Sunday, December 31, 2006

Saturday, December 30, 2006

Citation du 31 décembre 2006

Définition - Le réveillon de la Saint Sylvestre (appelé aussi réveillon du Jour de l'an) est une coutume occidentale qui consiste à fêter l'arrivée du nouvel an, en veillant jusqu'à minuit le soir du 31 décembre, dernier jour de l'année.

Wikipedia -

Quatre ! … Trois ! … Deux ! … Un ! ... Zéro ! ... Bonne annéééée 2007 ! (Bisous-Bisous)

Alors vous aussi, ce soir, ce sera ça ?

Qu’est-ce que vous croyez ? Que la nouvelle année n’arrivera pas si vous ne poussez pas l’ancienne année dehors, à l’aide de ces clameurs ? L’ordre cosmique dépendrait donc de vous et de vos semblables ?

Remarquez, vous n’avez peut-être pas tout à fait tort. Car, si comme le fait observer notre définition, le réveillon du 31 décembre n’est qu’une coutume occidentale, en revanche, la fête qui caractérise la fin d’un cycle et le début du suivant est, quant à elle, quasi universelle. Tout se passe comme si le temps cyclique n’était pas un temps naturel, que la succession des saisons par exemple ne puisse se produire que grâce à des rites spécifique. Ainsi, les fêtes des moissons s’accompagnaient de banquets et de gaspillage de nourriture, destinés à épuiser les réserves issues des récoltes de l’année précédente, et cela afin de permettre à la nouvelle récolte d’arriver. Qu’un cycle s’achève pour qu’un nouveau cycle commence. Que 2006 finisse pour que 2007 puisse débuter. Que les huîtres le foie gras et le champagne finisse de vider votre compte en banque pour que de nouveaux virements viennent le remplir… Oui, je sais, c’est là que le parallèle coince un peu, mais, remarquez que les nouvelles récoltes n’étaient pas non plus garanties…

Bon, je laisse tomber, c’est pas le jour de ramener sa science. Je compte sur vous, et gare à vous si demain matin je m’aperçois que nous sommes encore en 2006 !

Friday, December 29, 2006

Citation du 30 décembre 2006

Miss.Tic – Parisienne (ed. Lélia Mordoch)


Les actes gratuits ont-ils un prix ? – Les actes gratuits n’ont pas de prix, c’est même pour ça qu’ils ont de la valeur… Fastoche.

Mais ne nous y trompons pas : Miss.Tic nous tend un piège, dans le quel nous les mecs on se jette tous avec délice. Car sa question en cache une autre, bien plus troublante : une jeune et jolie femme nous montre son postérieur ; s’agit-il d’un acte gratuit ? Ou si vous préférez : à quelle(s) condition(s) ce geste serait-il un acte gratuit ? (1)

D’abord, l’acte gratuit est un acte immotivé. Il ne s’agit pas de montrer ses fesses pour insulter le spectateur, il n’y a ni la volonté de choquer ni celle de provoquer. Mais en même temps, il s’agit d’un acte qui implique la présence d’un spectateur : ce n’est pas une femme qui inspecte le galbe de ses fesses dans la glace, dans l’intimité de la salle de bain.

Ensuite, si cet acte n'est pas une provocation, alors il est un don (voir citations des 7 et 8 juin) : cette jeune et délicieuse personne nous offre quelque chose : elle nous offre du plaisir (raison de plus pour ne pas confondre avec les footballeurs qui baissent leur culotte pour insulter l’arbitre). De surcroît, si l’acte est réellement gratuit, il n’attend rien en échange ; on n’est pas en présence d’une effeuilleuse qui n’enlèvera le reste que si on lui glisse un billet de 50 euros entre les fesses. (Shocking !).
Alors, certes nous pouvons avoir affaire à une exhibitionniste : c'est à elle-même que offre du plaisir (peut-être simplement un plaisir narcissique). Mais on n'est plus dans la cas de l'acte gratuit, parce que celui-là serait fortement motivé (voir 1er §).
Donc?...
... donc, j’ai trouvé comment résoudre le problème : l’acte gratuit, ici c’est cette peinture au pochoir offerte au passant sur les murs de la Butte aux Cailles.

Merci Miss.Tic !

(1) N’ayant jamais été confronté à cette situation, je ne puis que produire des hypothèses ; envoyez-nous les vôtres dans la rubrique Commentaire

Thursday, December 28, 2006

Citation du 29 décembre 2006

Toute éducation digne de ce nom est forcément dangereuse.

Louis Néel

- Voilà, mon petit Rikiki, maman elle est partie. Tu vas rester avec Mamie jusqu’à ce qu’elle revienne du Cora.

- Brrrr Gazou-gazou

- Comme il est mignon… Tiens, tu veux jouer avec ton Mickey ? Mamie elle va te raconter l’histoire de la Souris Verte

- Ni-Ni !!!

- Te sauve pas mon chéri… Non, pas dans la cuisine, c’est dangereux la cuisine tu sais. Il y a plein de choses méchantes pour les petits Rikiki comme toi.

- Arreuh…Brrou…Pan-Pan

- Arrête de taper sur la porte du placard, elle ne t’a rien fait ! Tu voudrais que je te tapes dessus comme tu le fais ?

….Non ! Tu n’approches pas de la plaque de cuisson. Tu vois mon chéri, ça, c’est une casserole. Et ça, c’est la queue de la casserole… Et tu sais ce qu’il y a en ce moment dans la casserole ?

- OUHAHHHH !!!

- Ah mon Dieu : vite le téléphone. Les urgences c’est le combien déjà ? Non, je ne téléphone pas je l’emmène…

Enfin, comme ça il se rappellera que la cuisine c’est dangereux. Hein mon Rikiki, ça fait bobo.

- ……

Wednesday, December 27, 2006

Citation du 28 décembre 2006

Pourquoi ne pas faire quelque chose de VRAI, de grandiose, et pourquoi ne pas nous emparer du MONDE ? – J’ai dit : Ouais, mais si vous vous emparez du monde, qu’allez-vous en faire ? – le monde toussera, le monde ne vous laissera pas dormir en paix.

Jack Kerouac – Lettre à Alfred G. Aronovitz

Si vous vous emparez du monde, qu’allez-vous en faire ? Vous vous appelez peut-être Alexandre, Gengis Khan ou Napoléon. Cette question vous concerne.

C’est vrai qu’aujourd’hui plus personne ne proclame une telle ambition. Mais on sent bien que la soif de pouvoir est de celles que rien ne peut étancher. Qu’est-ce que cette soif ? Qu’est-ce qui fait courir nos hommes politiques ?

Quelques hypothèses :

- Devenir le Maître du Monde : pour marquer son nom dessus, afin qu’il proclame à qui le verra qu’il appartient à un homme qui est encore plus grand que lui. Ça, c’est être Dieu, qui a créé le monde (notez qui lui, il n’avait pas à s’en emparer) pour manifester sa gloire.

- On peut aussi vouloir dominer du monde pour le transformer. Voir Marx, citation du 4 novembre. Autrement dit : comme Dieu n’existe pas c’est à nous de le remplacer. Mais comme on n’est pas Dieu, alors ça va prendre un peu plus de la semaine…

- Allen Ginsberg, le copain de Kerouac, veut s’emparer du monde pour faire quelque chose de grandiose, quelque chose d’encore plus grand que la littérature. En somme c’est une sorte de performance, au sens artistique du terme.

Mais Kerouac ne voit pas ça ; lui, il voit après. Si je m’empare du monde, dit-il, il va me rester sur les bras. Après la performance, les soucis : « le monde ne vous laissera pas dormir en paix ». Kerouac est épicurien : pour vivre heureux, ne nous mêlons pas de la vie politique dit Epicure. Chez lui, les Dieux ne s’occupent pas des hommes : ce serait pour eux un souci, incompatible avec leur statut d’êtres parfaits.

Demandons à nos hommes politiques : qu’est-ce qui vous fait jouir ? Gagner les élections ou gouverner ?

Tuesday, December 26, 2006

Citation du 27 décembre 2006

Rien ne devrait recevoir un nom, de peur que ce nom même ne le transforme.

Virginia Woolf - Les Vagues

La phrase de Virginia Woolf change radicalement de sens selon qu’on s’intéresse au nom propre ou au nom commun. Je choisirai de parler ici du nom propre, ou plutôt du prénom.

Le soin avec le quel les parents choisissent le prénom de leur enfant fait parfois sourire ; après tout, se dit-on, l’enfant devenu une personne dominera son nom, c’est lui qui lui donnera un sens et non l’inverse. Stupidité des livres qui analysent la personnalité des Christian, des Christelle, des Thomas…

Toutefois… Imaginez que Ségolène Royal se prénomme en fait Mauricette. Vous lisez donc ceci dans votre journal : « Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn se sont ralliés à Mauricette » (1). Ça ne passe pas. Je ne vais pas jusqu’à dire que la bourgeoisie choisit les prénoms de ses enfants en fonction de leur position dans la société. Mais plutôt que les noms – et les prénoms – sont des marqueurs sociaux, qu’ils sont indicatifs de la classe sociale, tout comme ils le sont de l’époque historique.

Quoique… Pourquoi, si se prénommer Ségolène c’est une chance dans la vie, pourquoi il n’y en a pas plein partout ? Pourquoi les copains de vos enfants ont des prénoms à coucher dehors ? Pourquoi votre copine Julie vient-elle d’accoucher d’une petite Amaïa ? En réalité, les familles ne donnent à leur enfants que des prénoms qui échappent au marquage social.

La famille Lambda, qui vient de mettre au monde un enfant lambda, veut qu’il échappe à cet anonymat. Va-t-elle lui donner le prénom du grand oncle ? Surtout pas. Celui du président de la République ? Ridicule. On ne va même pas lui donner le prénom du président-directeur général de Vivendi-Universal. Non : on va lui chercher un nom que personne n’a jamais porté sauf un obscur saint Breton ou Basque. Tout sa passe comme si il fallait que ce nom ne corresponde à rien ni à personne, qu’il soit tout neuf.

Un prénom c’est comme une fringue : quand il a déjà été porté par quelqu’un d’autre, il perd toute valeur.

(1) Que les Mauricette ne se vexent pas ; j’aime beaucoup les Mauricette

Monday, December 25, 2006

Citation du 26 décembre 2006

Ne rien convoiter, c'est épargner ; ne rien acheter, c'est s'enrichir.

Cicéron

Ne rien acheter, c'est s'enrichir… L’avertissement ne vient-il pas trop tard, pour vous qui venez de subventionner le Père Noël, de payer le Réveillon et les étrennes du facteur ?

Mais avant de sombrer dans la morosité, demandons-nous si Cicéron, malgré sa grande sagesse ne se serait pas un peu trompé ? Voyons, ne pourrait-on pas s’enrichir en achetant ? Vous savez sans doute que c’est avec cette question toute simple que s’ouvre Le Capital de Karl Marx. Sa réponse ? Achetez de la force de travail, et vendez le produit du travail de cette force. La différence s’appelle le profit, et l’argent qui s’est ainsi investi s’appelle le capital.

Je vous vois venir… Vous allez me dire que vous n’êtes pas près d’embaucher des marins philippins vu que vous n’êtes pas un armateur grec ; mais qu’en revanche l’Ecureuil fait travailler votre argent, et il vous sert du 2,5% net d’impôt. Et que ça, si ça s’appelle pas du profit, alors il faudra dire ce que c’est.

Moi je vais vous le dire, ce que c’est. Ça s’appelle le fétichisme de l’argent, et Tonton Karl l’a expliqué en long et en large dans le même volume qu’il faudrait quand même que vous vous décidiez à méditer. En mettant vos économies chez l’Ecureuil, ce n’est pas votre argent qui travaille ; c’est le marin philippin ou le petit ouvrier chinois. Les intérêts qu’il vous sert l’Ecureuil, c’est à la paye de ces pauvres créatures qu’il l’a arraché avec ses pattes griffues. Allez donc voir votre banquier et demandez lui comment il se fait que vos SICAV vous rapportent tant ? Est-ce que ce n’est pas un peu louche ?

Bon, arrêtons là, sinon on va devenir subversif. Mais avouez que Cicéron a la mentalité d’Harpagon : pour lui, le meilleur moyen de sauver l’argent, c’est de ne pas le faire circuler. Erreur que ne commet pas le capitaliste.

Ça aussi, il l’avait dit, Karl.

Sunday, December 24, 2006

Citation du 25 décembre 2006

Joyeux Noël !
Aujourd'hui La citation du jour fait relâche.
Pour vous permettre d'attendre son retour, nous vous offrons un jeu des Sept Famille, afin de jouer avec les petits au pied du sapin : voici la famille du Père Noël !

Famille Noël : le Père

Famille Noël : la Mère


Famille Noël : l'Oncle Pétard


Famille Noël : l'Oncle Fouettard


Famille Noël : les Filles

Voilà, amusez-vous bien avec vos petits chérubins.

Saturday, December 23, 2006

Citation du 24 décembre 2006

Chorus: Il est née, le divin Enfant,
Jouez, hautbois, résonnez, musettes;
Il est née, le divin Enfant;
Chantons tous son avènement!

Cantique de Noël

Travailleuses, travailleurs,

on vous spolie on vous ment, depuis plus de deux mille ans, en vous promettant la liberté et le bonheur grâce au Christ. Depuis deux mille ans, les esclaves qui priaient le Christ ont été remplacés par les prolétaires, esclaves du monde moderne. La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple. Ne comptez pas sur Jésus Christ pour améliorer vos conditions de travail : l’émancipation du prolétariat sera l’œuvre des prolétaires eux mêmes.

Travailleuse, travailleurs, vous ressemblez au canard dont vous tartinez le foie gras sur votre toast : comme lui vous êtes gavé - de travail ; mais c’est votre patron qui engraisse. Vous ne pourrez changer l’ordre des choses sans révolutionner la société, et vous ne révolutionnerez pas la société sans la débarrasser des exploiteurs qui rongent le peuple jusqu’à l’os.

Les prolétaires n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont le monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous, derrière moi.

Votez pour moi.

Arlette

Friday, December 22, 2006

Citation du 23 décembre 2006

Il faut demander plus à l'impôt et moins aux contribuables.

Alphonse Allais

On pourrait dire : voilà l’idée simpliste et surtout bien banale depuis que Pierre Maurois a popularisé la formule : « on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. ». Mais on aurait tort, parce que c’est le discours qui ressort en période électorale depuis fort longtemps, et il n’est pas près de disparaître…. parce que ça marche toujours.

En réalité, Alphonse Allais déforme un peu la formule véritable : elles serait « Il faut demander plus à l’Etat, et moins au contribuable. ». Autrement dit, que l’Etat gère mieux les ressources, et on fera tout mieux. Moins d’impôt mais… naturellement (1) plus pour les démunis ; moins d’impôt, mais… naturellement de meilleurs services publics. Alors on peut dire ce qu’on voudra à partir de là ; que les fonctionnaires sont des feignants et qu’avec un peu plus d’entrain ils feraient mieux en étant moins nombreux ; que les marchés publics sont passés par des gens incapables, sinon corrompus ; que tout ce que fait l’Etat serait mieux fait par l’entreprise privée.

Mais en réalité l’idée qui est mise en jeu c’est qu’on n’aurait pas à payer ce qu’on consomme. Nous ne pensons certes pas en terme de don qui nous serait fait. Mais tout simplement, tout ça n’a pas de prix ; ou si vous préférerez ça n’a pas de coût (2). Le problème, c’est que ça favorise le gaspillage, par indifférence, parce que tout cela est gratuit : quand je ne paye pas, ça n’a pas de valeur.

C’est là le principe : l’argent est l’unique mesure de la valeur des choses, et ce qui est gratuit ne vaut rien, dans tous les sens du terme.

Vous en voulez une preuve ? En voilà une : demandez à votre psychanalyste pourquoi il exige d’être payé par vous-même à chaque séance ? J’en ai connu qui exigeait que leur patient verse une somme de sa poche, dans une caisse noire, même quand il était pris en charge par la sécu. Car l’efficacité d’une séance d’analyse est proportionnée à l’argent qu’elle nous coûte.

Plus de doute : l’inconscient et le portefeuille ont un point d’attache commun. C’est le stade anal.

(1) Vocable chiraquien

(2) Dans la rubrique « ce que nous ne payons pas directement de notre portefeuille n’existe pas », voyez la polémique sur la prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Thursday, December 21, 2006

Citation du 22 décembre 2006

Le démon de l'acédie…. Il s'attaque au moine vers la quatrième heure et encercle son âme jusqu'à la huitième heure… Il commence par faire que le soleil semble ne pouvoir se déplacer qu'à peine, ou pas du tout, donnant ainsi l'impression que la journée a cinquante heures…. Il l'amène aussi au désir d'autres lieux, dans lesquels on peut facilement trouver ce dont on a besoin, et d'exercer un métier plus facile et qui marche mieux.

Evagre le Pontique

Vous êtes fatigué, irritable, les fêtes vous ennuient la perspective de leur fin vous déprime (cf. message du 13 février). Peut-être êtes vous acédique ? Je ne veux pas suggérer que vous êtes chômeur, non, je veux dire : vous êtes peut-être affligé d’acédie, cette tristesse si bien décrite au cours de l’histoire (ici par un ermite du désert d’Egypte), et qui frappait essentiellement les moines reclus dans leur cellule.

Il s’agit en effet d’une maladie psychologique qui affecte plus particulièrement les moines : l'acédie monastique est la tristesse devant les biens spirituels essentiels de l'homme, c'est–à–dire devant la particulière dignité spirituelle qui lui a été conférée par Dieu. Mais les symptômes décrits ont une ressemblance tellement évidente avec ceux de la dépression nerveuse qui affecte nos contemporains, qu’on ne peut éviter d’y voir une identité à peine nuancée par les différences liées au genre de vie et aux préoccupations des moines (d’ailleurs, on peut supposer qu’elle concernait aussi d’autres groupes, mais qu’elle n’y était pas décrite). Tout se passe comme si ce n’était pas une maladie psychologique, donc forcément liée à l’environnement, mais une maladie du cerveau.

Si en effet malgré les bouleversements de l’histoire la dépression « nerveuse », se manifeste par des symptômes similaires, alors on est en droit de supposer que l’organisation physiologique du cerveau est en cause. Les revues scientifiques regorgent d’articles relatant les découvertes attestant qu’il y a des zones du cerveau qui sont responsables de nos états affectifs, et que des lésions ou des substances chimiques les affectant entraînent des modification substantielles du comportement. On sait, par exemple, que la « castration » par éradication d’une zone très précise de l’encéphale a été utilisée pour lutter contre les déviations sexuelles criminelles.

La question est : jusqu’où y croit-on? Croit-on que l’autisme soit une maladie génétique ? Croit-on que l’homosexualité soit liée à un gène ? Croit-on que les criminels soient des « super mâles » XYY ?



Wednesday, December 20, 2006

Citation du 21 décembre 2006

C’est le peuple qui s’asservit, qui se coupe la gorge, qui, ayant le choix ou d’être serf ou d’être libre, quitte la franchise et prend le joug, qui consent à son mal, ou plutôt qui le pourchasse.

Etienne de la Boétie Discours de la servitude volontaire (1)

Voici l'énigme, relevée par la Boétie : pourquoi les hommes supportent-ils les violences du pouvoir ? La Boétie a cru discerner une complicité entre les esclaves et leurs maîtres, imaginant chez ces malheureux un désir de servitude ; il pointait le déséquilibre des forces entre la multitude asservie et l’individualité unique du tyran. En toute rigueur, il avait raison : le peuple asservi est multitude ; le tyran est toujours une personne unique (2). Mais, à la lumière des siècles écoulés depuis sont époque, on peut penser qu'il a commis deux erreurs.

La première est que, pour que la domination soit possible, il faut que les dominés soient le moins nombreux possible. Il s’agit de minorités, ethniques, sociales, économiques, religieuses, etc. Mais ce n’est pas seulement leur faiblesse numérique qui rend possible leur asservissement ; c’est qu’ils doivent être perçus comme des marginaux dans la société

Car, et c’est la deuxième erreur de la Boétie, le tyran n’est pas seul : la multitude est avec lui non pas pour supporter avec masochisme sa violence, mais pour l’encourager et l’aider à violenter ses victimes. Seulement, ces victimes sont expiatoires ; elles sont coupables. Et la violence qui s’exerce sur elles répond à une nécessité pour équilibrer la société en cas de crises.

Nous avons déjà, ici même évoqué la thèse de R. Girard concernant la victime expiatoire (le pharmakos Cf. message du 8 mai) : parce que nous avons besoin d’évacuer par la violence le stress provoqué par les catastrophes qui s’abattent sur la société, nous avons besoin de désigner quelques responsables sur les quels se déchaînera la violence. Ces responsables seront justement les individus ou les groupes perçus comme des étrangers, comme ceux qui ne peuvent que nuire à la société, parce qu’ils ne lui sont pas intégrés.

Alors bien sûr, la Boétie pointe un fait essentiel : les libertés sont bafouées pour tous sauf pour le(s) bénéficiaire(s) de pouvoir. Mais il oublie de remarquer que la responsabilité de ces privations est précisément attribuée aux minorités : les Juifs qui spolient les malheureux ouvriers, les étrangers qui trahissent le peuple…

… les immigrés qui pillent nos allocations familiales.

(1) Cf. aussi le message du 29 août

(2) Le Discours de la servitude volontaire, est parfois aussi intitulé le Contr’Un.

Tuesday, December 19, 2006

Citation du 20 décembre 2006

Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants.

Léopold Sédar Senghor

Quand le poète a parlé, on n’a plus rien à dire. Déposer des commentaires dans ses marges n’est qu’une pollution stérile. Surtout lorsqu’il parle du respect de la terre.

Si je me lance dans l’aventure malgré tout, c’est pour évoquer l’histoire du rapport à la terre, et non pour prétendre donner du sens à ce qui en a déjà.

Qu’est-ce donc que la terre ? La terre, ce n’est rien d’autre que ce que j’ai sous les pieds ; la terre ce n’est que notre sol. Le poète Léopold Senghor insiste sur le devoir de transmission : le sol n’est pas notre sol ; il n’est que ce sur quoi nos enfants ont des droits.

Qu’est-ce que le droit du sol ? Il est soit le droit conféré par le sol ; soit droit sur le sol.

- Droit du sol : c’est le mythe platonicien de l’autochtonie (Le Politique, 271 b) qui inaugure la théorie du droit du sol comme origine de la nationalité. Dans ce texte, Platon explique que les premiers athéniens sont nés du sol de l’agora, sortant de terre comme les plantes. La patrie (dans le Banquet, Platon dira même la matrie) n’est autre que la terre génitrice, c’est elle qui nous confère nos droits sur elle comme autant de caractères héréditaires. Nous héritons la terre de nos parents simplement parce que le mode de reproduction des êtres vivants a changé depuis l’origine mythique ; mais ça ne change rien au droit que nous avons sur le sol.

- Droit sur le sol : droit de propriété. De nombreuses thèses se sont affrontées ici : le droit du premier occupant (voyez le combat des indiens d’Amérique pour être considérés comme les premiers hommes du continent) ; le droit du travail (la terre appartient à celui qui la cultive dira Rousseau). La terre est alors nourricière, elle n’est autre que le lopin de terre qui nous permet de subvenir à nos besoins.

Nous empruntons [la terre] à nos enfants : cela veut dire qu’en leur donnant la vie nous leur donnons aussi un droit à tout ce qui peut assurer leur survie. La terre leur appartient comme elle appartiendra à leurs enfants. Le propriétaire de la terre n’existe que dans l’avenir, c’est la génération future qui possède ce droit.

Et c’est là que nous retrouvons les bases de l’écologie politique.

Monday, December 18, 2006

Citation du 19 décembre 2006

Définition - Le surconditionnel - ou : double conditionnel - traduit l’irréalité d’une double condition. Ex. : si le Père Noël existait et que vous soyez encore un enfant sage, il vous offrirarait un beau joujou.
Ougrapo (Ouvroir de Grammaire Potentielle)
Mesdames, messieurs,
je suis très honoré d’être, à titre de ministre de l’éducation nationale, invité à votre colloque consacré à l’évolution de la grammaire française. Vos travaux, mesdames et messieurs, ne se contentent pas se mettre au premier plan cette science si nécessaire et pourtant si délaissée de nos jours ; vous donnez aussi une preuve éclatante de la capacité de nos chercheurs à cultiver la tradition et à lui faire produire de nouveaux fruits.
C’est ainsi qu’après l’hypersubjonctif (découvert par Raymond Queneau), après le subjonctif futur et l’article définitif, votre découverte du surconditionnel va faire connaître au plus grand nombre un nouvel instrument au service du génie de la langue française.
C’est à ce niveau que je voudrais placer ma contribution à votre colloque. Vous savez mieux que moi à quelles critiques on s’expose lorsqu’on prétend modifier les règles du français. J’en ai fait l’expérience récemment alors que je souhaitais modifier seulement celles de l’enseignement de la grammaire française. Ma proposition de réformer l’enseignent de la grammaire en le réorientant vers un enseignement non textuel a été incomprise de beaucoup, et même, je dois le dire, de ceux qui l’ont vantée. Car il ne s’agit absolument pas d’un retour vers des méthodes abandonnées depuis des lustres, comme beaucoup l’ont prétendus : il s’agit de rendre possible l’innovation linguistique et sa transmission. Prenons donc le cas du surconditionnel, formé ainsi que le professeur Vaugelas vient de l’exposer, d’un futur associé à la désinence du conditionnel. Comment expliquer cela aux enfants si l’on doit obligatoirement utiliser le support du texte d’auteur ? Bien entendu, aucun auteur du corpus littéraire français n’a jamais employé cette forme verbale ; nous avons donc ici l’occasion de montrer l’efficacité de l’utilisation de la méthode non textuelle où l’exercice grammatical se fait sur des phrases ad hoc.
J’espère mesdames et messieurs, que persuadés de l'utilité de cette réforme, vous en expliquerez la pertinence à tous ceux qui en seront abasourditure (1)
(1) Vous avez reconnu je suppose le participe futur : Le participe futur s'utilise à la place du participe présent servant à exprimer une idée prenant place dans le futur. Pour plus de détails, cf. adresse ci-dessus.

Sunday, December 17, 2006

Citation du 18 décembre 2006

Le problème de la nature et de l'origine du criminel m'apparut résolu : les caractères des hommes primitifs et des animaux inférieurs devaient se reproduire de nos temps.
Lombroso, 1908, p. XXXII
Ce message est un appel au secours.
Parti sur la piste de la criminologie « scientifique », j’étais persuadé de parvenir à montrer que la théorie des stigmates avait été abandonnée par Lombroso lui-même : outre les criminels-nés qui sont caractérisés par des stigmates anatomiques, physiologiques et psychologiques, il établissait la liste suivante : - les criminels-fous ; - les criminels d'occasion ; - les criminels d'habitude ; - les criminels passionnels. Bref, tout cela devait être l’occasion de soulever la question du déterminisme dans le crime.
Et voilà que je tombe (merci à Google) sur la machine de Lombroso. Je reproduis le document (voici l’adresse : http://www.bartproject.com/FRlombroso.htm - ne manquez surtout pas la vidéo)
« La Machine de Lombroso s'inspire des travaux des criminologues anthropologistes du dix-neuvième, tels Cesare Lombroso et Havelock Ellis, qui pensaient pouvoir détecter les déviances en analysant les traits physiques des criminels. Notre société, confronté au défi du terrorisme et de la criminalité, tente, par le biais de logiciels et bases de données de plus en plus sophistiqués, de trouver des moyens automatiques pour se défendre. Il n’est pas improbable que les travaux de Lombroso et Ellis seront un jour mis à nouveau à contribution, en les croisant avec les nouvelles techniques d’anthropométrie. En attendant cette avancée technologique, La Machine de Lombroso est déjà capable de «détecter» le caractère (bon, méchant, altruiste, égoïste…) qui se cache derrière un visage. Les observateurs sont filmés et leur image est rediffusée en temps réel sur un écran LCD. Dès qu’un spectateur s’approche de l’écran, son visage disparaît progressivement et laisse place à une silhouette qui se superpose et qui le poursuit, telle une ombre. Cette image irréelle indique le caractère de la personne. L’installation est donc une composition surréaliste, ludique et dynamique. La Machine de Lombroso a été exposée, lors de la quatrième Nuit Blanche, à la Mairie du 4e arrondissement à Paris, dans le cadre de l’exposition "L'envers de la vidéo surveillance", organisé par Méta Zone. »
Pour l’instant, cette machine est une « installation [qui] est donc une composition surréaliste, ludique et dynamique ». Pour demain : Au secours !

Saturday, December 16, 2006

Citation du 17 décembre 2006

La tolérance, il y a des maisons pour ça.(1)

Paul Claudel

La maison de tolérance est un établissement accueillant des prostituées, dans un cadre législatif défavorable à la prostitution, voire hostile, mais non prohibitif. (2)

Curieuse conception de la tolérance, qui la considère comme un mal nécessaire, comme une concession à la faiblesse humaine. Même à l’époque de Voltaire, la tolérance était encore une attitude simplement passive (cf. citation du 17 février). La tolérance comme ouverture aux différences d’autrui, désir d’échanger ou de partager ses valeurs, éventuellement même de se comporter comme lui : est-ce que ça peut exister ? est-ce que c’est seulement pensable ?

Il y a selon moi deux formes positives de tolérance :

1 - L’une consiste à dire « l’être humain est par nature multiforme ; ses coutumes, la civilisation dont il porte les valeurs, changent avec les lieux et les époques. Nous devons non pas nous contenter d’en prendre acte et le tolérer avec patience, comme un mal inévitable ; nous devons accueillir ces différences comme autant de facettes de l’être humain. Il ne suffit pas de les supporter, il faut les cultiver comme on soigne les espèces menacées d’extinction. »

2 - L’autre va insister sur le rôle du métissage dans la société humaine : tolérer, c’est accepter de vivre et de former communauté avec ceux qui diffèrent de nous parce que ces différences vont renforcer la société en permettant d’inventer des solutions là où la population autochtone serait stérile. Evidemment, la métaphore biologique de la diversité génétique s’offre comme un modèle. Supposez que demain une maladie foudroyante et mortelle frappe tous les français « de souche » et que seule la population « d’origine africaine » possède le gène que permet de résister à ce virus. C’est le métissage qui serait notre désir le plus fort pour assurer l’avenir de nos enfants.

- La solution 1 est très morale, mais depuis plus de 2000 ans elle n’a guère porté autre chose que des illusions. La solution 2 a dû sauver plusieurs fois l’espèce au cours des 3 ou4 derniers millions d’années. Ça ne porte pas de message moral, mais c’est très efficace

(1) Voir citation du 17 février, 29 avril

(2) Source : http://ledroitcriminel.free.fr/index.htm

Friday, December 15, 2006

Citation du 16 décembre 2006

Une maison qu'est-ce au juste ? Selon l'idéogramme chinois, un toit, une femme.

Jacques Ferron - La charrette -

[Citation relevée dans la sélection de www.pim.be (1) « pour alimenter vos réflexions immobilières ».
Correction adressée par email du 5 août 2001 à www.pim.be (par Sophie Tong, de Liège) : "l'idéogramme chinois de la maison est constitué par un toit et un cochon. Un toit et une femme, cela correspond à l'idéogramme de la paix." ]

Un peu long mais on n’est pas déçu du voyage : Pour avoir une maison il faut un toit, plus un cochon. La femme, pas la peine… ou plutôt, non gardons-là pour signifier la paix. Ouf !!! On allait se précipiter dans une mauvaise polémique pour savoir si le cochon est plus précieux que la femme…

Bon, d’accord : quiconque fréquente la cuisine chinoise sait l’importance du cochon dans la nourriture (comment font les chinois musulmans ?). Mais une maison sans femme ?

Selon une bonne vieille méthode résolvons cette énigme en passant par la réciproque : une femme sans maison, est-ce possible ? Je ne veux pas dire une femme SDF ; je veux dire une femme dont l’essence ne serait pas d’être maîtresse de maison (2). Alors, ne revenons pas sur la lutte des sexes déjà évoquée ici avec un slogan percutant (3) ; mais je serais plutôt tenté de critiquer l’idée d’« essence ». L’essence de LA femme est-elle de créer un foyer où faire nicher ses petits et - éventuellement - leur géniteur ? Serait-elle comme le suggère l’idéogramme chinois de susciter la paix comme l’âme de l’abri que nous devons habiter sur terre (ici : appelez les heideggériens à la rescousse).

J’ai déjà dit ici (13 décembre) que je ne comptais pas trop sur les femmes pour sauver la paix (la guerre des Malouine, vous vous rappelez ?). En réalité, il ne fallait pas entrer dans cette logique. Les femmes, pas plus que les hommes, n’ont une essence. Même si la génétique contemporaine nous incline à croire que - par exemple - chez le mâle le sexe et la violence ont partie liée (cf. citation du 26 novembre), je pose - par précaution de méthode - que « l’existence précède l’essence », comme le dit Sartre. Et comme dit aussi Stirner : « Je suis le rien créateur, le rien dont je tire tout » (L’unique et sa propriété). Prodigieux Max…

A nous d’inventer la femme ; ou plutôt : à elle - et notez s’il vous plaît que je n’ai pas écrit : « à elles ».

(1) www.pim.be est le site d’une agence immobilière bruxelloise. Tel quel…

(2) J’emprunte cette formule au délicieux roman de Pierre Klossowski - Roberte ce soir (éditions de Minuit)

(3) Une femme sans homme c’est comme un poisson sans vélo. Citation du 31 mai 2006

Thursday, December 14, 2006

Citation du 15 décembre 2006

Presque tous les hommes sont esclaves, par la raison que les Spartiates donnaient de la servitude des Perses, faute de savoir prononcer la syllabe non.

CHAMFORT - Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes

Beaucoup considèrent que le refus est en même temps l’affirmation de soi : la volonté virile est habituellement reconnue dans cette capacité de résistance, contre l’oppresseur, contre l’ami attentionné, contre la maman envahissante : c’est le type qui en a. C’est la lutte contre les autres qui permet d’exister, qui ménage cet espace sans le quel le « moi » serait étouffé.

Les psychologues ont découvert un stade de développement de l’enfant qu’ils ont appelé « l’âge du non » : situé vers 2 ans, il est caractérisé par le refus systématique de l’enfant devant toutes les demandes qui lui sont adressées. On dit alors que c’est pour lui un moyen de s’affirmer : il se pose en s’opposant.

Pourtant, certaines restrictions devraient nous faire réfléchir avant de souscrire à l’affirmation de Chamfort.

- Dire « non » n’est pas forcément la preuve d’une force. Un psy américain, R.A. Spitz, après avoir étudié des nourrissons placés dans des conditions d’isolement affectif sévères, a conclu que le mouvement de refus de la tête - mouvement de gauche à droite, appelé « mouvement céphalogire négatif » - reproduisait en réalité un mouvement de fouissement par le quel le nourrisson instinctivement recherche par un balayage le mamelon, et le happe. La répétition fréquente de ce mouvement, chez le jeune enfant est déjà une régression pathologique. La négation, exprimée par le « non » fait de la tête, serait donc une régression à un stade infantile de la vie, un recul devant ses difficultés, un retour dans le giron maternel.

- Dire « oui » est le fait des créateurs. Mais nous les philosophes, nous la savions avant même que les psy s’occupent de nous. Nietzsche, dans un de ses plus beaux textes, montre l’enfant comme source d’affirmation, avant d’être négation. Pour nier il faut lutter contre les autres. L’enfant trop faible pour cela a une autre arme : il affirme ce qu’il pense sans se soucier de quiconque. Il est, dit Nietzsche, « affirmation sainte » :

« En vérité, mes frères, pour jouer le jeu des créateurs, il faut être une affirmation sainte ; l’esprit à présent veut son propre vouloir ; ayant perdu le monde, il conquiert son propre monde. »

Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra - 1ère partie


Wednesday, December 13, 2006

Citation du 14 décembre 2006

C'est le commencement qui est le pire, puis le milieu, puis la fin ; à la fin, c'est la fin qui est le pire.

Samuel Beckett

De quoi parle Beckett ? De sa journée de travail ? Du roman qu’il vient de lire ? De la vie ?

Oui, pas la peine de tourner autour du pot : c’est de la vie qu’il parle. Mais, quand il dit : « à la fin, c'est la fin qui est le pire », qu’est-ce qu’il veut dire ?

Les jeunes sont angoissés : qui suis-je ? Où vais-je ? Pourquoi elle veut pas cette s… ? Angoisse métaphysique.

Les quadras sont angoissés : toujours le même travail… Toujours la même femme, le soir à la maison… Pourrais-je refaire ma vie, tout plaquer, changer de femme ? changer de métier ? me faire pécheur à Tahiti ? Angoisse de l’Eternel Retour.

Les vieux sont angoissés : comment éviter la maladie, la solitude, comment oublier la mort. Angoisse devant la mort.

« à la fin, c'est la fin qui est le pire » : vous avez compris pourquoi ?

Tuesday, December 12, 2006

Citation du 13 décembre 2006


L’homme est le passé de la femme.

Miss.Tic - La Butte aux cailles, Paris 13ème

On se rappelle que la citation d’Aragon a été commentée ici même, le 19 octobre. Miss.Tic, en déplaçant le curseur du temps fait comme si le pouvoir était déjà passé aux femmes. Je la prends au mot. Nous sommes donc le 13 décembre 2008

- Chers auditeurs, bonjour !

Mon éditorial aujourd’hui reviendra sur l’information, diffusée il y a deux jours par une dépêche de l’agence Associated Press, faisant état d’une conférence à trois, réunissant la Présidente Ségolène Royal, Hillary Clinton qui vient d’être élue à la Maison Blanche, et Angela Merkel, chancelière du Reich. La reine Elizabeth II s’est décommandée et Alessandra Mussolini, en passe de remporter les élections dans son pays, n’a pas été invitée.

Je n’épiloguerai pas sur la crise qui a provoqué ce sommet. L’attaque surprise d’Israël sur les sites nucléaires de l’Iran est encore dans tous les esprits, il est inutile d’y revenir ce matin. En revanche, je crois qu’on peut se demander comment la féminisation du pouvoir politique en occident va influer sur les décisions qui vont être prises dans ce contexte. Allons nous vers plus de diplomatie ? Ou bien la guerre est-elle imminente ? Les femmes qui nous gouvernent sont elles des colombes ou des faucons ?

Mes chers auditeurs, vous savez que je suis un féministe de la première heure : je crois que les femmes vont inventer ce que les hommes n’ont pas su faire depuis qu’ils sont aux commandes de l’humanité : la paix perpétuelle, celle qui a fait rêver Rousseau et Kant, est pour demain.

Quoi que…

Le professeur Faurisson, de retour d’un colloque à Téhéran a bien voulu nous éclairer sur ses récentes recherches concernant la seconde guerre mondiale : elle ne manqueront pas d’intéresser tous ceux qui s’interrogent sur les conséquences des dernières élections sur la politique mondiale. « Les historiens savent, nous a déclaré le professeur, que sous l’ancien régime bien des femmes se sont fait passer pour des hommes ; la chose était courante, y compris dans l’armée, y compris au plus haut niveau politique : qu’on pense à la troublante histoire du chevalier d’Eon. Hé bien, j’ai en main des documents incontestables qui prouvent qu’Adolf Hitler était en réalité une femme travestie en homme. »

Mes chers auditeurs, si cette nouvelle stupéfiante devait se confirmer, je vous recommande de vous mettre d’urgence à creuser un abri anti-atomique dans votre jardin.


Monday, December 11, 2006

Citation du 12 décembre 2006

Développer une idée m'a toujours paru indécent, c'est pourquoi j'aime l'aphorisme

Michel POLAC Journal (1980-1998)

1 - Lorsque Michel Polac dit que c’est indécent de développer, il veut dire ou bien qu’on affaiblit l’idée en l’expliquant ; ou bien que ça revient à prendre son interlocuteur pour un imbécile en lui expliquant ce qu’il a très bien compris (« Toi y en a compris ? »). N’est-ce pas ce que je viens juste de faire par ce commentaire ? N’est-ce pas ce que je fais chaque jour dans ce blog ? Ne suis-je pas entrain d’imposer mon interprétation à des lecteurs qui sont fort capables de penser sans moi ?

Je voudrais faire en sorte que ces commentaires soient plutôt une incitation à penser, et que loin de brider l’intelligence ils la mettent en mouvement. Mes « développements » ne seront pas « indécents » s’ils suscitent des réactions et même des objections. A vous de le dire.

2 - Que signifie « développer » ?

J’ai eu des élèves qui avaient entendu leur prof (de français, pas de philo. Ça non !) leur dire qu’ils ne savaient pas développer, ou que leurs devoirs n’étaient pas assez développés. Ils avaient l’impression que le développement des idées était ou bien quelque chose de très mystérieux, ou bien un délaiement qu’ils n’arrivaient pas à faire de façon valable. On dirait qu’il est très difficile pour un prof d’expliquer clairement ce qu’il demande pourtant à ses élèves de faire : développer ; analyser ; problématiser…

J’entends par développement l’acte par le quel une pensée passe de l’implicite à l’explicite, c’est à dire révèle ses articulations, explique ses présupposés, établit ses définitions… Bref, c’est très exactement l’inverse du laïus - ce qu’on appelle en rhétorique la « paraphrase ».

On voit donc que développer revient à donner aux autres une prise sur sa propre pensée. Car quoi de plus impressionnant que les pensées qui se donnent comme des prédictions de Nostradamus ?

Sunday, December 10, 2006

Citation du 11 décembre 2006

L'éternel enfant. - Nous croyons que les contes et les jeux appartiennent à l'enfance, myopes que nous sommes ! Comment pourrions-nous vivre, à n'importe quel âge de la vie, sans contes et sans jeux !

NIETZSCHE Humain, trop humain

Voilà un message pour tous ceux qui ne croient plus au Père Noël. Ou plutôt pour tous ceux qui affirment qu’ils n’y croient plus

1 - Vous qui ne croyez plus au Père Noël, demandez-vous pourquoi vous célébrez son culte avec vos enfants ? Car c’est bien un culte que vous lui rendez, à l’occasion de ces achats et durant ces préparatifs, que vous faites non pas contraints et forcés (quoique vous en disiez), mais joyeux et émerveillés. Tout ce qui, dans ces préparatifs, dépasse la stricte obligation (du genre : « je fais ça pour les enfants, mais je m’en dispenserais bien »), la tristesse d’être exclu de la fête si vous n’avez pas - ou plus - d’enfants : voilà qui prouve que Nietzsche a raison : nous ne pouvons vivre sans les contes de l’enfance.

2 - Vous m’objecterez peut-être, que tout cela est machiné par les commerçants, que le Père Noël est une invention de Coca-cola, qu’autrefois, avant la société de consommation, Noël était synonyme de recueillement et de béatitude devant la promesse de la Naissance du Sauveur. Je ne vous dirai même pas qu’il s’agit là justement d’un conte de fée pour les petits enfants, récupéré et enjolivé pour les adultes. Non. Car il suffit de rappeler que « Noël ! » était le cri que la foule en liesse poussait au passage du roi ou le l’Evêque lorsqu’il arrivait dans son fief ou dans son évêché (1) : car on « savait » que la prospérité du peuple dépendait de la puissance de ce personnage. Autrement dit, et sans forcer l’histoire, on peut dire que le Père Noël a toujours existé, mais qu’autrefois on le rencontrait même en mai ou en juillet.

Mais je prêche des convertis : Nietzsche semble croire qu’on est des gens sérieux, qui font mine de ne jamais jouer et qui ne croient qu’à la réalité. Il se trompe, bien sûr, et il suffit de voir combien on vend de « truc à gratter » dans les bureaux de tabac, pour constater combien le rêve nous est nécessaire pour supporter la vie.

(1) Noël : «cri de réjouissance que poussait le peuple» (GUILLAUME DE LA VILLENEUVE, Les Crieries du peuple, 1300) Source : TLF

Saturday, December 09, 2006

Citation du 10 décembre 2006

Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon.

Rousseau - Émile ou de l'éducation

Voyons un peu ce que contient la thèse de Rousseau. Si vous travaillez, est-ce que vous vous posez la question de l’utilité sociale de votre travail ? Non ? Vous considérez que la seule question qui importe est de savoir s’il vous permet de vivre correctement ? Vous avez tort. On ne travaille pas seulement pour gagner sa vie ; on travaille également pour contribuer au bien public (1). Le riche ne travaille pas pour vivre ; il doit néanmoins travailler pour les autres, c’est à ce prix qu’il est un citoyen. Et d’ailleurs, si l’oisiveté est un délit, alors le travail est une obligation pénale.

C’est là que les choses se compliquent.

Et en effet, quoi de plus raisonnable que de penser la société comme une association de coopération, chacun œuvrant au bien public et tirant parti de celui-ci. Le mal est facile à débusquer : c’est l’égoïsme ; sa destruction est sans difficulté : c’est la contrainte. Et la contrainte sera sans scrupule : elle sera faite au nom de la liberté de celui qu’on contraint (pour les explications cf. commentaire du 30 août).

Chacun est tenu de contribuer au bien public, on est tous d’accord là-dessus. Seulement, voilà : alors qu’on serait assez d’accord s’il s’agissait d’argent - l’impôt est une contribution reconnue comme nécessaire et la fraude désigne effectivement le mauvais citoyen - en revanche on ne l’est plus s’il s’agit de travail. Et le S.T.O., et le Goulag sont là pour nous rappeler que derrière la vertu morale et civique du travail se cache l’esclavage et l’arme la plus facile à manier pour briser les résistants et éliminer des peuples entiers (2).

Nous ne vivons plus à l’heureuse époque de Rousseau qui écrivait ces lignes, aux alentours de 1760… On pouvait alors croire que les idées les plus raisonnables devraient servir à créer un monde heureux et viable. Quant à nous, nous avons appris à nous méfier des excès de la rationalité.

(1) Vous avez raison d’envier les fonctionnaires. Ce sont les seuls qui n’ont pas à se poser la question de l’utilité sociale de leur fonction, celle-ci étant leur seule justification.

(2) Son seul inconvénient était la durée. On a dit qu’un détenu du Goulag (un zek) avait à peu près une espérance de vie de 3 mois. L’impatience des nazis était telle qu’ils ont fait appel au zyklon B.

Citation du 9 décembre 2006

Sans la pipe la vie serait aride, sans le cigare elle serait incolore, sans la chique elle serait intolérable !

Gustave FLAUBERT - Correspondance

Etes-vous comme moi un peu énervé par le consensus anti-tabac ?

« Tremblez, fumeurs, car vous creusez votre tombe avec votre clope ; mais, vous devez aussi rougir de honte, car vous êtes des criminels qui empoisonnent les autres . »

Voici un petit florilège :



On est dans le délire collectif, dans la folie purificatrice. Le mal existe, il est incarné par le fumeur ; sa seule existence est déjà un malheur. La preuve, il suffit qu’il y en ait un sur le trottoir pour qu’aussitôt certains prennent l’air dégoutté, se retenant tout juste de le pousser sous les roues du bus. Et pourtant, heureusement que le fumeur existe : grâce à lui on sait quoi faire pour éradiquer LE mal.

Essayons d’en sortir, demandons-nous pourquoi on fume ? On s’est déjà interrogé sur l’évaluation de la vie (1). Ici Flaubert fait plus simple : il ne s’agit pas de la vie entendue comme un tout lié à la nature essentielle de l’individu, mais plutôt de la saveur de la vie, de son feeling, étant entendu que ce qui lui donne de l’agrément est fort limité : c’est le tabac. Je crois que les non fumeurs ne comprennent pas ce qu’est le plaisir de fumer. Ils croient que c’est une dépendance et que le fumeur n’allume sa cigarette que pour échapper au désagrément du manque de nicotine. Il y a pourtant une curieuse exception : on admet que le fumeur de cigare (dont pourtant la fumée est jugée répugnante) éprouve un plaisir raffiné et exclusif - à condition qu’il s’agisse d’un Davidoff et qu’il s’accompagne d’un verre de cognac. Tiens, Davidoff, puisqu’on en parle ; lorsqu’il évoque le fumeur de cigare, il va encore beaucoup plus loin que Flaubert : "Il y a dans les gestes lents, dignes, mesurés du fumeur de cigare une cérémonie qui permet de retrouver des rythmes oubliés et de rétablir une communication avec soi-même." Rien que ça !

Snobisme que tout cela. Ecoutez Flaubert : la chique suffit au bonheur de l’homme. Trouvez plus simple, et venez me raconter ça : je suis preneur.

(1) C’était il y a deux jours. Vous avez déjà oublié ??

Thursday, December 07, 2006

Citation du 8 décembre 2006

Donnez au Téléthon : c’est toujours ça que les Restos du cœur n’auront pas.

Pierre Desproges

C’est quoi, ça ? Encore une provoc, histoire de faire fumer de rage les Bobos ?

Du calme. C’est vrai que si je donne au Téléthon, j’aurai moins à donner aux Restos du cœur. Donner aux uns c’est refuser aux autres ; c’est un constat déjà fait à l’époque du Tsunami : en donnant aux victimes du Tsunami, on a asséché les ressources des ONG d’Afrique.

On disait déjà, autre fois : on a chacun ses pauvres ; ce qui veut dire qu’on ne peut pas donner à tous. Rocard a scandalisé en disant que la France n’avait pas pour vocation d’accueillir toute la misère du monde. C’est qu’il voulait dire « supprimer toute cette misère ». Seulement, voilà : avec le Téléthon, avec les Restos du cœurs, la bienfaisance populaire s’est donné pour mission de le faire. Et il en est pour dire que du coup elle a donné à l’Etat une raison pour ne pas faire son devoir.

Certes, on dira que les choses ne sont pas si radicales. Et d’ailleurs, que c’est le geste qui compte. Allah fait un devoir au croyant de faire l’aumône, mais il n’impose pas de se ruiner pour ça. Pourquoi on fait la charité ? Charité bien ordonnée commence par soi-même ; et si on complétait : « … et elle finit par soi-même » ? On donne au Téléthon pour soigner les maladies génétiques, parce que ça nous dispense de voir des images d’enfants morbides. On donne aux restos du cœurs, parce que les pauvres qui y ont recours sont méritants ; ce ne sont sûrement pas des gamins mal élevés des banlieues, ni leurs parents alcooliques. Ça non !

Et si on faisait une journée nationale des prisons ? Vous donneriez pour en construire des plus conformes à la dignité humaine, ou bien vous diriez : « Je paie déjà assez d’impôts comme ça » ? Peut-être. A moins que vous disiez : « J’ai déjà donné (au Téléthon) »

Wednesday, December 06, 2006

Citation du 7 décembre 2006

Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l'esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d'abord répondre. »

Albert CAMUS - Le mythe de Sisyphe

Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. C’est avec cette phrase que bien des philosophes ont été vus comme un danger pour la jeunesse : quand j’étais jeune prof de philo j’ai reçu ce conseil de l’inspecteur (1) : « Méfiez-vous du suicide ; n’en parlez pas à la légère ; nos jeunes élèves sont fragiles, et nous passons pour être ceux qui les poussent à l’acte. »

Toutefois, si on se donne la peine de citer in extenso le passage où Camus évoque le suicide, on voit alors qu’on a affaire à tout autre chose qu’au désespoir. Le suicide n’est d’ailleurs même pas un problème : il est une solution. Pour Camus, le suicide est l’aboutissement d’un processus d’évaluation de la vie : Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue. Autrement dit, le suicide n’est qu’une conséquence - peut-être parmi d’autres (2) - de cette évaluation.

Alors ce qui frappe surtout dans cette pensée de Camus, c’est que l’évaluation de la vie se fait dès son commencement. Je dois d’abord décider si la vie vaut ou pas la peine d’être vécue, et ensuite, me lancer dans l’activité de mon choix. Comme si la vie avait une valeur indépendante de son contenu, ou bien comme si ce contenu était défini à l’avance, un peu comme dans les contes de fées où les enfants reçoivent des dons ou des maléfices de la part de la fée Carabosse ou de l’Enchanteur Merlin. Hé bien, non ; ça ne marche pas comme ça….

… ça ne marche pas comme ça, mais on y croit tout de même ; particulièrement quant on est jeune. On se croit alors défini, une fois pour toutes par ce qu’on a fait, ou par ce que les autres disent de nous. On a une essence - définitive comme toute essence - coïncidant avec l’existence instantanée. Si quelqu’un sait ce que vaut la vie, c’est le vieillard qui évalue son passé. Et puis, il y a celui qui croit le savoir : c’est le jeune qui croit être, définitivement, ce qu’il est, pour l’instant.

Plus que les cours de philo c’est sans doute cela qui explique la fréquence du suicide des jeunes gens.

(1) Pour ceux qui le connaissaient, il s’agissait de L.L. Grateloup

(2) Cioran disait que le suicide est l’acte des optimistes, déçus par la vie. Les autres qui savent que la vie est sans espoir, ne peuvent être déçus par elle ; pourquoi se suicideraient-ils ?

Tuesday, December 05, 2006

Citation du 6 décembre 2006

L’homme n’est rien d’autre […] que l’ensemble de ses actes.

Jean-Paul Sartre - L’existentialisme est un humanisme

Cette phrase souvent répétée pour rejeter les promesses au profit de leur réalisation, doit être prise dans toute son étendue : « L’homme n’est rien d’autre » que ce qu’il a fait, et les sentiments, les joies ou les regrets ne servent à rien pour définir notre vie. Par exemple, je ne peux dire « Ah ! si seulement mes parents avaient eu les moyens me payer des études, j’aurais pu faire polytechnique, j’en avais l’étoffe … ». Non. Je suis celui qui a fait un C.A.P. de boulangerie. Point final. Et mes sentiments alors ? Ce n’est donc rien ? Si, bien sûr : mais, mes regrets, mon amertume sont aussi des actes : ils sont ce par quoi je me produis comme un raté. Autant dire qu’en choisissant d’être un raté j’ai choisi de considérer la boulangerie comme une manière de rater sa vie (1).

Qu’est-ce qui compte alors dans la vie ? C’est « ce que je parviens à faire avec ce qu’on a fait de moi » (Sartre - idem). Alors, certes il y a de l’injustice sociale, et je n’ai pas eu la liberté de choisir le milieu social dans le quel je suis né. Mais ce milieu, s’il me prive de certaines possibilité n’a pas déterminé l’ensemble de ma trajectoire. Il en a facilité certaines, il a rendu les autres plus difficiles. Mais le choix entre les une et les autres, c’est à moi qu’il incombe. Et ces choix sont ce qui réalise ma vie. Voilà ce qu’on appelle l’existentialisme.

Il y a des philosophies plus subtiles que celle-ci - je le sais bien. Mais ce qui est stimulant dans l’existentialisme, ce pour quoi il a eu une telle vogue, c’est qu’il implique chacun d’entre nous. Au fond, l’importance qu’on accorde à la philosophie aujourd’hui encore, vient de sa capacité à nous remettre en cause. Non pas qu’il faille nécessairement donner raison à Sartre ; et d’ailleurs lui-même est en partie revenu sur certaines de ses thèses : il y a des choix plus faciles que d’autres à faire, et ceux-là, c’est la société qui les distribue, sans tenir compte du mérite personnel. Mais il nous invite à reconsidérer nos responsabilités, non pas dans un esprit de mortification, mais plutôt pour enquêter sur leur répartition.

(1) Que les boulangers qui me lisent sachent bien que ce n’est pas un point de vue que je partage.

Monday, December 04, 2006

Citation du 5 décembre 2006

L'inutile morceau de chair au bout du pénis s'appelle un homme.
Jo Brand
Qui c’est ça Jo Brand ? Le frère de Mike (1)?
Vous n’y êtes pas du tout : Jo Brand est une actrice anglaise. C’est une femme qui affirme ça ; qui vouliez-vous que ce soit ?
Il ne s’agit pas pour moi d’une provc gratuite ; du genre : « Voyez, messieurs, ce que ça fait d’être traité par une femme comme vous-mêmes vous les traitez. ». Il s’agit de généraliser - aux hommes - la situation, ici plaisante ( ?), qui consiste à être défini comme un corps-objet. Ouf !
Petit cours de philo gratuit :
- l’objet, c’est ce qui n’existe qu’en face d’un sujet, c’est cette passivité matérielle que ma liberté (être libre = être un sujet) délimite dans la réalité environnante.
- le corps est alors un objet lorsqu’il est défini comme un instrument par rapport à des besoins : l’objet force de travail pour le patron ; l’objet pénis pour la femme concupiscente.
Quelle réaction avons-nous lorsque notre corps est considéré comme un objet - de jouissance dans le cas présent ? La réponse est bien connue : c’est la pudeur.
La pudeur ne prend son sens qu’en présence de l’autre ; car c’est sous le regard d’autrui que mon corps devient un objet ; et c’est précisément le refus d’être un corps-objet qui caractérise la pudeur. On a assimilé la pudeur à la honte, en particulier dans des analyses (sommaires) de la Bible : Adam et Eve révèlent la perte de leur innocence en ayant pour la première fois honte de leur nudité en présence du Père Eternel. En réalité, la honte n’est que la découverte de soi comme objet, ainsi que l’a expliqué Sartre dans sa célèbre analyse de l’Etre et le néant.
Mais je crois que la Bible nous révèle quelque chose d’un peu plus profond : si Adam et Eve cachent leur nudité, c’est parce que, du fait de la faute, ils ne sont plus en communion avec le Seigneur ; son regard est celui d’un autre et non celui qui pourrait être leur propre regard. Ils ne se cachaient pas avant non par le fait d’une inconscience enfantine, mais par le fait d’une situation « fusionnelle » : Dieu était pour eux un autre moi. C’est la perte de cette fusion qui caractérise la chute.
Au fait, je ne rappelle plus très bien : est-ce que Eve a parlé d’Adam comme d’un inutile morceau de chair ?
(1) Alors, selon vous, le chanteur c’est Mike Brant et non Brand ? Lisez donc Wikipédia :
« Moshé Michaël Brand, plus connu sous le nom de Mike Brant, était un chanteur crooner israélien, né le 1er février 1947 à Nicosie, décédé le 25 avril 1975 à Paris. »

Sunday, December 03, 2006

Citation du 4 décembre 2006

Dans tout sourire il y a de l'enfance ; c'est un oubli et un recommencement.
ALAIN - 81 chapitres sur l'esprit et les passions



Léonard de Vinci - Sainte Anne la Vierge et l’enfant (détail)

Quand on sourit, qu’est-ce qu’on fait ?
Demandons à Léonard de Vinci, qui est le spécialiste reconnu du sourire : de celui de la Joconde qu’on ne reproduira pas ici (1), aux sourires en cascade de Sainte Anne (la grand-mère), la Vierge (la mère) et l’enfant Jésus.
Le mieux serait de laisser chacun interpréter ce qu’il ressent en face de ce tableau….
Pour ceux qui veulent poursuivre leur lecture, je dirai que je suis quant à moi frappé par le fait que le sourire qui correspond à l’affirmation d’Alain est celui de Sainte Anne et non celui de la Vierge, ni celui de l’enfant Jésus. Dans le groupe constitué par la Vierge et l’enfant, les sourires se répondent : elle sourit à son enfant ; l’enfant sourit à sa mère. Il s’agit d’un échange. En revanche, Saint Anne ne sourit à personne : entendez que son sourire est l’expression de ses sentiments devant le spectacle que lui offre ces deux personnages qui ne la regardent pas. Il ne s’agit donc pas d’une relation, mais d’un état.
Or, dans la citation d’Alain, le sourire est précisément un état, il est l’expression d’une harmonie immédiate entre celui qui sourit et le monde qui l’environne : c’est en ce sens qu’il est celui de l’enfant, du petit qui sourit, bien heureux dans son berceau, ne sachant même pas qu’il y a au monde une mère qui le veille, un sourire pour répondre à son sourire.
Pour Sainte Anne, la maternité de la Vierge est-elle un oubli et un recommencement ? L’idée sommaire serait de dire : oui, elle oublie qu’elle est grand mère ; elle recommence l’histoire de sa propre maternité. Mais ce serait un contre sens par rapport à la pensée d’Alain : cet oubli est celui des réalités de la vie ; ce recommencement est celui d’une plongée aux sources mêmes de l’existence, cet état de bonheur inconscient où l’organisme est en parfait équilibre avec le milieu. C’est l’état du nourrisson qui n’a pas oublié le bonheur de la vie utérine. Oui ; il faut remonter jusque là.
Quant on sourit, on se retrouve l’état prénatal.
(1) Je vous laisse le soin de dire si ce qui va suivre s’applique ou non au sourire de la Joconde (je veux dire : son sourire est-il du même ordre que celui de Sainte Anne ?)

Saturday, December 02, 2006

Citation du 3 décembre 2006

Le point de suspension, c'est ce qui vous reste à dire quand vous avez tout dit !
Frédéric DARD - Les pensées de San-Antonio
- Hé, Bonnie ! J’en une bien bonne à te raconter.
- Quoi donc Jenny ?
- Tu connais Bruno ? Il m’a emmenée en boite hier au soir.
- Et alors ?
- Alors ? figure-toi qu’au retour, il m’a fait le coup d’arrêter la voiture au milieu de la campagne dans un chemin creux.
- Mince ! Qu’est-ce que t’as fait ?
- Qu’est-ce qu’il a fait tu veux dire ! Il a commencé à mettre ses mains partout sur moi et à me lécher l’oreille.
- Beurk ! Alors, qu’est-ce que t’as fait ?
- J’ai pas eu le temps de faire quelque chose : on a été aveuglés par des lumières de torches électriques : il y avait déjà un flic à chaque portière ! Ils avaient vu la voiture à l’écart de la route en pleine nuit, ils ont imaginé je ne sais quoi. Ils ont contrôlé notre identité ; quand Bruno a soufflé dans le ballon, il était positif : c’est moi qui ai dû prendre le volant pour rentrer. T’imagine l’ambiance …
- Bof… Après tout il s’est rien passé de grave.
- Oui, mais Bruno, il avait loupé sa soirée. Et il avait des envies qu’il avait pas satisfaites, alors voilà…
- Oui, mais tu sais Jenny, moi j’ai connu ça une fois. Sauf que les flics, ils sont pas arrivés.
- Alors ?
- Alors ? J’t’e raconte pas…

Citation du 2 décembre 2006

Il n'est poule si chère que celle reçue en cadeau.

Proverbe italien

Chers petits enfants,

aujourd’hui, c’est le Père Noël qui vous écrit. Si je vous écris, c’est pour vous mettre en garde : vous êtes en train de me faire vos commandes pour que je vous apporte plein de jouets, et moi je vous dis : méfiez vous des cadeaux ; réfléchissez bien avant de me faire votre demande.

Petits enfants, on vous ment ! Certains vous diront : « le Père Noël n’existe pas, n’y croyez pas ou vous serez déçus un jour ». Ce sont des méchants ou des ignorants qui vous diront cela : j’existe, oui, et la preuve en est cette lettre que je vous écris.

Mais ça, ce n’est rien ; on profite de votre jeunesse pour vous tromper, d’une façon bien plus perfide. Car, si le Père Noël existe, en revanche, les cadeaux, eux, n’existent pas. Alors, bien sûr, vous allez recevoir ceux que vous m’avez demandé : puisque j’existe, il est clair que j’apporte aussi aux petits enfants les jouets , tous les jouets qu’ils m’ont commandé. Mais ne l’oubliez pas : je ne les apporterai qu’aux petits enfants sages !

Voilà ce que vous devez savoir : en réalité moi, ça m’est complètement égal que vous soyez des gentils bambins ou pas : ma tournée terminée, je repars avec mes rennes et je ne penserai plus à vous jusqu’au Noël prochain. Mais ce sont vos parents qui vous font croire que je refuserai de venir si vous n’êtes pas sages : en réalité, ce sont eux qui m’empêcheront de vous apporter ce que vous avec demandé s’ils sont mécontents de vous. Vous ne pouvez pas imaginer tous les tours qu’ils me jouent pour m’empêcher de venir lorsqu’ils veulent vous punir : le feu dans la cheminée, le fenêtre du salon fermée toute la nuit, le Rotweiler couché au pied du sapin…

Pourquoi font ils ça ? Mais parce qu’ils profitent des cadeaux de Noël pour vous obliger à faire ce qu’ils veulent : ranger votre chambre, ne pas vous curer le nez avec les doigts, manger des épinards - oui : même ça, ils vont vous l’imposer en échange de votre console de jeu ou de votre baladeur MP3 ! Vos cadeaux, vous allez les payer très cher…

Que faire ? C’est très simple : ne m’écrivez plus ; ne me demandez plus rien pour Noël, vous ne recevrez plus de cadeaux, et alors il n’y aura plus ce contraintes à subir en échange.

Cette histoire, c’est vieux comme le monde. Tenez je vais vous faire une cadeau vraiment gratuit : allez sur l’excellllent blog La citation du jour, à la date du 22 février : vous y lirez la passionnante histoire du potlatch.

Votre ami,

le Père Noël

Thursday, November 30, 2006

Citation du 1er décembre 2006

Ce que fait un homme c'est comme si tous les hommes le faisaient. Il n'est donc pas injuste qu'une désobéissance dans un jardin ait pu contaminer l'humanité; il n'est donc pas injuste que le crucifiement d'un seul juif ait suffi à la sauver.
Jorge Luis Borges - La forme de l'épée
Etrange et troublante pensée : trois moments, trois étonnements.
Premier étonnement : la co-responsabilité. Si les nazis ont été des bourreaux et des idéologues monstrueux, comment admettre que leurs crimes rejaillissent sur moi, qu’ils me souillent - pire que je me souille de leurs crimes ?
Deuxième étonnement : le péché originel serait donc justifié par cette co-responsabilité, comme si le péché d’Adam devenait mon péché, comme si la chute d’Adam était bel et bien celle de l’humanité - donc : la mienne aussi.
Troisième étonnement : la rédemption serait donc une évidence ? Borges nous la présente comme étant l’inverse du péché originel, une chute à l’envers si j’ose dire. Ce qu’il nous dit, c’est que, si l’on admet la co-responsabilité, alors on doit aussi admettre la rédemption. Comment comprendre cela ?
La réponse doit être cherchée selon moi dans l’idée de communauté humaine.
La faute dans le péché originel est : pas responsable, mais coupable (1) : je suis coupable du crime qu’a commis mon ancêtre, bien que lui seul en soit responsable. Je crois qu’on ne peut comprendre le péché originel sans admettre qu’Adam incarne l’humanité entière, parce qu’en choisissant la faute, il l’a choisie pour toute l’humanité (2).
Borges prend maintenant en compte la réciproque : du fautif condamné sans avoir rien fait de mal, on passe au coupable, pardonné sans avoir rien fait pour le mériter, pardonné par procuration. Comment cela est-il possible ?
Le caractère salvateur de la crucifixion ne s’explique que parce qu’elle est un sacrifice : dans le sacrifice, la souffrance qui est subie par l’un est bénéfique pour d’autres. Il n’y a pas de sacrifice sans don, c’est à dire sans altruisme. Le caractère particulier du sacrifice du Christ tient au fait que le pardon qu’il cherche, c’est celui de tous les hommes.
En effet, ce qui me paraît intéressant ici, c’est l’idée de communauté qui se profile derrière tout cela. Exactement comme pour le péché originel, on ne peut comprendre la rédemption sans comprendre que chaque homme incarne l’humanité entière, ou plutôt qu’il faut entendre l’humanité comme une essence qui ne se divise pas qui ne comporte pas de plus ou de moins, qui est entièrement présente en chacun (3). Si le Christ en sauvant l’humanité pécheresse, sauve tous les pécheurs, y compris moi, c’est que je suis l’homme que tous les hommes ont été, sont et seront.
Faut-il dire que cette conception de l’humanité peut valoir en dehors de tout contexte religieux ?
(1) On aura reconnu la disjonction entre responsabilité et culpabilité, déjà évoquée ici (message du 25 juin)
(2) C’est très exactement la conception sartrienne de la responsabilité. La différence, c’est que pour Sartre chaque homme, à chaque instant, se trouve dans la même situation qu’Adam.
(3) On retrouve ici l’origine de la conception kantienne de l’humanité ; voir entre autre le message du 7 juin

Wednesday, November 29, 2006

Citation du 30 novembre 2006

Donner aux uns, ça veut dire prendre aux autres.

Georges Wolinski

- Heureusement qu’il y a des riches pour donner aux pauvres ! Heureusement qu’il y a des Robin des Bois pour les aider à donner, au cas où ils n’y penseraient pas.

Wolinski nous donne un cours d’économie : donner et voler sont deux modes corrélatifs de la circulation de la richesse. Le moine et Robin des Bois font la même chose, la seule différence étant dans l’origine de ce qu’ils donnent : le moine donne ce qu’on lui a donné ; Robin donne ce qu’il a volé aux voleurs. Alors, on dira certes que le voleur ne donne pas toujours aux autres et que Robin des Bois n’est qu’une fiction. Bien sûr. Mais ce qui les oppose est moins fort que ce qui les réunit : c’est au marchand qu’ils s’opposent tous deux également. Le voleur comme le moine n’échangent rien ; l’un prend sans contrepartie ; l’autre donne sans contrepartie. En revanche, ce qui caractérise le marchand, c’est l’échange. Bilatéralité d’un coté ; unilatéralité de l’autre.

- Ouf, voilà le cours d’économie terminé. C’est la récré, vite dehors pour fumer sa clope !

- Pas si vite, jeunes gens ! Nous n’avons pas encore épuisé le contenu de la pensée de Georges W. : il semble bien, en effet, exclure que ce qu’on donne soit notre production. A-t-il raison ? Pourquoi, l’argent que je donne à un pauvre ne proviendrait-il pas de la vente de mes salades, produites dans mon jardin, par mon travail ? C’est qu’il imagine l’économie comme un jeu entre des partenaires qui font circuler les richesses entre eux, l’enrichissent des uns résultant de l’appauvrissement des autres ; un jeu gagnant-perdant, la quantité de richesse restant identique au cours du jeu. Une sorte tombola ou de Monopoly. Mais à ce compte il n’y aurait rapidement plus grand chose à donner, à moins d’aller piller les pays voisins

La question se déplace donc : de « Qu’est-ce que le don ? » (1), on passe à : « D’où vient la richesse ? ». On connaît la réponse de Marx (après celle de Stuart Mill, quand même !) : la richesse vient du travail humain : lui seul produit plus qu’il ne consomme. Pour qu’un échange apparaisse, il faut qu’il y ait excès d’un bien quelconque (même si la pénurie reste globalement une réalité). Qu’importe que le moine redistribue ses dons et Robin des Bois ses larcins. C’est toujours le produit du travail des autres qui circule, et si personne n’avait produit, personne ne donnerait et personne ne recevrait.

Alors, jeunes gens, vous avez compris le message ? Les pauvres à qui on fait l’aumône restent pauvres : pour s’enrichir il leur faut produire et entrer dans le jeu de l’échange entre producteurs, un jeu gagnant-gagnant cette fois. Au travail les feignants !

Vous avez compris ? Ça y est ! Vous êtes prêts pour la campagne des présidentielles.

(1) Voir citations des 7 et 8 juin

Tuesday, November 28, 2006

Citation du 29 novembre 2006

Il [Protagoras] dit en effet, n’est-ce pas, que l’homme est la mesure de toutes choses, de l’existence de celles qui existent et de la non-existence de celles qui n’existent pas.

Platon -Théétète

L’homme est la mesure de toutes choses…S’agit-il d’anthropocentrisme ? (1) Peut-être, mais on laissera cet aspect de côté comme non pertinent dans le contexte, et secondaire pour notre propos. En réalité, il s’agit de relativisme, et plus particulièrement du relativisme épistémologique.

Relativisme épistémologique : La variété des opinions résulte du caractère conventionnel de la connaissance qui n’a d’autre réalité que de fixer arbitrairement des rapports entre des phénomènes perpétuellement changeants (cf. Héraclite) par un concept tenu pour vérité. Dans un autre contexte, on considérerait plutôt que Protagoras considère la vérité comme un rapport entre la pensée et la nature : elle ne peut donc être que changeante. C’est donc le sens de cette citation. Mais on serait tenté aujourd’hui de la lire autrement : je veux parler du relativisme moral.

Relativisme moral : faute d’une source transcendante qui les fonde, toutes les valeurs se valent. Il y a alors une pluralité de morales entre les quelles le choix est nécessairement arbitraire et subjectif. L’homme est la mesure de toutes choses signifie alors que l’individu est maître de ses évaluations, donc de ses choix. On devine le danger d’une telle croyance, qui d’ailleurs est très répandue : je connais beaucoup de gens qui ne comprennent pas que les opinions racistes ou antisémites ne soient pas couvertes par la liberté de penser et de dire ce que l’on veut. Comment affronter ce relativisme ?

De même que Popper propose de sortir du relativisme épistémologique par la mise en compétition des différentes hypothèses, de même on pourrait considérer les valeurs morales à partir des effets des actes qu’elles justifient. C’est au fruit qu’on juge l’arbre, c’est à leurs conséquences qu’on évalue les valeurs.

Mais je serais tenté de remonter un cran plus haut : plutôt que les conséquences, jugeons le principe qui gouverne le rapport entre nos buts (les valeurs) et nos moyens (les actions) : des religions jusqu’aux idéologies les plus variées, on bute sans cesse sur les mêmes horreurs. Dieu à servi à tout bénir (voir citation du 28 janvier) ; Marx et Lénine aussi. Ne faudrait-il pas dire alors que c’est la croyance que le bonté de la fin justifie n’importe quel moyen qui est la véritable erreur ?

Cette erreur porte un nom : c’est le fanatisme.
D’ailleurs, le fanatisme n’est pas une erreur : c’est une faute.

(1) Tout ce qui existe, n’existe que pour l’homme et ne prend de sens que par rapport à lui.

Monday, November 27, 2006

Citation du 28 novembre 2006

Sommes-nous si intéressants que nous devions infliger notre présence au monde futur à travers celle de notre progéniture ? Depuis que j'ai compris cela, rien ne m'attriste autant que cet attachement narcissique des hommes aux quelques molécules d'acide désoxyribonucléique qui sortent un jour de leurs organes génitaux.

Henri Laborit - Éloge de la fuite

Laborit fait sans doute allusion ici aux thèses néo-darwiniennes selon les quelles le ressort secret de tout être vivant (la volonté de vivre de Schopenhauer) est de diffuser ses gènes à travers sa descendance : l’homme recherche la femme féconde, la femme cherche l’homme robuste, chacun veut faire des enfants et qu’ils survivent pour engendrer à leur tour, ce qui veut dire : transmettre les gènes qu’ils ont reçu et ainsi perpétuer leurs aïeux. La science a relayé la morale, qui depuis longtemps fait de la fécondation la justification de la sexualité.

Faut-il donc se soucier « du plat souci de la propagation de l’espèce » ? L’expression est de Sade, dont on sait qu’il ne considérait pas que le but de la vie était de procréer. Si on se tourne vers la Bible, on voit qu’effectivement la propagation de l’espèce est bien la justification de la sexualité : tout la monde connaît l’onanisme, presque tout le monde sait qu’on fait ici allusion au « péché d’Onan » (Genèse 38 :7 et 9). Mais contrairement à ce qu’on croit, il ne s’agit pas vraiment de satisfaction solitaire. Voici l’histoire : Onan avait reçu l’ordre du Patriarche Juda - son père - d’épouser Tamar - sa belle-sœur - qui était devenue veuve sans avoir eu d’enfant, afin de lui donner une descendance. Supposez que votre belle-sœur soit une mocheté ou que son caractère soit hyper-toxique : que faites-vous ? Hé bien, Onan, en présence de la dame, s’est masturbé, montrant ainsi qu’il préférait répandre sa semence sur le sol plutôt que de la féconder : l’onanisme est d’abord le refus de la procréation (1).

Généralisons : on comprend bien que ce refus soit un abominable péché parce que qu’il consiste à désobéir au Seigneur ; mais on ne peut oublier que la revendication d’Onan soit d’abord celle du droit de décider par lui-même d’engendrer ou de ne pas engendrer. Au fond, il s’est trouvé dans la même situation que les femmes qui ont revendiqué le droit à la contraception.

Avec Onan, la première méthode contraceptive de l’histoire humaine apparaît : c’est la masturbation.

(1) Quant à ce qu’il advint d’Onan, sachez que le Seigneur-Dieu l’a occis pour lui avoir désobéi. Mais l’histoire n’est pas finie : Tamar se déguise en prostituée, séduit Juda (= son beau-père) et conçoit ainsi un enfant. Croustillantes les histoires bibliques, hein ? Quand au péché des habitants de Sodome, je vous raconterai ça une autre fois.