisseur.

Deux observations, pour prolonger un peu notre lecture :

1ère observation : sachons mesurer nos besoins à l’aune de nos capacités. Inutile de rêver d’une Ferrari rouge si vous êtes smicard.

2ème observation : être libre, c’est disposer de ses propres forces pour réaliser son propre projet. Un peu plus haut, Epictète a critiqué les hommes qui geignent de ne pas avoir ce qu’ils souhaitent au lieu de mobiliser leurs forces – dont ils sont les seuls responsables – pour aller chercher ce qu’ils souhaitent.

Yalla comme dit sœur Emmanuelle…


(1) Et dans le mythe de Prométhée également (voir le Protagoras de Platon)

(2) De fait le paragraphe XVI souligne combien la providence nous est favorable, puisqu’elle a fait que les animaux qui nous servent font par eux-mêmes tout ce qui est nécessaire à leur survie – sans qu’on ait le besoin de s’en occuper.

Friday, September 25, 2009

Citation du 26 septembre 2009


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Votre sexe n'est là que pour la dépendance: / Du côté de la barbe est la toute-puissance. / Bien qu'on soit deux moitiés de la société, / Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité;
Molière – L'école des femmes (Acte III, scène 2)
On fait à Coluche l’honneur d’avoir fait rire en disant que les hommes sont égaux, mais que les uns le sont un peu plus que d’autres.
Soit. Mais reconnaissons que dans le genre, Molière l’avait précédé, puisque dans sa tirade, Arnolphe, qui va épouser Agnès, lui explique que, dans le mariage, l’homme et la femme ne sont point égaux :
Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité;
Car enfin, si je prends un poids de 1 kilo, que je le coupe en deux moitiés (1), combien pèsera chacune d’entre elle ? L’homme et la femme sont deux moitiés, mais l’une est un peu plus moitié que l’autre…
C’est une idée plus sérieuse qu’il n’y parait. Car depuis les temps les plus anciens – disons à notre connaissance au moins depuis l’avènement du christianisme (2) – la femme a été considérée comme la moitié d’un tout dont l’homme constitue l’autre moitié.
Ces moitiés se correspondent bien sûr, avec une complémentarité que l’on ne peut nier, au moins dans la procréation. Comment faire pour affirmer que l’homme est supérieur à la femme, alors qu’il ne peut se reproduire sans elle ?
Au cours de notre histoire, trois solutions ont été envisagées :
- Ne pas se reproduire : c’est le célibat des prêtres ;
- Considérer que dans la procréation, la semence de l’homme fournit l’enfant, la matrice féminine quant à elle ne fournit que la nourriture qui le fera grandir (comme la terre et l’eau font pousser la graine)
- Si on est obligé d’admettre que la femme joue un rôle essentiel dans la procréation, déclarer qu’elle n’est bonne qu’à ça, qu’elle n’est qu’un ventre, que les hommes ont le droit de contrôler comme leur bien.

(1) Moitié : Une des deux parties égales d'un tout. (Définition du TLF)
(2) L’histoire des hermaphrodites chez Platon montre qu’on pourrait bien remonter encore plus loin.

Thursday, September 24, 2009

Citation du 25 septembre 2009

C’est le loisir qui enfante la philosophie.

Hobbes - Léviathan (1651), IV, 46

C’est le loisir [traduction préférable à l’oisiveté] qui enfante la philosophie : c’est avec des formules comme celles-là qu’on a dénigré la philosophie et considéré les philosophes comme des parasites de la société. Mais il suffit de lire le paragraphe que Hobbes consacre à la naissance de la philosophie pour comprendre qu’il n’en est rien.

En apparence, Hobbes reprend ici la formule présente déjà chez Platon : il faut être libre de la nécessité du travail – et non esclave – pour pouvoir philosopher.

En réalité, Hobbes fait de la philosophie un travail à part entière, les philosophes étant simplement des savants libérés du souci de produire leur subsistance. Au fond il fait référence à la division du travail.

Avoir le loisir de philosopher, c’est avoir du temps à consacrer à des études qui ne produisent rien de matériel – rien qui ait des effets sur la production matérielle. Il est évident que Hobbes ne fait dans ce texte aucune différence entre le géomètre, le philosophe et peut-être même le physicien.

Selon lui, pour philosopher, il faut avoir du loisir, et pour avoir du loisir il faut vivre dans une grande république capable d’assurer la paix et la tranquillité de ses citoyens – et capable aussi de produire les biens de consommation que certains vont consommer sans les avoir produits.

Mais pour en arriver là, il faut avoir accumulé bien des richesses et bien des pouvoirs, et donc avoir triomphé par la guerre des autres cités concurrentes (1).

Autrement dit, le cas de la philosophie illustre l’opposition entre Hobbes, qui voit dans le développement des richesses une source le Civilisation, et Rousseau qui y voit celui de la barbarie. (2)


(1) Contrairement à ce que nous observons aujourd’hui, Hobbes estime que l’accumulation du capital s'est faite à l'origine par la guerre.

(2) Pour Rousseau, la philosophie elle-même, par le privilège qu’elle accorde à la raison, est source de barbarie

Wednesday, September 23, 2009

Citation du 24 septembre 2009

Grippe 2

La grippe, ça dure huit jours si on la soigne et une semaine si on ne fait rien.

Raymond Devos – Extrait du spectacle Sens dessus dessous

Le grippe, c’est la maladie qu’on rêve tous d’attraper histoire de sécher le boulot pendant 8 jours : une vraie maladie, qui rend malade mais pas trop. Et en même temps, une maladie dont on mesure à l’avance la toxicité : 8 jours, pas plus !

L’autre jour on me racontait l’histoire de collégiens pris de quintes de toux et qui se déclarent fiévreux : 6 élèves de la même classe qui ont peut-être la grippe…. Le principal les convoque dans son bureau et constate qu’ils ont dans la matinée une interro de math : une heure de colle plus tard, leur santé était rétablie.

Bref, la grippe est la maladie idéale, celle qu’on voudrait avoir pour se faire un peu dorloter et avoir un bon prétexte pour s’envoyer des grogs bien chauds…

Oui, mais : et si le virus de la grippe A devenait plus virulent ? S’il provoquait quelques morts que rien d’autre ne viendrait expliquer – ni l’âge, ni les passé médical, ni l’abus des vices qui détruisent peu à peu nos organes ? Vous allez voir la panique !

Parce que, ce que souligne notre citation, c’est que nous ne savons toujours pas soigner la grippe : on arrive à nous maintenir en vie jusqu’à ce que nos défenses immunitaires aient fait le travail. C’est tout

Tient, puisqu’on en parle : défense immunitaire/vaccin. Vous y croyez, vous à un vaccin que même les médecins refusent de se faire inoculer ? Avouez quand même que ce n’est pas engageant…

Alors, mes chers lecteurs, un conseil : quand vous voyez quelqu’un qui éternue dans son coude, ou qui porte un masque, changez de trottoir.

Et si c’est votre chère et tendre qui se mouche, changez de femme de lit.

Tuesday, September 22, 2009

Citation du 23 septembre 2009

Grippe 1

Pascal, Penses, 1670

Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns les autres avec douleur et sans espérance, attendent leur tour. [C’est l’image de la condition des hommes]

Pascal – Pensée fragment 405 Le Guern (199 Brunschvicg)

Il faudrait nous comparer à un condamné à mort qui se prépare bravement au dernier supplice, qui met tous ses soins à faire belle figure sur l'échafaud et qui, entre-temps, est enlevé par une épidémie de grippe espagnole.

Jean-Paul Sartre - L'Etre et le Néant

L’héroïsme comme alternative au désespoir, ridiculisé par Sartre avec l’absurde mort de la grippe (1). Mort absurde parce que mort sans signification propre, mort accidentelle, mort facultative, que personne – pas même nos ennemis si nous en avons – n’ont voulue.

…Tout le monde ricane devant la pandémie de grippe… Même pas peur !

Mais attendez… Quelque morts plus loin, on va s’indigner : Pourquoi moi ? Qu’ai-je fait ?

Et que vont dire les prêtres (sans parler bien sûr des Evangélistes pour qui la guérison miraculeuse est pain quotidien) ?

- Cette épidémie est la colère de Dieu (Dies irae), ce virus est son bras armé, préparez-vous à l’affronter et à vous présenter devant votre Créateur !

Mais non, je blague… Comme on vient de le voir avec Sartre, nous sommes si habitués à l’absence signification de la maladie, qu’on ne risque pas ce genre de propos, même devant une épidémie carabinée. Cette grippe obéit aux lois socio-économiques qui gèrent les déplacements et les rencontres des gens ; elle obéit à la sensibilité du virus au climat ; ses effets dépendent de notre âge, de notre passé médical, etc…

Bref, nous comptons plus sur le vaccin que sur les prières, parce que la maladie n’a pas de sens et donc qu’elle ne répond à aucune volonté qu’on pourrait infléchir.

Mais en réalité, cette attitude est bien plus ancienne qu’on en le croit. Qu’on se rappelle l’époque des épidémies de peste. Les uns, certes disaient qu’elle était voulue par Dieu pour punir les hommes.

Les autres – des pragmatiques ceux-là – disaient qu’une paire de bottes était la meilleure prévention contre la maladie (2).

Grippe A : 3 préventions possibles :

- se faire vacciner

- se confesser et faite acte de contrition ;

- se réfugier en Lozère.


(1) Rappelons qu’entre 1918 et 1919, la grippe espagnole a fait bien plus de morts que la Grande Guerre qui venait de s’achever (on cite le chiffre de 60 millions pour une population humaine d’un milliard).

(2) A ne lire que par ceux qui restent interloqués : une paire de bottes pour fuir la zone pestiférée.

Monday, September 21, 2009

Citation du 22 septembre 2009

L'automne est le printemps de l'hiver.

Henri de Toulouse-Lautrec

L'automne est un andante mélancolique et gracieux qui prépare admirablement le solennel adagio de l'hiver.

George Sand – François le Champi

La crise… La grippe A… Le CO2

Et en plus maintenant, voilà l’automne !

De quoi se flinguer.

Il faut po-si-ti-ver. On vous le dit on vous le répète sur tous les tons.

Oui, mais comment ?

L'automne est le printemps de l'hiver. Pas mal ça. Au moins on va trouver le moyen de survivre en se disant que ça sera pire demain.

Bof… On devrait pouvoir faire mieux.

L'automne est un andante mélancolique et gracieux : voilà, ça c’est mieux. Parce qu’on mobilise les sentiments poétiques directement issus de nos souvenirs musicaux. La mélancolie est belle, elle est source de joie quand elle soulève notre âme dans la tenue des violons. C’est déjà ça.

[L’automne] prépare admirablement le solennel adagio de l'hiver. Voilà maintenant l’hiver ! Non seulement nous pouvons jouir des joies poétiques de l’automne, mais en plus nous allons le faire en espérant en l’avenir. Et ce n’est pas dans le printemps que nous ne connaîtrons que si nous survivons aux rigueurs de l’hiver (et à la grippe A), mais bien en l’hiver lui-même, également sublimé par les splendeurs musicales – de l’adagio cette fois.

Bien sûr si vous n’avez aucune culture musicale classique, vous allez avoir quelques difficultés à survivre (1).

Vous croyez peut-être vous rattraper avec les feuilles mortes ? (2) Erreur, car cette chanson célèbre le passé ; on est donc dans la nostalgie et non dans la jouissance de présent et dans l’attente du futur.


(1) Encore que vous vous rappelez peut-être encore le « célèbre » adagio d’Albinoni. A écouter ici : 9 minutes 54… Rien que du bonheur….

(2) On peut écouter ici la version « exotique » d’Edith Piaf en anglais (avec accent frenchy en prime)

Sunday, September 20, 2009

Citation du 21 septembre 2009

L'esprit éminemment faux est celui qui ne sent jamais qu'il s'égare.

Joseph JOUBERT – Carnets (11 octobre 1815)

L’homme qui pense juste n’est pas celui qui ne s’égare jamais ; il est celui qui corrige ses erreurs.

Celui qui pense faux est celui qui est persuadé de penser juste – et qui ne vérifie par parce qu’il estime que sa confiance suffit à prouver l’exactitude de sa pensée.

Disons-le autrement : l’erreur est humaine, mais persévérer dans l’erreur est diabolique (= c’est une faute), dit le proverbe. L’esprit éminemment faux est celui qui se trompe parce qu’il ne vérifie pas qu’il ne soit pas justement entrain de se tromper.

Quant à celui qui pense vrai (plutôt que juste) mais qui n’a pas la faculté de douter de ses certitudes premières, Platon disait que c’est l’homme de l’opinion droite ; et il expliquait ainsi l’opinion droite : c’est un aveugle qui marche sur la route et qui ne tombe pas dans le fossé simplement parce que la route est momentanément droite. L’opinion droite est dans la vérité, mais on ne sait ni pourquoi ni pour combien de temps.

On dira que la qualité de l’esprit éminemment vrai est la modestie, puisqu’il faut accepter de se voir démenti.

Oui, bien sûr. Mais je crois aussi que c’est un esprit qui n’est pas narcissique. Car souvent nos pensées sont comme nos enfants chéris que nous aimons, même s’ils sont bancals ou s’ils on un chromosome de trop. Ma pensée est fausse… oui, mais c’est la mienne, elle m’exprime, elle est moi-même. Comme si la vérité avait pour fonction d’exprimer la nature d’un individu !

Evidemment, toute pensée n’a pas à être vraie : elle peut être esthétique, et donc belle ; elle peut être poétique, et donc créer quelque sens nouveau ; elle peut être politique et donc contribuer à changer le monde.

Mais si elle est « scientifique » (au sens large, évidemment) elle ne tient qu’en démontrant qu’elle est vraie.

Saturday, September 19, 2009

Citation du 20 septembre 2009

- Je pense, donc je suis

Descartes – Discours de la méthode, 4ème partie (1)

- Penser ne suffit pas : il faut penser à quelque chose.

Jules RENARD – Journal (18 juillet 1899)

S’il est une manie irritante chez les philosophes, c’est bien d’employer le verbe penser de façon absolue, c'est-à-dire sans complément. Dire « Il faut penser » sans dire à qui ou à quoi, comme si penser était une action suffisamment pleine pour ne pas avoir à être complétée. Penser devient alors un doublet de « méditer ».

C’est quelque chose d’un peu terrifiant, d’un peu terroriste en même temps : le philosophe est celui qui va vous apprendre à penser, comme si vous, pauvre benêt, vous ne saviez pas penser, parce que

Mais parce que quoi ? Le « penser » du philosophe signifie-t-il donc quelque chose si l’on n’explique pas de quelle opération précise il est issu ?

Lorsque Descartes dit « Je pense, donc je suis », il prend la peine de préciser ce qu’il entend par là (2) : on dira qu’il s’agit de tous les états de conscience, de sorte que la pensée finalement, est synonyme de conscience.

Je crois qu’en dehors de cet usage très technique et qui ne peut s’admettre qu’en raison du fait qu’en cette première moitié de XVIIème siècle l’usage du mot conscience était encore restreint à sa signification morale, penser, c’est toujours penser quelque chose, et que s’il arrive que nous pensions sans y mettre cette clarté, nous ne pensons rien du tout.

« A quoi penses-tu ? » : cette question, quand on nous la pose, nous rend instantanément idiot. Parce que, ou bien il faut avouer que nous ne pensions rien de précis, donc rien de dicible – et on va nous regarder comme un bovin ; ou bien nous allons être obligé d’habiller laborieusement notre état d’âme de mots, de phrases et alors on donnera l’impression de transfigurer mensongèrement notre pensée réelle.


(1) Citation complète : Et remarquant que cette vérité, je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais

(2) Qu'est-ce qu'une chose qui pense? C'est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent. (Méditation seconde, § 8)

Friday, September 18, 2009

Citation du 19 septembre 2009

Les vieillards aiment à donner de bons préceptes, pour se consoler de n'être plus en état de donner de mauvais exemples

La Rochefoucauld – Maximes

Voilà une maxime bien classique au point qu’elle a même été reprise dans une célèbre définition de mots croisés… (1)

Parce qu’au fond, l’idée est bien connue : le vieillard ne supporte pas son impuissance parce qu’elle n’est pas partagée par les plus jeunes.

- Kévin, fais bien attention ! Les jeunes filles tu sais c’est souvent comme un beau fruit : on a envie de mordre dedans, mais l’intérieur est peut-être pourri, et ça, vois-tu c’est vraiment dangereux. Au moins, sors couvert, Kévin !

Cette maxime est violemment amorale, puisqu’elle suppose non seulement que les bons préceptes n’ont pas de poids quand les forces vitales pousse l’instinct à l’action, mais encore – et c’est bien sûr le pire – que les préceptes ne sont choisis que comme un frein suscité par la jalousie, qui est un vilain défaut, et non par la considération des valeurs.

Pourquoi adhérons-nous à une morale ascétique (puisqu’on suppose que c’est de celle-là qu’on parle ici) ?

Les ascètes sont-ils seulement ceux qui ne renoncent à rien, parce qu’ils n’ont plus rien à quoi renoncer ?

Nietzsche distinguait deux formes d’ascétisme : celui qui est animé par la haine de la vie, dont parle ici La Rochefoucauld ; et celui qui est destiné à dresser l’animal humain.

Car l’ascétisme ça peut être aussi cela : forcer les instincts à obéir à la volonté au lieu de soumettre celle-ci à ses fantaisies.

Parce que si vous le ne faites pas, alors c’est le désordre.

Celui que décrit si poétiquement Grand corps malade dans son délicieux poème intitulé : ma tête, mon cœur et mes couilles. (Si vous ne connaissez pas : vidéo ici)

Notez quand même que Grand corps a manifestement pompé son slam chez Platon (cf. la tripartition de l’âme dans République, IX, 571a et s.) (2)


(1) La quelle ? Mais si ! Rappelez-vous : Est rigide quand le reste ne l’est plus – en 8 lettres

Et la réponse est : principe.

(2) Il s’agit de diviser l’âme en trois parties ; la partie raisonnable (la tête), la partie irascible (le cœur), et la partie concupiscible (les couilles). Voir le texte ici

Thursday, September 17, 2009

Citation du 18 septembre 2009

Le langage est un ensemble de citations.

Jorge Luis Borges – Le livre de sable

Si on n’est pas très étonné de rencontrer cette phrase sous la plume de Borges, on hésitera peut-être un peu à la généraliser à tout usage du langage.

Ne faisons-nous que nous répéter les uns les autres, au risque de ne plus rien signifier du tout ? Sommes-nous livrés en permanence à ces conversations de coin de rue dans les quelles chacun tient des propos si convenus qu’on pourrait les écrire à l’avance, l’important étant simplement de se parler ? (1)

On comprendra bien sûr que Borges ne parle pas simplement de cela, mais qu’il renvoie aussi à cette fonction de la communication de ne se laisser comprendre que grâce à un contexte commun, établi par l’histoire de la langue et de la culture. D’où la difficulté de saisir un message dont le contexte appartient à un domaine culturel que nous n’approchons pas (2).

Toutefois, je n'irai pas jusqu'à croire que la phrase de Borges soit toujours vérifiée.

J’ai lu quelque part que tout roman – et par delà tout écrit un tant soi peu innovant – doit être considéré comme étant écrit dans une langue étrangère. Combien de temps vous faut-il pour « entrer » dans un roman ? 20 pages ? 50 ? Les lecteurs qui ont pour tâche de lire les manuscrits envoyés chez les éditeurs pour les sélectionner se vantent de pouvoir faire un choix au bout de deux pages.

« Longtemps je me suis couché de bonne heure… » (3) Quand Gide, lecteur chez Gallimard, a lu cette première phrase du manuscrit de la Recherche du temps perdu, il a rejeté le bouquin ; il faut dire que suivaient 50 pages racontant l’insomnie du petit Marcel…

Le langage est un ensemble de citations, soit. A condition d’admettre que ce que nous citons, ce n’est pas ce que colporte notre voisine, mais aussi les images et les significations crées par les poètes.


(1) Un peu comme les personnages de La Cantatrice chauve de Ionesco qui se renvoient des lieux communs qui, mis bout à bout, sont absurdes, mais qui ont le mérite – et c’est là semble-t-il leur seule utilité – d’entretenir la communication.

(2) Les élèves qui débutent en philosophie font l’expérience de ces textes auxquels ils ne comprennent rien, bien que composés de mots qui, en apparence, font partie du langage le plus commun. Des textes écrits dans un langage dans le quel les mots « essence » et « accident » ne font pas référence au vocabulaire du chauffeur routier.

(3) Si vous voulez en plus la première page : ici

Wednesday, September 16, 2009

Citation du 17 septembre 2009

L'humanité masculine se répartit en deux groupes : sable ou falaise. La femme est toujours l'océan.

Claude Aveline – Avec toi-même, etc.

Vous le savez, mes chers lecteurs, si mon désir est de vous donner belles citations et bonnes pensées, je suis aussi celui qui fuit les débats oiseux sur les rapports homme/femmes.

Pourtant cette phrase de Claude Aveline me paraît si féconde que j’ai cru pouvoir en généraliser le message à l’ensemble des rapports humains, oubliant au passage de savoir s’il s’agit d’hommes ou de femmes.

Oui, dans les rapports que vous entretenez avec les autres, si vous n’êtes pas l’océan, il vous reste encore le choix d’être sable ou falaise.

N’être qu’un grain de sable qui se laisse porter par les ordres du chef, ou qui propage les mouvements de sa pensée, comme le sable propulsé par la vague ? Ou bien être le roc contre le quel vient se briser la vague des ordres venus du haut de la hiérarchie, même au risque de se voir soi-même brisé ?

Collabo ou résistant ? Schtroumpf à lunette ou Astérix ?

Si je varie les exemples, ce n’est pas – seulement – par amusement, ni pour clarifier encore ce que tout le monde a déjà compris. C’est simplement pour vérifier que cette idée est si bien enracinée dans notre culture que les références qui y renvoient sont d’origines et de natures multiples.

Mais, direz-vous, si nous étions l’océan (comme la femme dans notre citation) ? Dirions-nous que comme le chef, quelque soit sa nature, a besoin des petits qui lui obéissent, comme la femme qui a besoin d’un amant pour être adorée, l’homme-océan a besoin du sable qui propage ses mouvements ou du roc auquel mesurer la puissance de ses vagues ?

Ne nous laissons pas impressionner par la puissance de la métaphore. Si le chef quelque soit sa nature a toujours besoin de petits qui lui obéissent, l’océan lui n’a pas besoin de sable et encore moins de falaise contre les quelles venir briser ses vagues.

La grandeur, la véritable grandeur n’a que faire de tout cela.

Zarathoustra au sommet de sa montagne salue le lever du soleil : il n’a nul besoin des disciples qui escaladent péniblement les pentes pour venir se prosterner à ses pieds.

Tuesday, September 15, 2009

Citation du 16 septembre 2009


Faut-il prier pour que Dieu existe ?

Miss.Tic (Publié dans Siné Hebdo 1er juillet 2009)


Faut-il prier pour que Dieu existe ? La question, passe encore, mais avec la musulmane à côté on va droit vers la fatwa… (1)

Oui, parce que, si on suppose que Dieu n’existe que grâce à nos prières, c’est qu’en fait il n’existe pas réellement…

– Autant dire que la foi ne prouve pas l’existence de Dieu, mais bien au contraire que c’est la foi qui crée l’illusion de son existence. La foi n’est pas une grâce offerte par Dieu aux hommes, elle n’est qu’un sentiment parmi d’autres. Autrement dit, elle ne renvoie qu’à l’homme lui-même – c'est-à-dire à sa conscience.

A l’homme ? Ou plutôt, à la femme ???

Alors, allons-y : la musulmane est pour nous, chiens d’infidèles, l’exemple de la soumission. Soumission à l’homme ou plutôt soumission à Dieu.

Si Dieu n’existe que par nos prières, c’est qu’en fait Dieu, c’est l’homme à plat ventre ; et comme il ne sait pas trop faire, il met la femme à plat ventre comme ça il est sûr que ce sera bien fait.

Et pour vérifier que ça marche, il se met, lui, à la place de Dieu.

Oups !!! Je vous quitte : je viens d’apercevoir des barbus dans mon jardin je vais verrouiller ma porte. On ne sait jamais.


(1) J’avais dans un autre blog publié une image de musulmane en burqa, et ça m’avait déjà valu des commentaires acides…

Monday, September 14, 2009

Citation du 15 septembre 2009

Moins un homme sent son mal, plus il est malade.

Pierre Corneille

Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent.

Jules Romain – Knock ou le triomphe de la médecine (vidéo)

Pierre Corneille, Jules Romain, voilà des gens à qui la Sécu ne dit pas merci. Ça vous pouvez me croire.

Mais cartésien comme je suis, je me dis que tant qu’on ne m’aura pas démontré l’erreur de ces fauteurs de déficit, je ne serai pas tout à fait convaincu.

Et si effectivement la santé n’était qu’une illusion ? Si l’homme bien portant n’était qu’un malade qui ne sent pas son mal ? Et si même il n’était pas de plus dangereuse maladie que celle qui reste silencieuse ?

Alors, bien sûr, tout le monde n’a pas une cirrhose qui détruit son foie sans qu’il le sache ; tout le monde n’a pas un cancer qui le ronge silencieusement avant de se révéler ; et tout le monde n’est pas forcément hypertendu, cholestérique (sic ?), ou je ne sais quoi encore.

Observons tout de même que ça fait déjà du monde, et que même la Sécu a mis en place des programmes de dépistage pour que ces malades cessent d’ignorer leur maladie.

- Mais allons plus loin, et affirmons avec hardiesse que la vraie maladie, la plus dangereuse, c’est la santé. Oui, je dis bien la santé, entendant par là l’état de bien être dans le quel nous nous sentons le mieux du monde. Et si Knock était trop cynique pour y penser, soyez certain que Corneille le fait : c’est la passion qui est directement visée.

C’est le buveur qui déclare que l’alcool est bon pour lui parce qu’il ne se sent bien que lorsqu’il a bu ; c’est le joueur qui estime que sa vie est la seule qui mérite d’être vécue ; c’est l’amoureux….

- Gérard, Sylvie t’a plaqué et toi tu l’aimes toujours ?

- Mais oui, je suis sûr qu’elle va revenir. Il le faut. Sans elle je meure – avec elle je revis…

Ça ne vous suffit pas ? Alors, remettez-vous un instant dans l’optique de Corneille : la pire de toutes les maladies c’est l’oubli de la mort.

Et que, pour l’éviter, c’est la vie éternelle obtenue grâce au Salut qu’il vous faut. Et bien sûr, si vous oubliez que vous mourrez un jour, vous oublierez aussi de faire votre salut.

- C’est grave Docteur ?

- Oui. Très grave mon fils.

Sunday, September 13, 2009

Citation du 14 septembre 2009

On ne va pas assez loin. Le bachot pour tous, c'est bien. Mais c'est encore insuffisant. On devrait réserver le diplôme à ceux qui ne peuvent pas l'obtenir. Car autrement les mêmes ont tout, science et diplôme, les autres rien. Où est la justice ? Les uns, avec leur science, se débrouilleraient très bien ; les autres avec leur diplôme. On mettrait fin au scandale d'un cumul.

Alexandre Vialatte / Chroniques de La Montagne - 8 janvier 1957

1ère idée :

On devrait réserver le diplôme à ceux qui ne peuvent pas l'obtenir.

Vous savez quoi ? Moi j’ai connu une époque où cette phrase n’aurait pas choqué. Mais alors pas du tout. C’était juste après mai-68 lorsqu’on s’est dit que les emplois devraient être attribués non en fonction des compétences mais sur des critères sociaux. Il s’agissait à l’époque seulement du recrutement de vacataires dans les Résidences universitaires. Mais quand même, l’idée que les compétences scientifiques sont secondaires au regard des besoins économiques des travailleurs, est bien là.

2ème idée :

Les uns, avec leur science, se débrouilleraient très bien ; les autres avec leur diplôme.

Voilà je pense la cible visée par Vialatte : les diplômes n’ont pas pour utilité de sanctionner un niveau d’étude, mais de permettre d’obtenir un emploi. Ce qui soit dit en passant valide l’attitude des soixante-huitards dont je parlais ci-dessus : dans ce cas le critère social vaut bien le critère des diplômes. (1)

C’est sans doute partiellement vrai. Je laisse à mes lecteurs le soin de trouver les bons exemples, mais je crois que si l’on interroge les jeunes diplômés sur l’efficience de leurs études par rapport à ce premier emploi qu’ils découvrent, ils diront peut-être eux aussi que la science qu’ils ont apprise et les diplômes ne font pas tout.

Peut-être même ne font-ils pas grand-chose : j’ai connu un jeune ingénieur qui me disait que ses années d’école lui avaient « appris à apprendre » - ou plutôt à résoudre dans son travail des problèmes nouveaux, jamais rencontrés durant ses études.

Que demander de plus ?


(1) Je crois bien me rappeler qu’autre fois on désignait les diplômes par le terme de « peau d’âne »

Saturday, September 12, 2009

Citation du 13 septembre 2009

La chose la plus difficile à comprendre au monde c'est l'impôt sur le revenu !

Albert Einstein

La réforme fiscale, c'est quand vous promettez de réduire les impôts sur les choses qui étaient taxées depuis longtemps et que vous en créez de nouveaux sur celles qui ne l'étaient pas encore.

Edgar Faure

Par tout pays, le peuple ne s’aperçoit qu’on attente à sa liberté que lorsqu’on attente à sa bourse ; ce qu’aussi les usurpateurs adroits se gardent bien de faire que tout le reste ne soit fait.

Rousseau – Lettres écrites de la montagne (7ème lettre)

S’il arrive que ce Post soit lu de l’étranger, il faut expliquer qu’en France en ce moment, le sujet de conversation (outre la grippe A) c’est la nouvelle taxe carbone dont Notre-Président vient de fixer les modalités.

Comme cette taxe rend bien perplexe les français, j’ai trouvé que trois citations n’étaient pas de trop, la troisième étant sans doute la plus pertinente mais ayant déjà eu les honneurs d’un commentaire (voir ici).

Etonnement, donc :

- Comment ? J’achète du CO2 et je ne le savais pas ?

- Comment cette taxe va-t-elle me dissuader de polluer si on me rend l’argent qu’on m’a pris pour ça ?

- Pourquoi un impôt pour modifier un comportement, alors qu’une bonne pédagogie aurait suffi ?

Stop !!! C’est là que gît l’essentiel : pourquoi l’Etat nous prend-il de l’argent, comme pour nous punir, alors qu’on est des citoyens éduqués et que l’explication devrait avoir un effet moral suffisant ?

La taxe carbone ne donne-t-elle donc par raison à Rousseau qui reproche aux citoyens de son époque de ne prendre garde qu’à l’argent et non aux lois ?

Hé bien, moi je dis : cet effet de la taxe carbone n’est pas si mauvais.

Tout se passe comme si l’Etat, au lieu de nous donner des leçons de morale qui offenserait notre libre arbitre nous disait : faites comme vous voulez, mais si ce que vous faites est mauvais, alors vous allez payer. Vous êtes libre de définir le bien et le mal comme vous voulez ; vous devez simplement payer pour les pots cassés

Alors j’entends bien que les riches vont pouvoir continuer à polluer avec leur gros 4x4 alors que les pauvres eux devront acheter les petites – toutes petites – voitures qui ne dégagent que 5 grammes de carbone par kilomètre…

Seulement, voyez combien il y a de riches et combien il y a de pauvres : le bilan carbone de l’opération est très satisfaisant.

Friday, September 11, 2009

Citation du 12 septembre 2009

Je choisis un époux avec des yeux de mère.

Pierre Corneille –Rodogune Acte II, scène III

On le sait déjà : Corneille, est le maître de ces formules ambiguës, qu’on peut comprendre en plusieurs sens (voir par exemple celle-ci)

On peut donc lire cette citation de trois façons :

- Ou bien Cléopâtre explique qu’elle doit choisir un (nouvel) époux suffisamment puissant pour protéger ses enfants ;

- Ou bien il s’agit d’une femme d’âge déjà mûr qui explique que son futur mari sera en même temps l’enfant qu’elle aurait voulu choyer ;

- Mieux – ou pire – on est dans le complexe de Jocaste, qui cherche dans le mariage à satisfaire un désir incestueux.

Bien entendu, le contexte ne laisse pas de doute : c’est le premier sens qui doit être retenu.

… Quoique… Si cette citation nous intéresse encore, ou même, si elle nous intrigue seulement, c’est bien parce que ces autres sens viennent se superposer au premier.

--> Et si nous désirions en secret retrouver dans les relations amoureuses les émois qui ont été les premiers de notre vie ?

Qu’une femme ait envie de bercer son mari – ou d’être bercée par lui ; qu’un homme ait envie de s’endormir dans le giron de sa femme : quoi d’exceptionnel ? Ne voit-on pas nos petits animaux de compagnie retrouver près de nous le comportement du bébé chat ou du bébé chien (1) ?

Maintenant, il faut dire que Cléopâtre – dans l’interprétation qui est la nôtre aujourd’hui – va jusqu’au bout du fantasme : il s’agit de choisir un époux en tenant compte de ce fantasme. On assume donc la régression, au lieu d’en refouler la représentation, quitte à la satisfaire sans y penser.

Bon. Que vous ne soyez pas d’accord avec cette interprétation ne me trouble pas. C’est qu’il y a plusieurs fantasmes à l’œuvre dans la vie amoureuse, et qu’il ne sont pas tous cohérents entre eux.

Exemple ? On dit que les femmes sont plus attentives au fessier de l’homme qu’à tout autre partie de son anatomie. Ce ne sont pas les yeux de la mère qui sont ouverts ici. Ou alors c’est la future mère, attentive à l’énergie du coup de rein capable de propulser la semence mâle au fond de sa matrice (2).


(1) Les amis des chats dont je fais partie vous le diront sans doute : le ronronnement du chat adulte est un phénomène qui dans la nature ne se produit pas, étant spécifique au chaton qui tête sa mère. L’animal domestique régresse dans la compagnie de l’homme, et j’ai vu mon chat – adulte évidemment – téter les poils du tapis de la salle de bains.

(2) Choqué(e) ? Sachez que je n’aurais jamais écrit une chose pareille si Diderot ne l’avait fait avant moi : voyez ceci (note 1)

Thursday, September 10, 2009

Citation du 11 septembre 2009

Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?

Alphonse de Lamartine

Voyez-vous, dans la polémique idiote lancée par Notre-Président à propos de l’intérêt de lire la Princesse de Clèves, il y a l’idée que l’histoire est linéaire et qu’une époque achevée perd définitivement tout intérêt pour qui s’intéresse à la modernité.

Or voilà que cette interrogation de Lamartine qui pourrait être considérée comme une mièvrerie même plus bonne pour les jeunes filles d’aujourd’hui, regorge en fait de présupposés toujours au cœur de notre interrogations sur les machines (qui paraissent bien être des objets inanimés).

Prenez en effet le fameux test de Turing qui est censé permettre de savoir si vous dialoguez avec un véritable interlocuteur ou avec une machine.

Turing (1) propose différents tests permettant théoriquement de distinguer l’homme de la machine, et il montre – c’est du moins sa conviction – que ces critères ne tiennent pas.

L’un de ces critères est que les hommes produisent de la pensée grâce à une âme dont ils ont été dotés par Dieu, alors que les machines n’en ont pas (Objets inanimés, vous n’avez pas d’âme !).

La réponse de Turing est qu’il ne voit aucune raison pour laquelle Dieu ne pourrait donner à un ordinateur une âme s’il le souhaitait.

Donc regardez bien votre ordinateur : qu’est-ce qui vous prouve que cette nuit, pendant que vous dormiez, Dieu n’est pas descendu du ciel pour lui conférer une âme ? Il a bien fait le coup à Adam avec la création d’Eve, alors en effet, pourquoi pas ?

Si vous considérez que cette objection est parfaitement crétine, c’est que vous n’êtes pas anglo-saxon, particulièrement un logicien ou un philosophe anglo-saxon. Car pour ceux-ci, tant que la preuve formelle de la fausseté d’une hypothèse n’est pas attestée, on n’a pas de certitude, et donc la possibilité de la voir validée court toujours.

En tout cas, moi, maintenant, je salue toujours très poliment mon ordinateur quand je l’allume le matin.


(1) Sur le test de Turing, voir par exemple ici. Et pour les chatbots, ici

Wednesday, September 09, 2009

Citation du 10 septembre 2009

Le silence se meurt, le bruit prend partout le pouvoir ; c'est la seule calamité écologique dont personne ne parle.

Alain Finkielkraut – Libération - 15 Janvier 2000

Dans le débat qui fait rage en ce moment sur la taxe carbone et la nécessité – ou pas – de modifier nos comportements producteurs de CO2, La citation du jour se devait de prendre parti : faut-il oui ou non laisser le 4x4 au garage et renoncer aux voyages qu’on ferait autrement qu’en vélo ?

Voyez à quel point les choses ont changé : en l’an 2000, même ce vieux râleur de Finky ne trouvait rien de plus à déplorer comme calamité écologique, que le bruit : les hommes font trop de bruit pour rien.

Dans les relations que nous entretenons avec notre milieu, rien de trop – si ce n’est le bruit !

Et s’il avait raison ? Si le silence était la perte la plus immédiate, la plus sensible que nous ayons subi du fait du développement de la civilisation mécanique ?

Mais attention : personne n’a dit que ce la civilisation mécanique serait seule en cause. Car les innombrables bavardages des humains sont aussi une pollution sonore, et si la modernité consiste à pouvoir parler à toujours plus de gens toujours plus souvent – par le truchement du téléphone de poche – alors, oui : c’est bien une calamité écologique.

Qu’est-ce que le silence et en quoi est-il écologiquement plus naturel que le bruit ?

C’est vrai que la nature aussi produit du bruit et beaucoup même si on en croit les gens qui ont séjourné dans la foret amazonienne. Le bruit, c’est la vie, et si on aime le silence, il n’y a qu’à aller dans le désert de Gobi.

Mais on comprend aussi que le bruit produit par l’homme, le bruit qui se surajoute à celui de la nature – ou à son silence – est un parasite qu’il faut éviter. Car avant de parler il faut penser, et pour penser il faut du silence. Certes on peut penser dans le bruit – et Sartre écrivant au café de Flore devait penser dans un brouhaha (distingué certes, mais brouhaha quand même). Reste qu’il faut compter sur la capacité du cerveau à occulter ce bruit pour fonctionner normalement.

Projet de réglementation :

1 - Réfléchir avant de parler, faire le silence pour penser. Arrêter les scooters et les sonos qui hurlent.

2 - Avant de faire une taxe sur le CO2, il serait opportun de taxer les décibels.

Tuesday, September 08, 2009

Citation du 9 septembre 2009

Une planète est un corps androgyne, pourvu des deux sexes et fonctionnant en masculin par les copulations du pôle nord, et en féminin par celles du pôle sud.

Charles Fourier – Le Phalanstère

Dans le débat qui fait rage en ce moment sur la taxe carbone et la nécessité – ou pas – de modifier nos comportements producteurs de CO2, La citation du jour se devait de prendre parti : faut-il oui ou non laisser le 4x4 au garage et renoncer aux voyages qu’on ferait autrement qu’en vélo ?

« Protégeons la planète ! Supprimons toutes les voitures pour qu’elle cesse de se réchauffer !... »

Tout le monde parle de la planète, et personne ne sait exactement ce qu’elle est.

S’agit-il de la surface de la terre avec ses sables, ses mers, ses banquises et ses ours blancs ?

S’agit-il des forces qui agitent tout ça, des vents, des tempêtes, des marées, et des volcans ?

- Que savons-nous réellement de notre planète – et j’écris « notre » en sachant bien que tant que nous ne la connaîtrons pas elle ne sera pas à nous, à supposer qu’elle puisse l’être un jour.

Voici donc notre célèbre utopiste, Charles Fourier qui vient nous tirer d’embarras. La terre est une planète et comme telle elle possède deux sexes, situés l’un au pôle nord, l’autre au pôle sud.

Vous haussez les épaules et vous dites : Stupide ! Comment une telle planète pourrait-elle copuler, vu que les pôles nord et sud ne sont pas près de se rencontrer…

Déjà, je vous ferai observer que Fourier ne dit pas que le pôle nord de la terre copule avec le pôle sud de la terre ; il dit simplement que ça copule de façon sexuée, sans dire avec quoi. Mais comme on n’observe pas de congrès des planètes, ni de carambolages de météores, force est d’admettre qu’elle se copule elle-même.

Reprenez donc votre objection, faites-en une question et vous parviendrez aisément à la réponse : pour copuler, les pôles se rencontrent en passant non par l’extérieur mais par l’intérieur. L’énorme noyau de feu qui est logé au centre de notre planète n’est autre que le résultat de cette activité copulatrice, en sorte que les secousses sismiques et les éruptions volcaniques ne sont que des orgasmes telluriques.

Dès lors, le réchauffement climatique ne peut en aucun cas être inquiétant pour notre belle planète bleue, vu que la chaleur, c’est la condition même de son fonctionnement normal.

… Et si vous vous grattez la tête en vous demandant si je n’aurais pas par hasard consommé des champignons mexicains je vous dirai que c’est bien possible, mais que ça ne change rien : si les volcans d’auvergne se réveillent demain, il faudra me dire pourquoi.