Tuesday, January 31, 2017

Citation du 1er février 2017

L’imagination au pouvoir -  Mais le quel ?
Miss.Tic

 

Revoilà Miss.Tic que j’ai quittée il y a maintenant un an (un an – déjà !) : demandons-lui de nous inspirer de belles pensées en ce début d’année.
Et voilà ce qu’elle nous envoie : une jeune miss qui pense à ce que sa (grand)-mère hurlait sur les barricades de « 68 » : « L’imagination au pouvoir ! ». Et notre jeunette murmurer: « Oui, mais le quel ? »
Pensée salutaire qui ne nous serait pas venue à l’esprit en 68, alors que pourtant Bakounine et Stirner étaient nos auteurs de chevets. Car, c’est cela n’est-ce pas ? « Le pouvoir », pris absolument désigne cette autorité supérieure devant la quelle chacun doit s’incliner : politique, religieux, médiatique, qu’importe ? Pouvoir plus ou moins grand, mais de toute façon autoritaire, ça c’est sûr.
Nous, dans notre candeur juvénile, nous croyions alors que l’imagination nous sauverait de ces abus, que, mystérieusement elle suffirait à engendrer ce dont tous les anarchistes rêvent : une convergence des intelligences et des volontés de sorte que les hommes s’unissent sans subir de pression.
Nos petits enfants sont plus avisés que nous ne l’étions : la méfiance est leur sauvegarde, et avant de reconnaitre un pouvoir quelconque, ils demandent des justificatifs :
« Pouvoir, tes papiers ! »
Mais nos jeunes gens d’aujourd’hui n’ont même pas à penser à tout ça, car ils sont devenus des tweetos : ils fabriquent eux mêmes les réseaux par les quels chacun est le pouvoir, chaque follower suivant qui il veut et étant à son tour suivi librement par qui le veut.

…Hélas ! Cette liberté ils ne l’ont pas pour longtemps encore, car les hommes du pouvoir sont eux aussi arrivés sur les réseaux qu’ils utilisent pour leur abominable intérêt.


Monday, January 30, 2017

Citation du 31 janvier 2017

Si tu tombes, c’est la chute, et si tu chutes, c’est la tombe.
Aphorisme d’alpiniste (Rapporté par Sylvain Tesson dans Sur les chemins noirs)
Il y a des chutes dont on ne se relève pas. Sylvain Tesson témoigne d’avoir été jusqu’à l’extrême bord de cette chute-là, puisqu’après être tombé d’un toit d’une hauteur de 8 mètres il été relevé brisé menu ; le voici aujourd’hui heureusement presque totalement réparé – mais il s’était imaginé hémiplégique jusqu’à la fin des ses jours.
On peut admettre qu’il existe des chutes qui mènent irrémédiablement au tombeau comme en effet dans l’alpinisme ou comme Tabarly mort noyé pour être tombé de son bateau.
Par contre, peut-être y a-t-il des chutes métaphoriques qui ne répondent pas à cette situation ? Peut-être y a-t-il même des domaines dans les quels n’importe quelle chute n’empêche pas de se relever quand même ?
On l’aura compris, je pense aux chutes des hommes politiques. Qui dit que DSK ne reviendra pas en politique un jour ? On parle bien d’entrevues discrètes mais fréquentes entre lui et Emmanuel Macron ; certes ça ne prouve rien, mais si on pense à des retours inimaginables tels que celui du Général de Gaulle revenant en 1958 après 12 ans de traversée du désert, on se dit que rien n’est vraiment définitif en politique. L’homme politique est balloté par les évènements comme le marin à la mer par les vagues : un hasard l’écarte, un autre le ramène.

Tout cela nous conduit à remarquer que l’opinion publique est beaucoup moins dangereuse que la loi de la pesanteur. On évoquait il y a peu les malheureuses victimes de l’attentat du 11 septembre qui se sont jetées dans le vide du haut du Word-trade-center : et de l’inexorable résultat de ce saut désespéré. Par contre, la chute d’un gouvernement peut s’oublier, et les raisons qui l’ont provoquée également. Même quand on a été un ministre maladroit, qu’on a loupé l’inratable, voire même quand on a piqué dans la caisse, on peut être à nouveau  porté sur le pavois par le peuple oublieux ; les arrière-cours de la République regorgent d’hommes providentiels qui attendent un appel du peuple.

Sunday, January 29, 2017

Citation du 30 janvier 2017

Moi dictateur, je forcerais chaque enfant à traverser la France à pied.
Sylvain Tesson – Sur les chemins noirs. (p. 136)
C’est un gimmick fort courant sur les radios ces jours-ci : demander à des gens plus ou moins connus de reprendre la célèbre anaphore du candidat Hollande lors de son débat avec Nicolas Sarkozy en 2012 : « Moi, Président, je ferais… Moi, Président, je ne ferais pas… etc » en l’adaptant à leurs convictions personnelles.
Or donc, si on veut imaginer un jeu à l’heure de l’apéritif avec des amis, pourquoi ne pas reprendre ça en le déplaçant un peu : et si on se supposait dictateur et non président ? Qu’est-ce que ça changerait ? Bien sûr on ne devrait pas répondre n’importe quoi, mais trouver des obligations qu’on pourrait justifier comme ne pouvant venir que d’un dictateur.
Par exemple :
            - Moi, dictateur, je rétablirais le droit de cuissage.
--> Car, comme le dit Platon au livre 9  de la République, le tyran est bien sûr soumis à ses désirs effrénés mais il veut, non seulement en jouir sans fin, mais en faire une loi universelle de la Cité.
            - Moi, dictateur, je réformerais la langue française, et en particulier son orthographe.
--> Je décrèterai pas exemple qu’on soit obligé d’écrire « mes genous sont mous ». Il faut être un Néron (1) pour arriver à faire ça : car toutes les tentatives pour réformer la langue française se heurtent à de multiples objections qui empêchent la décision de s’imposer démocratiquement.
            - Moi, dictateur, je déchoirais de la nationalité française plusieurs animateurs-amuseurs de la télé (dont je tairai le nom en attendant d’être intronisé despote à vie).

Oui, mais : obliger des enfants à traverser la France à pied, qu’est-ce que ça a de tyrannique ?
Il y a un siècle et demi, Le tour de France de deux enfants, ouvrage de pédagogie publié en 1877 a bien annoncé l’aurore de la France républicaine. Quoi de tyrannique là-dedans ?
--> Il faut lire Tesson pour le savoir : traverser la France à pied, pour lui ça veut dire sans GPS, sans console, sans smartphone. Et ça, seule une abominable dictature pourrait l’imposer.
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(1) Ou peut-être un Caligula : voir ici le « Top ten » des tyrans de l’histoire

Saturday, January 28, 2017

Citation du 29 janvier 2017

…aujourd'hui / Je suis fatigué / C'est pour ça qu'aujourd'hui / Je voudrais crier : /Je ne suis pas un héros / Mes faux pas me collent à la peau
Daniel Balavoine (Auteur compositeur. Vidéo ici).

Que faire le dimanche quand on n'a rien à faire?
On peut suivre l'exemple de la Citation-du-jour, en se donnant un challenge particulièrement excitant.
Comme aujourd'hui:
Eloge de la médiocrité
L’idée est  plus forte qu’il n’y paraît : voici un homme qui nous dit : « Mes insuffisances ne sont pas des accidents, ce sont des marques de ma nature profonde ; je ne peux pas être un héros, et je vous demande d’en prendre acte, parce que je l’assume. »
Bon c’est vrai, je bricole un peu parce que la chanson donne la parole à un chanteur effrayé par l’hystérie de ces centaines de filles qui, au pied du podium lui tendent les bras – alors qu’il ne s’imagine même pas pouvoir en contenter une seule, comment prendrait-il en charge toute cette libido ?
- Mais après tout qu’importe, pourquoi ne pas généraliser pour ensuite particulariser ? Je veux dire : pourquoi ne pas en faire un principe général : pour la Nature, l’espèce humaine est en charge de la transmission de la vie, et encore, à condition d’en être un exemplaire présentable pour engendrer des descendants capables de prendre part à la compétition des espèces – que ceux qui sont mal fichus s’abstiennent !
Et donc, moi, qui suis-je pour répondre à l’appel qui monte vers moi ? Oh, j’entends bien qu’il n’y a pas des dizaines de minettes qui se griffent la poitrine par désir de moi. Mais si ça arrivait…
… Mais attendez, voilà que c’est quelqu’un d’autre qui vient me chercher : le Président qui me demande de me mobiliser pour défendre le pays ; le Patron qui veut que je fasse fructifier ses investissement  par mon labeur ; mes Papa-Maman qui m’ont missionné pour être la Gloire de la famille et leur bâton de vieillesse…


Vu ici

A part Epicure, personne n’a su faire comme il convenait l’éloge de la médiocrité. Mais peut-être est-ce inutile : les médiocres n’ont pas à se mobiliser, ils n’ont qu’à être eux-mêmes, tranquillement et ça suffira pour résister par l’inertie qui leur est propre à ces appels à la mobilisation…

Friday, January 27, 2017

Citation du 28 janvier 2017

Le pouvoir d’un Président (de la République) consiste à se faufiler dans le labyrinthe des empêchements.
Sylvain Tesson – Sur les chemins noirs (p.67)

« Se faufiler dans le labyrinthe des empêchements » : voilà à quoi il faut penser quand on réfléchit au bilan du Président Hollande (mais sans doute aussi de n’importe quel autre Président qui l’a précédé). D’ailleurs, que pouvions-nous attendre raisonnablement de lui ? Qu’il change la nature des hommes et des pays qui environnent la France ? Qu’il agisse sur la mentalité des citoyens, les détournant de frauder le fisc ou de se rebeller contre les décisions de l’exécutif ? Bref, qu’il fasse des miracles ?

Au cours de son exploration de la France rurale, Sylvain Tesson découvre une sagesse aujourd’hui bien oubliée : quand on dépend de la nature, on ne peut pas renverser les obstacles, on ne peut que composer avec eux (1). On dira que le louvoyant François Hollande avait des dispositions pour cela, et que, s’il avait seulement fait cela correctement, on n’en serait pas là où nous en sommes aujourd’hui – Certes, mais au moins sachons ce que nous avons à lui reprocher au lieu de lui jeter à la tête les pires insultes qu’on puisse imaginer.
Vous vous doutez bien que je ne prends pas la défense d’un homme qui en ce moment frétille d’aise en songeant qu’il n’a plus que 4 mois à tirer à l’Elysée ; ce que je veux faire ressortir, c’est que nous ne devons pas attendre des candidats à sa succession de faire mieux que ce qu’il aurait pu faire et qu’il n’a pas fait (vous me suivez ?)
Bref : l’art du politique n’est pas de renverser les obstacles, mais de les contourner et pour cela de bien les connaitre. Voyons par exemple ce qui nous stupéfie dans le programme de François Fillon, le candidat de la droite. Alors qu’un combat fratricide a opposé le gouvernement Valls et sa majorité, soutenue en cela par l’opinion publique, à propos de la loi-travail (considérée comme détruisant le droit des travailleurs), voici que François Fillon annonce tranquillement qu’il va jeter au feu le Code du Travail, faire travailler plus sans gagner plus (du moins pour les fonctionnaires) ; et pour faire bonne mesure le voici qui propose de remplacer la sécurité sociale, un des acquis de la République, par des caisses de santé privées. Ce qui étonne au plus haut point, vous l’aurez compris en lisant Sylvain Tesson, c’est que cet homme politique expérimenté n’ait pas vu qu’il y avait là des obstacles incontournables – ou peut-être que les ayant perçus comme tels, il les ait néanmoins considérés comme n’étant pas infranchissables.
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(1) Rencontrée auprès des paysans qui composent avec la nature, cette conviction conduit Sylvain Tesson théoriser l’art de l’esquive et de l’évitement. « Fuir, c’est commander… c’est au moins commander au destin de n’avoir aucune prise sur vous. » Idem – p. 36. Epictète et Marc-Aurèle réunis n’auraient pas dit mieux !