Sunday, March 31, 2013

Citation du 1er avril 2013


Les enfants s’ennuient le dimanche
Chanson de Charles Trenet
Vous avez les marmots à la maison ; ils se sont barbés hier – tiens, c’était dimanche. Et aujourd’hui ? Lundi ! Bizarre… Oui : mais lundi férié.
Heureusement, c’est aussi le 1er avril, et vos petits vont pouvoir s’occuper à faire des farces à tout le monde.
Par exemple :
            - Echanger le sucre et le sel de leur boite !
            - Coller une pièce de 20 centimes d'euro par terre. Celui qui voudra la ramasser ne pourra pas!
            - A table, accrocher un fil de pêche à un verre. Quand la victime voudra boire, tirer sur le fil pour que le verre se renverse !
            - Tracer des zébrures sur une assiette avec un crayon pour faire croire qu'elle est cassée !
            - Boucher les trous de la salière avec un morceau de scotch collé à l'intérieur du couvercle.
            - Mettre du poivre sur une serviette et la plier soigneusement. Eternuements garantis de la tablée !
            - Mettre du papier journal au fond des chaussures !
            - Entourer d'un film plastique transparent la savonnette familiale !
            - Modifier l'heure des pendules de la maison ! (ça tombe bien, c’était hier le passage à l’heure d’été).
            - Mettre du vernis incolore sur les craies de votre classe. (Pour les intrépides !)
            - Mettre un film de plastique transparent entre le trône des toilettes et le couvercle.
(Je dénonce mes sources : http://beninois.free.fr/poisson-d-avril.php)

Saturday, March 30, 2013

Citation du 31 mars 2013



Ce temps ne connaît point son mal; ils se disent rassasiés, lorsqu'ils ont effleuré à peine. Ils partent de l'idée très-fausse qu'en toute chose le meilleur est la surface et le dessus, qu'il suffit d'y porter les lèvres. Le dessus est souvent l'écume. C'est plus bas, c'est au dedans qu'est le breuvage de vie.
Michelet – L'Insecte (1857)
On connait l’attention que je porte à l’effleurement qui frôle les surfaces. J’ai même inventé tout exprès le concept de métaphysique de l’effleurement que je comptais bien faire breveter un de ces jours.
Et puis, patatras ! Voilà Michelet qui met tout parterre : délaissez l’écume de la surface dit-il, et recherchez le breuvage de vie dans les profondeurs…
Que veut dire Michelet ? Simplement ceci : il y a une différence entre la métaphysique et l’esthétique.
Qu’est-ce à dire ?
Quand je regarde mon verre de bière, je constate en effet que la mousse est bien de l’écume, elle n’a aucune saveur, elle ne désaltère pas, bref : rien de ce qu’apporte la bière n’est présent en elle. D’un point de vue ontologique, elle n’est absolument rien : elle ne serait pas là que ça ne changerait rien.
En revanche, sans elle, mon verre de bière perdrait quelque chose : elle est comme une coiffure élégante qui vient couronner le verre, quelque chose qui le complète et le magnifie. Non seulement il lui faut de la mousse, mais encore une certaine épaisseur de mousse : on est donc dans le domaine de l’esthétique.
Corrigeons donc : au lieu de parler d’une métaphysique de l’effleurement, parlons plutôt d’une esthétique effleurante.
« Esthétique effleurante » : quèsaco ?
Si la mousse au sommet du verre n’est pas vraiment consommable, cela n’a aucune importance, parce que son rôle est esthétique. L’esthétique suppose la contemplation : il  n’est nullement question de consommation avec elle, et comme disait Kant, le beau est ce qui plait de façon désintéressée, alors que l’agréable suppose la consommation.
Voilà comment je pourrais sauver ma nouvelle philosophie de l’effleurement : au lieu de nous comporter comme des consommateurs sauvages et compulsifs, contemplons les êtres et les objets comme des œuvres d’art. On ne peut jouir de la beauté et la consommer en même temps. Une très belle femme passe dans la rue : vous la suivez. Pourquoi ? Pour engager la conversation et avoir un rendez-vous avec elle ? Peut-être. Mais peut-être aussi est-ce pour continuer, en l’effleurant du regard, d’admirer ses formes et sa démarche de déesse, ce que vous ne pouvez faire qu’à la condition de la laisser à distance, vivant pour elle-même – au lieu de l’écraser sous le poids de votre corps.

Friday, March 29, 2013

Citation du 30 mars 2013



Les femmes de mon âge ont à s'accommoder d'un … mal qui n'est ni un mari manquant, ni les enfants qui s'éloignent… Non, c'est l'apprentissage de la transparence : jamais plus personne ne les regarde. Jamais ! C'est cela, la plus implacable des solitudes, la disparition des regards.
Yves Simon – La compagnie des femmes
Transparence II
Après l’humiliation de la transparence (hier), voici la solitude qui en résulte (aujourd’hui).
--> La transparence peut-être joyeuse quand elle est invisibilité choisie (voir l’anneau de Gygès évoqué hier), mais elle devient, quand elle est subie, la plus implacable des solitudes, celle qui résulte de la disparition des regards.
Ces regards qui disparaissent, ce sont les regards qui nous traversent sans nous voir, un peu comme dans l’ascenseur ou dans l’autobus, quand, confiné avec quelqu’un, notre regard l’effleure – voire même se pose sur lui – comme s’il était un objet de l’environnement.
Etre invisible même quand on est vu : voilà, comme nous l’avions suggéré hier, le traumatisme de la transparence. C’est ce que souligne l’exemple donné par Yves Simon : quoi de pire pour une femme que de lire dans l’indifférence des regards la preuve qu’elle n’est plus séduisante ? Ce qui permet de revisiter la thèse de Sartre : l’enfer, c’est les autres.  
Thèse : au lieu d’être une liberté qui jaillit et s’invente d’instant en instant, je suis figé dans l’apparence que saisit le regard d’autrui.
--> Dans la pièce de Sartre (Huis-clos), il y a trois personnages (Estelle, Inès et Garcin) : chacun apparait sous le regard des deux autres comme étant seulement un criminel : l’un est infanticide, l’autre est un lâche qui à la guerre a déserté les combats, le troisième est un assassin…. Chacun conteste cette identification, mais Sartre maintient que le regard qu’autrui porte sur lui le contraint à s’identifier à son apparence. 
Ce qui est infernal, en plus de cette contrainte, c’est l’impuissance à gouverner ce regard : Estelle voudrait bien que Garcin la regarde – mais qu’il la regarde comme une femme séduisante. Seulement voilà : Garcin ne s’intéresse pas à elle : pour lui, Estelle est, comme la femme mûre d’Yves Simon. Quand à Inès elle aussi voudrait séduire, mais c’est Estelle qu’elle veut – et donc ça ne marche pas non plus.
Il y a donc deux types de solitude de la transparence : l’une est une solitude sélective ; c’est parce que je me suis d’abord défini comme étant tel ou tel personnage (la femme séductrice) que je ne trouve personne pour me voir : on peut supposer que si je me définissais autrement, il y aurait des regards pour me chercher et me trouver. A moins que…
A moins que je ne me trouve absolument transparent, qu’il n’y ait nulle âme charitable pour me regarder comme un enfant de Dieu.

Thursday, March 28, 2013

Citation du 29 mars 2013



Cellophane / Mister Cellophane / Shoulda been my name / Mister Cellophane / 'Cause you can look right through me / Walk right by me / And never know I'm there...
[Cellophane / Monsieur Cellophane / Ça devrait être mon nom / Monsieur Cellophane / Parce qu'on peut voir à travers moi / Marcher droit sur moi / Comme si je n'étais pas là !]
Comédie Musicale Chicago – Adaptation filmée de Rob Marshall
Transparence I
Être transparent, comme Mister Cellophane, celui qu’on bouscule dans la rue simplement parce qu’on ne l’avait pas vu : y a-t-il pire  humiliation ? Quand les mendiants parlent de la mendicité ils ne s’en plaignent souvent qu’en raison de l’indifférence des passants : l’aumône qu’ils ne reçoivent jamais est celle d’un regard.
Humiliant certes, ça l’est. Mais pire encore : désespérant. Notre civilisation à la différence des civilisations asiatiques, accorde de l’importance à l’individu et non à la foule. J’imagine en effet qu’en Chine, on ne se pose pas la question de savoir si l’on est transparent ou pas : si j’étais chinois je me demanderais peut-être si je suis dans une foule de 1000, de 10000 ou de 100000 personnes. Mais je suis français et je me demande si on va me remarquer – me distinguer dans la file qui attend l’entrée au cinéma.
Et du coup, je peux aussi m’interroger : ne suis-je pas moi-même déjà bien transparent ? Mes collègues répondent-ils quand je leur dis bonjour le matin ? Mes voisins, ne passent-ils pas à côté de moi sans me voir (Walking right by me)?  Est-ce que mes enfants remarquent que je rentre à la fin de la journée ? Est-ce qu’ils voient si je suis fatigué ou plutôt joyeux, est-ce qu’ils entendent seulement quand je leur demande si leur journée d’école s’est bien déroulée ?
Tout cela est peut-être affligeant, mais c’est, comme on le voit, bien banal.
On pourrait donc inventer un instrument de mesure qui indique le coefficient de transparence dont nous sommes affligés, quelque chose comme un « gygèsomètre » (cf le fameux anneau de Gygès de Platon (1)) qui me permettrait de connaitre le degré d’invisibilité auquel je suis arrivé.
Il ne reste plus qu’à inventer un gygèsomètre : par exemple, on pourrait faire comme le héros  d’Emmanuel Carrère qui se rase la moustache (dans le film du même nom) : personne ne s’en aperçoit. Mieux même : quand il interroge on lui répond qu’on n’avait pas remarqué qu’il en eut porté une.
--> Rasez-vous donc la moustache ou bien changez de coiffure : et comptez le nombre de gens qui manifestent leur étonnement.
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(1) On trouve dans la République (livre 2 – 359d) cette fable : Gygès est un berger qui, suite à un séisme, découvre une bague magique qui lui confère le pouvoir de devenir invisible. Il se rend au palais royal et grâce à cette invisibilité, il séduit la reine, complote avec elle et assassine le roi pour s'emparer du pouvoir.

Wednesday, March 27, 2013

Citation du 28 mars 2013



 Il y a un double interdit, celui aux États de déroger à certains droits, et celui aux hommes de transgresser certaines valeurs, car les franchir conduirait à la négation de ce qui donne son sens à l'humanité.
Mireille Delmas-Marty – Le Monde de l'éducation - Juillet - Août 2001
Au nombre de ces valeurs dont la transgression est interdite figurent sans doute les images saintes du Christ – Admettons-le du moins. Et observons que, du coup, les profanations de l’image du Christ sont des transgressions qui sont d’autant plus jouissives à commettre pour ceux que travaille un anarchisme militant.
Mais ces transgressions sont-elles si évidentes ? Ne risquons-nous pas de nous tromper quand nous les évoquons ?
Pâques est la bonne période pour le vérifier. Trois moments forts qui peuvent devenir des occasions de blasphème : la cène ; la crucifixion ; la résurrection.
1 – La cène de Leonard de Vinci est devenue, depuis le succès du roman de Dan Brown, du pain béni (!) pour les publicitaires : ils détournent fréquemment l’œuvre de Leonard – par exemple comme ici en remplaçant Christ et apôtres par des femmes (sur le thème de la transgression publicitaire, voir ici).


Sacrilège ? Peut-être, mais quand même sacrilège « soft » : esthétisme, abstraction du décor font de cette image quelque chose qui retient l’attention, mais qui  n’est pas censée dégouter.
2 – La crucifixion : là aussi, mettre une femme sur la croix à la place du Christ est une transgression assez courante (signalée ici).
Maintenant, voyez cette image :
  

Non seulement on voit une femme nue crucifiée dans l’exacte position du Christ, mais encore cette femme est visiblement enceinte. Blasphème extraordinairement choquant n’est-ce pas ?
Erreur ! Il  ne s’agit pas d’un blasphème, mais au contraire de la charge d’un parti catholique contre les pro-avortements durant le débat sur l’IVG en Italie (1975)
3 – La résurrection : voyez ce tableau de Rubens représentant le Christ ressuscité sortant de son tombeau. Une puissante érection soulève son pagne et là encore l’horreur du blasphème nous laisse sans voix. 
Rubens, Résurrection du Christ triomphant, vers. 1616.
Pourtant Rubens est non seulement un peintre admiré dans toute l’Europe du 16ème – 17ème siècle, mais il était de plus respecté de tous pour son rôle de diplomate. Il ne s’agit donc pas d’une transgression mais d’une façon  – assez courante à l’époque – de représenter la vie revenue dans le corps du Christ (voir ici)
Concluons : non seulement la transgression dépend du contexte sans le quelle elle n’a pas de signification précise, mais encore, à la différence du blasphème qui est lié au fait de proférer des mots interdits, la transgression suppose une intention offensante pour les croyants.