Friday, January 30, 2009

Citation du 31 janvier 2009

Un bon politicien est celui qui est capable de prédire l'avenir et qui, par la suite, est également capable d'expliquer pourquoi les choses ne se sont pas passées comme il l'avait prédit.

Winston Churchill

Un bon politicien est celui qui est capable de prédire l'avenir : prédire l’avenir ne serait-ce que pour le hâter ou pour l’empêcher, enfin pour avoir prise sur lui. Et même, plus modestement, comment pourrait-on agir aujourd’hui si l’on ne prévoyait pas ce qui va arriver demain ?

Bien sûr avec la Crise qui secoue notre monde économique et financier, nous avons tous en mémoire les prédictions – prodiguées il y a quelques mois – de nos politiques : la France est protégée par son système bancaire particulier ; la récession s’arrêtera à nos frontières ; les mesures prises par le gouvernement permettront la relance de l’économie ; etc..

Un bon politicien… est également capable d'expliquer pourquoi les choses ne se sont pas passées comme il l'avait prédit. Et ça nous l’avons aussi constaté. Les propos de nos ministres sont devenus beaucoup plus flous à mesure que le temps leur infligeait démentis sur démentis. De combien encore la Crise doit-elle croître ? Combien de chômeurs ? Pour combien de temps ? Quelle conséquences pour la croissance ? Nous ne le savons pas encore, et pour une raison très simple : c’est que l’avenir n’existe pas qu’il sera en partie ce que nous en imaginerons, et que de ce fait les mécanismes les plus contradictoires peuvent s’activer.

Bon, tout ça, nous le savons hélas parfaitement.

LA question est alors, pourquoi nous tournons-nous toujours vers nos politiques comme s’ils savaient eux ce qui va arriver ? Parce que nous ne savons plus à quels saints nous vouer ?

…Tiens, justement, voilà, j’ai la solution : trouvons un dirigeant capable, par ses prières, d’obtenir un destin meilleur pour notre pays.

Au fait, Georges Bush, lui qui a prié pour l’Amérique pendant 8 ans : il parait qu’il est disponible.

Thursday, January 29, 2009

Citation du 30 janvier 2009

Ce qui n'est pas clair n'est pas français ; ce qui n'est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin.

Rivarol – L'Universalité de la langue française (1783) – (1)

On va dire : « Voilà bien l’arrogance française, celle qui nous fait détester de tous les peuples et qui leur donne le désir de nous ridiculiser dès que l’occasion s’en présente. Car quelle prétention que de dire que le français est la langue de la pensée, et que toutes les autres langues sont celles des sentiments confus ? »

On sait que Diderot a écrit sa lettre sur les sourds et les muets (à ne pas confondre bien sûr avec la lettre sur les aveugles) pour intervenir sur cette thèse.

Les enfants à qui on enseigne le latin apprennent à le décoder, à replacer les mots dans un autre ordre, celui du français. L’ordre des mots en français est-il inversé par rapport au latin, ou bien les a-t-il remis dans le bon ordre ? La question est de savoir si l’ordre primordial, « naturel » de la phrase appartient au latin ou au français est déjà ancienne à l’époque du XVIIIème siècle. Il y aurait un ordre naturel, ensemble stable de relations logiques, les « vues de l’esprit » qui relient les idées. C’est un ordre abstrait et universel, dont la formulation dans chaque langue est différente, mais que l’ordre du français reproduit de très près.

En fait, Diderot comme à son habitude, montre que le problème est mal posé.

Il développe deux thèses connexes :

- D’une part le développement du langage est historique, culturel. Il se forme avec la pratique concrète des hommes, et non avec la structure logique universelle de la pensée (qui du reste n’existe probablement pas).

- D’autre part, la pensée est une notion ambiguë, qui ne doit rien à la réalité de l’âme. En tout cas, souligne Diderot, l’état de l’âme à tout moment est plus proche d’une image dont tous les éléments se donnent en même temps, que d’une phrase, ou d’un discours dont les éléments sont articulés.

… Et revoilà le thème du rapport entre la pensée et l’image.


(1) Citation complète :

« Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c'est l'ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit toujours être direct et nécessairement clair. Le français nomme d'abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui est l'action, et enfin l'objet de cette action : voilà la logique naturelle à tous les hommes ; voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet ordre, si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l'objet qui frappe le premier. C'est pourquoi tous les peuples, abandonnant l'ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l'harmonie des mots l'exigeaient ; et l'inversion a prévalu sur la terre, parce que l'homme est plus impérieusement gouverné par les passions que par la raison.

Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l'ordre direct, comme s'il était tout raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu'il existe ; et c'est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l'ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. »

Wednesday, January 28, 2009

Citation du 29 janvier 2009

I would prefer no to.

Melville – Bartleby

Je préférerais pasJ’aimerais mieux pas

Inutile de se torturer les méninges. Cette formule est parfaitement claire en anglais, et Gilles Deleuze en a fait une analyse parfaitement limpide – citée en postface de l’édition de poche (Folio).

Sans revenir donc sur le sens et l’effet de la formule de Bartleby en tant qu’elle subvertit le langage, et au lieu de m’intéresser à cet étrange abandon du Scribe imaginé par Melville (qui pourtant fait la trame dramatique de sa nouvelle), je préfèrerais (I would prefer) m’interroger sur le rejet qu’elle entraîne de la part des gens qui environnent Bartleby.

Car n’est-ce pas, il n’y a drame que parce que les gens ne peuvent supporter cet homme qui reste planté dans son bureau derrière son paravent sans rien faire, rien si ce n’est exister là, en dehors de tout cadre social. Ce scandale est tel que pour finir on va mettre Bartleby en prison avec les voleurs, les vagabonds et les fous. Et qu’il va y mourir d’inanition.

Il faudrait être Michel Foucault pour analyser cette panique que déclenche Bartleby, l’homme sur qui les réseaux de pouvoir qui organisent la vie quotidienne de chacun n’ont pas de prise. Car le biopouvoir commence là, dans la vie quotidienne, avec les normes qui soumettent notre existence à une série de prescription : hygiène, habillement, travail, sociabilité, etc.. Et c’est l’assujettissement à ces pouvoirs qui s’entrelacent dans la réalité sociale la plus ordinaire (car nul besoin de pouvoir institué ici) qui est mis en péril par ce refus de Bartleby de participer aux exigences de la vie quotidienne.

Ce qui est intolérable chez Bartleby, c’est que sa passivité est en fait une résistance au pouvoir, la seule qui soit efficace, plus que la révolte, plus que la violence, plus que la révolution.

Bartleby est un véritable anarchiste.

Tuesday, January 27, 2009

Citation du 28 janvier 2009

Orgueil.

Curiosité n’est que vanité; on ne veut savoir que pour en parler ; autrement on ne voyagerait pas sur la mer pour ne jamais en rien dire et pour le seul plaisir de voir, sans espérance d’en jamais communiquer.

Pascal – Pensées (Fragment 72 ed. Le Guern ; 152 Brg.)

Curiosité n’est que vanité… Même en ajoutant « le plus souvent », on reste avec cette idée que ce n’est pas une disposition bienfaisante de notre nature que de chercher à savoir ce qui nous est caché, à voir qu’il y a au-delà de l’horizon.

Cela, nous le savons depuis que le Seigneur Dieu a défendu à nos ancêtres de manger le fruit de l’arbre de la connaissance.

Toutefois, Pascal délaisse le péché originel. Orgueil et non jouissance de la transgression.

N’apprendre que pour briller en face de ceux qui ne savent pas encore. Ne visiter les îles Sous-le-vent que pour en montrer les photos à ceux qui ne bougent pas du RER…

Mais allons plus loin dans la Pensée de Pascal : la curiosité n’est l’instrument de l’orgueil que par l’intermédiaire de la communication : voir, savoir, pour communiquer.

La cruauté pascalienne est là : frapper le besoin de communication en plein cœur.

Pourquoi parlez-vous ? Pourquoi raconter tout ce que vous savez aux autres ? Par orgueil, pour vous faire admirer. Et même quand ce n’est pas pour montrer ce que vous savez, c’est toujours pour vous montrer que vous parlez, exactement comme avec les bons mots, les accents d’éloquence, les mimiques aguichantes. Orgueil que tout cela.

Et ne lui dites pas que c’est simplement pour partager des émotions, en racontant poétiquement le coucher de soleil dont on ne peut jouir qu’à deux, car il va vous parler de concupiscence.

Voilà : le jansénisme, c’est ça.

Monday, January 26, 2009

Citation du 27 janvier 2009

Signe et image sont les deux grandes voies de la communication entre les hommes à travers l'espace et le temps.

Michel Tournier – Le miroir des idées

Signe et image sont les deux grandes voies de la communication

Encore une de ces idées reçues, qu’il vaudrait mieux examiner avec méfiance plutôt que d’y souscrire sans hésiter, comme quand on dit qu’un petit dessin vaut mieux qu’un long discours…. Car enfin, on le sait bien depuis que la propagande s’en est emparée au XXème siècle : si l’image est une grande voie de communication entre les hommes, elle est aussi un véhicule privilégié de manipulations de tous ordres.

Alors bien sûr le signe écrit aussi est source de manipulation, et la rhétorique (l’art de persuader disait Pascal) est là pour nous le rappeler. Mais elle est plus difficile à dissimuler, ne serait-ce que parce qu’elle doit dire en toutes lettres ce qu’elle insinue. Alors que l’image, n’est-ce pas, elle montre.

L’erreur ici serait de croire que les photos truquées ou les vidéos tronquées sont seules à l’œuvre dans ces manipulations (1).

En fait, ne l’oublions pas, il y a une différence capitale entre le langage et l’image : c’est l’ordre syntagmatique. Entendez que la phrase doit ordonner les mots qui la composent, de façon successive et en les articulant explicitement. Alors que l’image, quant à elle, donne simultanément ses différents composants. Voyez cette affiche (Mai

-68) : on ne perd pas son temps à hiérarchiser les différents médias selon qu’ils nous intoxiquent plus ou moins. Non, ce qui saute aux yeux, c’est que le citoyens est devenu un mouton – ou au moins un animal qui a perdu sa verticalité – et qu’il est prédécoupé, comme l’animal de boucherie, selon des zones investies par la propagande officielle.


(1) Voir notre Citation du 24 janvier dernier



Sunday, January 25, 2009

Citation du 26 janvier 2009

La nudité, c'est pire qu'indécent, c'est bestial ! Le vêtement, c'est l'âme humaine.

Michel Tournier – Le fétichiste, p.309, in Le Coq de bruyère

Le problème, voyez-vous avec ce genre de citations, c’est qu’elles sont piquantes et évidentes. Tant et si bien qu’on les colporte sans trop se demander si on a raison de le faire.

Car enfin, si Tournier a raison, l’âme humaine est :

- visible ;

- interchangeable (on en change comme de chemises) ;

- facultative (elle disparaît avec la nudité)…

Et réciproquement, la nudité c’est :

- l’animal humain, c'est-à-dire un corps sans âme ;

- ce qui prive l’homme de son humanité ;

- s’exhiber sans vêtements c’est une injure faite aux autres.

Nous avions déjà abordé la question du vêtement il y a bientôt trois ans (déjà !), pour conclure qu’il avait juste l’inconvénient de n’exprimer que ce que la mode a retenu comme signe intéressant à manifester. Exit l’âme dans ce qu’elle a de personnel, et bonjour le stéréotype…

Alors, bien sûr tout le monde n’est pas une fashion victime… Il y a tous ceux qui choisissent leur habillement pour exprimer ce qu’ils veulent faire apparaître d’eux-mêmes. Leur vêtement est un discours, une déclaration concernant ce qu’ils sont.

Mais vous n’empêcherez pas les gens de la rue de décoder votre tenue d’abord en fonction de l’écart qui la sépare de la tenue à la mode.

Car le vêtement est un signe, et le signe fonctionne à partir des autres signes qui auraient pu figurer à sa place. Le petit chandail en cachemire à la place du pull à col cheminée de chauffeur poids lourds.

Dans la langue, tout n’est que différence, disait Saussure. Dans la mode aussi.

Saturday, January 24, 2009

Citation du 25 janvier 2009

La prison n'est qu'un reflet démesurément grandi de la société qui produit ceux qu'elle incarcère.

Hubert Bonaldi (Directeur de la prison de la Santé) – D'une prison l'autre (1977)

1 – la société … produit ceux qu'elle incarcère.

Nous avons déjà évoqué les théories de Lombroso (1), pour qui, les criminels sont soit un produit de la nature (tares héréditaires), soit un produit de la société (misère, défaut d’éducation, etc.).

Je ne reviens pas là-dessus, sauf pour dire que Lombroso c’était le 19ème siècle, et que monsieur Bonaldi c’est le 20ème finissant.

2 – La prison n'est qu'un reflet démesurément grandi de la société

Vérifions ce propos grâce aux statistiques des prisons (à consulter ici)

3,7% des personnes incarcérées sont des femmes. Donc il y a en prison 96,3% d’hommes.

Si monsieur Bonaldi ne déraisonne pas (et pourquoi le ferait-il ?), il faudrait donc mettre en place un correctif qui explique pourquoi il y a tant d’hommes en prison – ou alors, pourquoi il n’y a pas plus de femmes ? Car n’est-ce pas, la société qui se reflète sur la prison doit bien comporter autant d’hommes que de femmes – autant et pas plus.

Il faut donc admettre qu’il y a d’autres éléments qui vont jouer le rôle de correctif de déformer l’image – ou plutôt apporter une autre image.

Alors, quels sont ces éléments ? Au choix :

- les hommes sont génétiquement déterminés au passage à l’acte violent.

- les femmes ne sont par tant que ça moins délinquantes, en revanche elles sont moins facilement condamnées à la prison parce qu’elles ont charge d’enfant.

Voilà qui est rassurant, n’est-ce pas ? Nous l’avons notre explication rationnelle. Mais attention : en même temps, nous avons aussi la certitude qu’on n’est pas près de vider les prisons des hommes – et de rencontrer sans danger des femmes.


(1) Citations du 18 décembre 2006 et 30 septembre 2007.

Friday, January 23, 2009

Citation du 24 janvier 2009

Nous sommes dans un siècle de l'image. Pour le bien comme pour le mal, nous subissons plus que jamais l'action de l'image.

Gaston Bachelard

Je n’ai pas la référence de cette citation, mais je suppose qu’elle vient d’un des ouvrages que Bachelard a consacrés à l’imaginaire et qu’elle doit donc être à peu près contemporaine de cette photo du ghetto de Varsovie.

Notre époque plus encore que toutes celles qui l’ont précédée sait que le potentiel émotionnel de l’image est énorme, et comment en serait-il autrement ? Toute fois, quand Bachelard dit que l'action de l'image peut être un mal autant qu’un bien, nous sursautons.

Ce pauvre enfant, menacé par l’arme du soldat allemand, qui lève les mains, comme s’il représentait un danger pour ces hommes casqués et armés, quelle horrible dérision…

Toutefois, sachons aussi reconnaître que l’image, en ne disant pas tout, peut dire quand même quelque chose, quelque chose d’autre que la stricte réalité.

Car voici maintenant la photo que le reporter a prise ce jour là :

certes, les éléments déjà en place ne changent pas. Ce qui change c’est le contexte. On est visiblement dans une phase d’évacuation du ghetto, le petit garçon au premier plan n’est plus spécialement visé, il est menacé, oui, mais au même titre que tous les autres malheureux juifs expulsés.

Est-ce moins horrible ? Non, hélas. Mais ça dit quand même autre chose que ce que nous avions cru comprendre.

En général, les photos de reportage sont assez explicites pour ne pas représenter une manipulation de la réalité. Pourtant rappelons nous que s’il y a un champ de l’image, il y a aussi un hors-champ.

Thursday, January 22, 2009

Citation du 23 janvier 2009

Il devrait être bien clair aujourd'hui qu'on n'expliquera pas l'univers dans tous ses détails par une seule formule ou par une seule théorie. Et pourtant le cerveau humain a un tel besoin d'unité et de cohérence que toute théorie de quelque importance risque d'être utilisée de manière abusive et de déraper vers le mythe.

François Jacob – Le jeu des possibles

A-t-on renoncé à découvrir la formule (équation ou autre) qui serait l’ultime aboutissement de la science, celle dont on pourrait déduire toutes les lois de l’univers ?

François Jacob affirme à la fois qu’une telle formule ne peut pas exister et en même temps qu’il est dans la nature du cerveau humain de la rechercher inlassablement, ce qui n’est pas grave, et de croire l’avoir découverte, ce qui l’est beaucoup plus.

Car c’est cette pseudo unité qui a conduit à plier la science aux exigences de la foi (exemple : condamnation de Galilée), à rejeter les théories scientifiques naissantes au nom de théories scientifiques antérieurement admises (exemple : polémique sur l’existence des atomes).

Tout cela est bien connu, mais peut-être n’a-t-on pas encore été à l’essentiel sur ce sujet. Car, ce qui est en jeu, c’est un besoin supposé lié à l’esprit humain d’unité et de cohérence.

Cela Kant l’a dit depuis longtemps et beaucoup mieux que je ne saurais le faire. Mais ce que nous savons aujourd’hui, Kant ne pouvait pas le savoir : c’est que la science elle-même mettrait en pièces ce besoin d’unité, et qu’elle ne pourrait dans son progrès que piétiner nos interrogations et semer de nouvelles incompréhensions.

Nous savons par exemple qu’un corps accéléré uniformément ne dépassera jamais la vitesse de la lumière, que la nature de celle-ci est d’être à la fois ondulatoire et corpusculaire, et qu’on ne peut connaître les composants ultimes de la matière qu’à condition de les supposer dans un espace à n dimensions, où n est supérieur à 3 – voire même à 4. Comment notre rationalité peut-elle raisonner avec ça ? Les physiciens sont si habitués à cette situation qu’ils disent que lorsqu’ils trouvent dans leurs expériences de résultats incompréhensibles, alors ils commencent à s’y intéresser.

Pourtant… Voyez les efforts qu’on fait pour « réconcilier » la physique relativiste (celle des phénomènes cosmiques) et la physique quantique (celle des corpuscules) : il ne peut y avoir deux natures, donc il doit n’y avoir qu’une physique.

Allons-nous déboucher sur un nouveau mythe ?

Wednesday, January 21, 2009

Citation du 22 janvier 2009

Le chef c'est celui qui peut prendre la dernière goutte de café sans avoir à en refaire.

Scott Adams – Le Principe de Dilbert

Un Dilbert pouvant en cacher un autre, nous revenons à la charge aujourd’hui.

Qu’est-ce qu’un chef ?

Le Boss de Dilbert est là pour nous répondre : c’est celui qui ne fait pas le café.

Et ne croyez pas, esprit superficiel, que ce soit par égoïsme, et parce qu’il ne pense jamais aux autres.

Non. Le chef est simplement celui qui a quelqu’un pour faire son café. D’ailleurs si vous trouvez, dans une série télé, un personnage qui de son bureau commande qu’on lui apporte le café, vous savez que c’est le Boss. Et si vous trouvez un personnage (belle jeune femme de préférence) qui apporte le café, vous savez que c’est la secrétaire.

Le café est donc le signe d’une position hiérarchique dans l’entreprise, comme l’épouillage dans la bande de singes, ou la hiérarchie des coups de becs dans le poulailler (1).

Ceci admis, ce qui est intéressant, c’est de débusquer d’autres signes de position dominante.

Je suppose que chacun aura plaisir à trouver les siens dans sa propre entreprise (ou administration…). Les plus ordinaires étant la surface du bureau ou la place de parking réservée, à moins que ce soit le tour de poitrine de la secrétaire – ou de la stagiaire… (2)

Une anecdote pour finir. Edgar Faure fut ministre des finances il y a longtemps. Il racontait que dans les années 50 il avait connu Giscard d’Estaing alors jeune débutant aux dents longues.

- Oui, disait-il, Giscard était stagiaire dans mon cabinet. Je lui demandais régulièrement de m’apporter mon chapeau.

Le chapeau : un autre signe de position dominante.


(1) Sur le « pecking order », voir citation du 6 mars 2007, note 2

(2) Avouez que ce détail était tentant, surtout après l’exemple de position dominante donné par Bill Clinton.

Tuesday, January 20, 2009

Citation du 21 janvier 2009

Vous ne croyez pas qu’il y a trop de mammifères gras et inutiles sur cette terre ?

Scott Adams – Dilbert

Tous ceux qui travaillent en entreprise le savent : avec le Boss, une pensée profonde peut en cacher une autre.

Vérification :

1 – A quoi bon sauver les baleines ? Nous sont-elles d’une utilité quelconque ? D’ailleurs, si des espèces ont disparu de la surface de la terre sans même qu’on le sache, c’est bien qu’elles ne nous servaient à rien.

En fait, si les baleines servaient à quelque chose, ce serait à titre d’animaux domestiques, capables de jouer les chiens de garde. Et qu’on ne nous parle pas des baleines de corset, ni du blanc qui sert aux cosmétiques. Pouah !

Le seul intérêt de la baleine est d’avoir permis à Melville d’écrire Moby Dick (1)

2 – Mais en plus, le Boss est aristotélicien, il sait qu’il n’y a de science que du général.

Généralisons donc : si la baleine est un mammifère gras et inutile, alors, beaucoup de mammifères gras sont inutiles.

Si le Boss est un mammifère gras, cela veut-il dire qu’il est aussi inutile ?

Demandez à Dilbert, il doit savoir, lui.


(1) Et encore : c’était un cachalot.

Monday, January 19, 2009

Citation du 20 janvier 2009

Les mots que le serpent a glissés dans l’oreille d’Eve sont la vérité, toute la vérité et rien que la vérité au sujet des êtres humains : ils aiment la bonne bouffe et ils adorent transgresser la loi.

Nancy Huston – Instruments des ténèbres. p. 28

On-ne-nous-dit-pas-tout !

Tenez, à propos du serpent et d’Eve : dans la Genèse, le serpent se borne à promettre à Eve le bonheur par la connaissance du Bien et du Mal. Jamais il ne nous est dit qu’il lui apprit que c’est dans la nature humaine de transgresser la loi. Car, s’il a bien dit ça, Eve n’est plus aussi coupable : c’est la nature humaine qui a agi à travers elle, non son libre arbitre.

Alors, vous allez me dire que Nancy Houston, elle dit ce qu’elle veut, mais que sa parole, ce n’est pas parole d’évangile. Soit.

Laissons tomber le serpent (1) alors, mais gardons l’affirmation que les êtres humains …ils adorent transgresser la loi.

Ça, ce n’est pas un scoop. Déjà, il y a bien longtemps, Durkheim le disait : statistiquement, il y aura toujours des hommes qui voudront transgresser la loi. Et c’est pour cela qu’il faudra toujours des lois répressives, et des sanctions pour bien montrer ce qui est défendu. Car – et c’est là que l’analogie avec la bible est la plus évidente – la désobéissance est une force corrosive dans la société, elle sème l’anomie partout où elle est tolérée.

La permissivité n’est pas une vertu sociale, c’est une faiblesse, c’est le résultat d’un affaiblissement de la société, qui à son tour, produit un délitement du lien social.

Voilà donc le message de Durkheim : ce qui fait la force de la société ne peut que s’affirmer contre les tendances des individus. La répression fait partie de la société, comme ce qui la rend possible, tout simplement.

Freud a dit la même chose à peu près au même moment.

Et puis Rousseau : L’homme est né libre et partout il est dans les fers, (Contrat social)

Il semblerait qu’il ne faille pas le regretter ?



(1) D’ailleurs même pas sûr que ce soit un serpent : voyez comment la cathédrale de Reims le représente.





Sunday, January 18, 2009

Citation du 19 janvier 2009

Cependant tous les fripons criaient avec impudence : Bon Dieux ! accordez-nous seulement la probité.

[…] Jupiter, indigné de ces prières, jura enfin que cette troupe criailleuse serait délivrée de la fraude dont elle se plaignait.

Mandeville – La fable des abeilles – ou: vices privés, vertus publiques (Fable of the Bees: or, Private Vices, Publick Benefits. publiée entre 1714 et 1723)

Comment ne pas s’étonner que notre époque, agitée par les friponneries de Jérôme Kerviel et de Bernard Madoff n’ait pas érigé une statue à Mandeville pour le remercier de nous donner confiance en l’avenir ? Car une civilisation, qui permet de telles escroqueries, est à coup sûr fertile en progrès et en richesses pour tous ses sujets.

La citation du jour qui avait il y a deux ans maintenant (1) évoqué la Fable des abeilles, ne peut que revenir sur cette référence pour rafraîchir des mémoires bien fatiguées.

Tenons-nous en à l’essentiel de la fable : ce sont les vices des individus qui stimulent les activités porteuses de bien être pour tous. Ces vices sont la filouterie, l’injustice et l’inégalité, la rapacité et … on perdrait son temps à tous les énumérer. Le mieux est de se reporter au texte déjà référencé.

Rappelons aussi que Jupiter ayant miraculeusement rendu la vertu aux abeilles vicieuses, la ruche périclita rapidement et l’essaim s’éparpilla.

Nous n’en sommes heureusement pas là : aucun Dieu ne transformera nos financiers en philanthropes, aucun système d’évaluation et de contrôle ne sera jamais incorruptible, et donc les escrocs et les tricheurs n’ont pas fini de fertiliser l’économie.

Faut-il aussi rappeler que la Fable des abeilles a été un scandale peu commun au XVIIIème siècle ? Que ce texte a été un véritable repoussoir, décrié de tous ?

En tout cas il est intéressant de se demander si aujourd’hui nous sommes plus lucides que les critiques qui en son siècle vouaient Mandeville aux Gémonies.

Admettons que la richesse et la vertu ne font pas bon ménage – même aujourd’hui ! (2)

En tout cas, méfions-nous des pères-la-vertu qui prétendent moraliser le capitalisme : il a besoin du vice pour prospérer – et pour nous faire prospérer !


(1) Citation du 18 mars 2007

(2) Si vous êtes d’accord pour souscrire à cette conclusion, pourriez-vous nous dire quels sont les vices qui aujourd’hui peuvent contribuer au développement économique ?

Saturday, January 17, 2009

Citation du 18 janvier 2009

Ces mains qui fermeront mes yeux et ouvriront mes armoires.

Sacha Guitry

Je ne sais pas de quel ton Sacha Guitry prononça cette phrase. On peut supposer que ce fut avec une nuance désabusée : notre mort ne laissera pas que des éplorés ; elle laissera aussi des héritiers.

La pensée de ce démembrement des biens accumulés pendant toute l’existence est parfois un chagrin qui s’ajoute à celui de ne plus voir le jour.

Autrefois, tous les biens n’étaient pas forcément transmissibles. Les biens de mainmorte (en particulière ceux des congrégations), avaient un possesseur perpétuel : la congrégation, justement. Les terres mainmortables ne sont pas transmissibles aux descendants de ceux qui les ont valorisées par leur travail (voir ici).

Aujourd’hui, il en va autrement :

- Il y a ceux qui disposent selon un testament détaillé la façon dont leurs biens doivent être répartis.

- Il y a ceux qui préfèrent ne pas y penser et qui laissent leurs armoires ouvertes à tout vent.

- Il y a ceux qui préfèrent tout bazarder à l’avance, comme Alain Delon qui vend sa collection de tableaux en disant qu’il ne souhaite pas la laisser à ses héritiers.

- Il y a ceux qui font des dons à l’Etat, aux associations caritatives, etc…

Mais n’oublions tout de même pas l’exemple que nous laisse le moyen âge : celui de il y a Guillaume le Maréchal, chevalier du XIIème siècle dont Georges Duby nous raconte la vie. Avant de mourir et selon la coutume, Guillaume donne tous ses biens à ses proches, et à ceux qu’il veut favoriser. Tous ses bien entendez : y compris les vêtements. Il doit – c’est la coutume – partir vers l’autre monde comme il en est venu : tout nu.

Voilà une bonne perspective, issue de la sagesse médiévale : tant que vous le pouvez, manger, buvez, liquidez tout votre bien. Donnez tant qu’il vous plaira – même si ça déplait aux aspirant héritiers, comme avec la famille de Liliane Bétancourt (de l’Oréal).

Un linceul n’a pas de poches… (1)


(1) No pockets in a shroud de Horace Mac Coy (et film de J-P Mocky)

Friday, January 16, 2009

Citation du 17 janvier 2009


Dans le corps humain, les membres malgré leur diversité s'adaptent merveilleusement l'un à l'autre, de façon à former un tout exactement proportionné et que l'on pourrait appeler symétrique. Ainsi, dans la société, les deux classes sont destinées par la nature à s'unir harmonieusement dans un parfait équilibre. Elles ont un impérieux besoin l'une de l'autre : il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital. La concorde engendre l'ordre et la beauté. Au contraire, d'un conflit perpétuel il ne peut résulter que la confusion des luttes sauvages. Or, pour dirimer ce conflit et couper le mal dans sa racine, les institutions chrétiennes ont à leur disposition des moyens admirables et variés.

Rerum novarum – Lettre encyclique de sa Sainteté le Pape Léon XIII (1891)

Que n’a-t-on dit des atrocités sociales tolérées par le Vatican, oubliant Léon XIII sa célèbre encyclique Rerum novarum ? La doctrine sociale de l’Eglise qui y est affirmée a pourtant inspiré le Vatican suffisamment pour que Jean-Paul II la reprenne en 1991 pour son centenaire (2)

Voyez plutôt :

1 – La concorde entre prolétaires et capitalistes y est célébrée comme un objectif supérieur.

2 – Le travail – et donc le travailleur – sont indispensables au capital, ce qui donne à entendre que l’usure et la finance ne sont pas des façons chrétiennes de s’enrichir.

3 – Et si le Pape dit que les institutions chrétiennes ont à leur disposition des moyens admirables et variés de résoudre les conflits sociaux, on peut supposer qu’en font partie et le partage des richesses, et l’amour du prochain.

Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ?

Pour le lecteur de Marx, ce qui manque au texte de l’Encyclique de Léon XIII (et on en dirait de même de celle de Jean-Paul II) c’est la reconnaissance des mécanismes qui agissent sur les hommes. L’économie de marché – car c’est bien d’elle qu’il s’agit – a pour propriété d’opposer les hommes les uns aux autres, et de les réduire à n’être que des forces économiques. Quel est le juste prix du travail et de son produit ? Qu’est-ce qui fonde la propriété ? Quelle est l’origine du profit ?

Toutefois :

Voyez par exemple cette dernière question. L’Encyclique de 1991 reprenant explicitement celle de Léon XIII, affirme tranquillement que c’est l’homme lui-même – en non la terre, et non le capital – qui est la source de la richesse. Ce qui veut dire que non seulement l’économie réelle doit passer avant l’économie virtuelle, mais aussi que les chrétiens considèrent l’économie comme un système dont la raison d’être est d’aider au développement moral de l’homme.

Reste que, en publiant son Encyclique en 1991, Jean-Paul II est tout à la victoire sur le communisme et il pense que les pays du Tiers-monde ont encore la possibilité d’explorer une Troisième voie (Cf.IV - § 42). Qu’en diraient aujourd’hui la Chine et l’Inde ? Y a-t-il encore une place dans le monde pour le « modèle » chrétien ?

L’Afrique peut-être ?


(1) Dirimer (mot du jour) : trancher, supprimer

(2) Encyclique Centesimus annus

Thursday, January 15, 2009

Citation du 16 janvier 2009

Je ne puis pardonner à Descartes : il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu ; mais il n'a pu s'empêcher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement ; après cela, il n'a plus que faire de Dieu.

Blaise Pascal – Pensées

1 – Pascal est bien injuste avec Descartes : lui, qui prend grand soin de dire que Dieu produit le monde et moi même à chaque instant par le même acte par le quel il l’avait créé au premier jour. Car, voici ce qu’écrit justement Descartes :

[…] tout le temps de ma vie peut être divisé en une infinité de parties, chacune desquelles ne dépend en aucune façon des autres; et ainsi de ce qu'un peu auparavant j'ai été, il ne s'ensuit pas que je doive maintenant être, si ce n'est qu'en ce moment quelque cause me produise et me crée, pour ainsi dire derechef c'est-à-dire me conserve.(1)

A l’instant même où je trace ces lignes, Dieu est là, derrière moi ( ?) qui me recrée tel que j’étais au moment où j’ai commencé à les écrire.

2 – Par contre, c’est plutôt l’opinion de Buridan que brocarde Pascal :

Dieu a imprimé dans les corps célestes des impetus qui à leur tour les meuvent sans qu’il lui faille intervenir sinon sur le mode de l’influence générale qui le fait coopérateur de toute action, en sorte qu’au septième jour il a pu se reposer c'est-à-dire cesser toute action visible et remettre les unes aux autres ces actions et passions… » (2)

3 – Sauf erreur (et on voudra bien me la signaler), Pascal critique la physique de Descartes (qu’on peut bien appeler sa philosophie, mais non toute sa philosophie) : une chose est de dire comment fonctionne le monde et alors l’action de Dieu peut être omise, puisqu’il a créé les lois de la nature et qu’ordinairement, il ne fait pas de miracle (3). Une autre chose est de dire comment il se fait que le monde matériel qui n’a pu se créer soi-même peut continuer d’exister.

On pourrait dire que l’inertie n’est pas un principe ontologique, mais seulement une propriété mécanique.


(1) 3ème méditation métaphysique. On a aussi évoqué cette question il y a peu ici même.

(2) Buridan – Questions sur le livre huitième de la physique. (Non, Buridan n’a pas fait que contempler son âne crever de faim et de soif.)

(3) Ou plutôt, il s’abstient d’en faire, encore qu’il le puisse, parce que les lois du monde étant sa création, il n’a sans doute pas de raison d’aller à leur encontre.

Wednesday, January 14, 2009

Citation du 15 janvier 2009

Une Israélite :

Tout Israël périt. Pleurez, mes tristes yeux. / Il ne fut jamais sous les cieux / Un si juste sujet de larmes.

[…]

Quel carnage de toutes parts ! / On égorge à la fois les enfants, les vieillards, / Et la soeur et le frère, / Et la fille et la mère, / Le fils dans les bras de son père. / Que de corps entassés ! Que de membres épars, / Privés de sépulture ! / Grand Dieu ! tes saints sont la pâture / Des tigres et des léopards.

Jean Racine Esther, acte I, scène 5 vers 367-370, et 386-394

En ces tristes temps de guerre et de massacres, peut-être faudrait-il laisser de côté la presse et les medias de toute sorte, et revenir vers nos classiques.

… Racine décrit dans Esther un épisode relaté dans la Bible, où la diaspora juive est menacée de massacre par le roi de Perse, conseillé par le perfide Haman. Esther, une jeune juive qui avait séduit le roi incognito révèle ses origines et obtiendra in fine la grâce de son peuple.

C’est ce massacre qui est imaginé par l’Israélite de la scène 5, citée ici.

Déjà, De Gaulle avait fait scandale en parlant du peuple israélien comme d’un peuple sûr de lui et dominateur. La guerre menée par Israël contre le Hamas est elle aussi source de trouble, comme les autres guerres qui l’ont précédées : c’est que, dans la culture judéo-chrétienne, la place de la victime, de l’innocente brebis promise au sacrifice, est occupée par le peuple juif. Quand la shoah a été révélée, c’est cette tradition qui est revenue en force : décidément, le peuple juif est un peuple soumis à une menace permanente de mort. Les prophéties de l’Ancien Testament sont toujours d’actualité.

Bref : le trouble vient lorsque la brebis se fait louve, quand le peuple victime devient celui qui massacre les petits enfants. Quand dans les rues on défile derrière une pancarte où est écrit : « Gaza=Auschwitz », la simple idée qui est ainsi évoquée nous transit d'horreur. Mais si on avait écrit : « Hamas=Hitler », ça n’aurait peut-être pas scandalisé tout le monde. Pourquoi ? Parce que le plus horrible, c’est quand le peuple de victimes est celui qui devient le bourreau.(1)

Que les victimes qui savent ce que c’est qu’un carnage subi, quand on a égorgé à la fois leurs enfants, et leurs vieillards, quand on a vu tous leurs corps entassés, alors on ne peut être soi même celui qui égorge et qui massacre.


(1) Oui, je sais bien que les Palestiniens sont aussi des victimes... Mais ce qui choque dans cette guerre, pour ceux qui défilent contre la guerre menée par Israël, c'est de défiler pour le Hamas.

Tuesday, January 13, 2009

Citation du 14 janvier 2009

[Quand on a de l’argent] Les occasions d'exister se voient réduites en proportion de l'augmentation de ce qu'on appelle les moyens. Lorsqu'on est devenu riche, le mieux qu'on puisse faire pour se cultiver consiste à persévérer dans les projets qu'on entretenait au temps de la pauvreté. (1)

Henry D. Thoreau – Résistance au gouvernement civil (1848)

Lorsqu'on est devenu riche, le mieux qu'on puisse faire pour se cultiver consiste à persévérer dans les projets qu'on entretenait au temps de la pauvreté.

La question que chacun rêve d’avoir à se poser est : « Que vais-je faire de tout l’argent que je viens de gagner au Loto ? »

Chacun a sa petite idée, le problème étant de savoir seulement si on voit trop petit ou trop grand. Va-t-il en rester, ou alors va-t-on se ruiner ?

Mais jamais on ne se pose la question de savoir si tout cet argent va changer quelque chose à notre vie, ou plutôt ceux qui décident de ne rien changer ne se la posent apparemment pas, comme si d’évidence rien ne devait en modifier le cours.

Henry David Thoreau (1) lui, se la pose. L’argent dit-il nous fait oublier les questions essentielles et nous oblige à répondre à des questions superflues.

Les moralistes grincheux qui serinent que l’argent ne fait pas le bonheur, qu’on ferait plus facilement passer un chameau par le chas d’une aiguille qu’un riche par la porte du Paradis, etc… devraient en prendre de la graine s’ils voulaient être vraiment édifiants : ce que nous aimons dans l’argent, quand nous aimons en avoir beaucoup, c’est qu’il nous fait oublier le difficile essentiel.

Néanmoins, ces moralistes n’ont pas tout à fait tort : car l’essentiel n’est qu’oublié, il ne disparaît pas. Il est simplement recouvert par des occupations futiles.

Alors, c’est quoi cet essentiel ?

Thoreau le dit sans ambages : ce sont les occasions d’exister (Les occasions d'exister se voient réduites en proportion de l'augmentation de ce qu'on appelle les moyens).

Les occasions d’exister sont celles qui ne s’achètent pas, qui donc dépendent de la volonté ou des sentiments des autres, et de ce que nous sommes capables de produire nous-mêmes – par nous-mêmes.

Persévérer dans ses projets du temps de la pauvreté : oui, c’est bien ça.


(1) Citation complète : « L'argent étouffe bon nombre de questions auxquelles, le cas échéant, on serait bien obligé de répondre, tandis qu'il ne soulève qu'une seule interrogation nouvelle, difficile et superflue, celle de savoir comment on va le dépenser. De cette façon, le fondement moral s'effondre sous nos pieds. Les occasions d'exister se voient réduites en proportion de l'augmentation de ce qu'on appelle les moyens. Lorsqu'on est devenu riche, le mieux qu'on puisse faire pour se cultiver consiste à persévérer dans les projets qu'on entretenait au temps de la pauvreté. »

Monday, January 12, 2009

Citation du 13 janvier 2008


Je n'comprends pas qu'on se démanche / Quand on a tant besoin d'repos / Y en a qui travaillent le dimanche / Oh, alors là, j'leur lève mon chapeau

Ma pomme 1936 – Chanté par Maurice Chevalier

L’immortel zonard incarné par Maurice Chevalier pousse l’immoralité jusqu’à dénigrer le travail, prenant comme exemple d’acharnement le travail du dimanche. Ce triste personnage picole, ne paye pas ses dettes et abandonne les femmes qu’il a séduites. Et de plus il ne travaille pas, il n’a jamais travaillé et il n’a surtout pas l’intention de commencer.

Mais que personne ne s’étonne : cette chanson est datée : 1936 ! C’est là l’effet du Front populaire, de la semaine de 40 heures, de 15 jours de congés payés, bref : c’est la démoralisation du peuple par la dévalorisation du travail.

Qu’on se souvienne qu’on a tout, absolument tout reproché au Front populaire : jusqu’à la débâcle de 1940 !

Ne croyons pas que le spasme qui a saisi la France de droite en 1936 devant l’arrogance populaire (incarnée ici par Maurice Chevalier) ait fini de produire ses secousses.

Si vous ne me croyez pas, voyez ceci.

Car quand les conseillers de Notre-Président ont glissé dans sa campagne électorale des attaques sournoises contre Mai-68, ce n’était qu’on rideau de fumée. En réalité, ce qui était attaqué, ce sont les idéaux du Front populaire.

Et peut-être aussi ses acquis…

Sunday, January 11, 2009

Citation du 12 janvier 2009

Agnosticisme :

Le fait que le pourquoi se pose en moi, n'implique pas l'existence d'un parce que qui me soit accessible.

Félix Le Dantec – L'athéisme

Le fait que nous ayons des questions sans réponses ne prouve pas que les questions ne doivent pas être posées.

Mais cet agnosticisme ne prouve pas non plus que nous ayons à nous poser des questions insolubles : il ne porte que sur le degré de la certitude de la réponse.

Les athées rencontrent souvent des gens qui leur disent : si Dieu n’existe pas, dites moi s’il vous plaît comment vous expliquez tout ce qui existe, le ciel et les étoiles, l’océan et la terre, les petites fleurs et les animaux – et vous-même ?

Bien entendu ces gens-là n’ont pas vraiment réfléchi : ils vous questionnent sur le comment (à propos du quel la science justement à des réponses) et non sur le pourquoi qui seul aurait de la consistance : dites-moi pourquoi il y a un univers plutôt que rien, et pourquoi vous existez – et quel est le sens de votre vie ?

Rappelons que depuis bien ses siècles, en particulier depuis Auguste Comte, la philosophie a appris qu’il y avait des questions qui n’ont pas de consistance, des questions qu’on peut verbalement poser, mais qui n’impliquent aucune réponse – entendez, non pas que les réponses sont inaccessibles à notre entendement, mais tout simplement qu’elles n’existent pas.

Cette idée qu’il y a des questions qu’on ne doit pas poser, non pas parce qu’elles sont indiscrètes, ni parce qu’elles nous dépassent, mais bien parce qu’elles ne se posent pas, est vraiment une idée qu’on a du mal à assimiler.

Kant reprochait à ceux qui posaient de pareilles questions « de donner ainsi le spectacle ridicule de deux hommes dont l'un (comme disaient les anciens) trait le bouc pendant que l'autre présente un tamis » (1)

Voilà qui aurait pu être la Citation du jour…


(1) Kant - Critique de la raison pure. 2ème partie, Logique transcendantale, III

Il est vrai que Kant se rattrape en faisant de l’existence de Dieu un postulat de la raison pratique, qui est une hypothèse (et non un dogme) validant la vie morale. Autrement dit, nous avons une réponse même là où nous ne devons pas poser de question.

Saturday, January 10, 2009

Citation du 11 janvier 2009

J’ai zoné dans les bordels de l’absolu.

Vain / Cœur / Vain / Cul

Miss.Tic – Je prête à rire Mais je donne à penser (Recueil d’aphorismes) – Grasset

Aujourd’hui, La Citation du jour vous offre la possibilité de fabriquer vous-même un joli et impertinent pochoir de Miss.Tic.

Voici comment :

1 – Procurez vous son dernier livre (référence ci-dessus) qui contient ses aphorismes édités sans les pochoirs dans un ouvrage qui est une anthologie de ses textes…

Ça donne ça :











2 – Reportez-vous au site du Miss.Tic Fanclub, où Henri Kaufman vous propose une galerie de portraits issue des tableaux de la Miss (il s’agit dans l’illustration ci-contre d’un échantillon – voyez le reste ici).

--> Vous avez compris, bien sûr : ce qu’on vous offre c’est de pouvoir monter vous-même les pochoirs en appareillant selon votre goût, les aphorismes qui vous plaisent avec les portraits de miss qui vous séduisent.

C’est Miss.Tic en kit (1).

Pour ceux qui seraient tentés par d’autres utilisations, rappelons qu’il est possible d’articuler (comme nous l’avons fait ici) ces portraits pour leur faire raconter une histoire nouvelle : rien que des bulles à inventer.

Pour ceux qui s’intéresseraient exclusivement au livre il y a aussi à faire. L’aphorisme imprimé sur chaque page peut s’articuler avec celui de n’importe quelle autre page, comme il nous est suggéré dans le montage proposé par l’éditeur : ici que les bordels de l’absolu aillent avec les cœurs, les culs – à moins que ce ne soit avec les vainqueurs et les vaincus

Et donc, si l’ordre qui vous est proposé vous lasse, changez le, désossez les pages recomposez l’ouvrage, selon votre fantaisie, à moins de laisser le hasard en décider : qu’on imagine alors que chaque page est comme une gaufrette à texte de notre enfance.

Oui, rappelez-vous les fous rires quand, avec nos petits camarades nous les mangions après les avoir assortis de façon à leur faire dire des choses très compromettantes. Hé bien ici, c’est pareil avec les aphorismes de Miss.Tic.

Merci, Miss.Tic


(1) Miss.Tic-en-kit : à répéter 10 fois très vite le matin au réveil pour se dérouiller la glotte.

Friday, January 09, 2009

Citation du 10 janvier 2009

Il n'y aurait de capitaine s'il n'y avait de laboureur.

Calderon L'alcade de Zalamea

Au commencement était le laboureur, non le soldat. On peut en déduire que le laboureur est nécessaire au soldat, alors que l’inverse n’est pas vrai…

Mais on peut aussi retrouver à partir de là la mythe du soldat-laboureur, celui qui de Cincinnatus à Chauvin nous fournit la synthèse des deux vertus qui construisent les Nations : l’art de nourrir et celui de tuer.

Car, n’en déplaise à Verlaine pour qui le soldat laboureur est un ancien grognard reconverti dans la culture et qui ennuie tout le monde avec le récit de ses exploits guerriers, le brave soldat Chauvin qui était un humble laboureur (il n’a d’ailleurs pas existé réellement, mais son nom est bel et bien à l’origine du chauvinisme), est le modèle du paysan qui est prêt à abandonner la charrue pour défendre la Patrie.

Qu’on se rappelle que c’est précisément lui, Chauvin, qui a donné le nom de chauvinisme. Ce n’est pas par hasard : le cultivateur incarne les vertus patriotiques, car c’est lui qui par son travail nourrit le peuple. Mais c’est aussi lui qui incarne l’idéal de l’armée populaire, celle qui se lève des sillons de la charrue pour chasser les hordes barbares (oui, celles qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils nos compagnes).

C’est en 1939 qu’on trouve cette illustration de l’Armée d’Alsace.

Le Maréchal n’est plus très loin…