Tuesday, July 31, 2012

Citation du 1er août 2012


Qu'est-ce "être obstiné" ? - Le chemin le plus court n'est pas le plus droit, mais celui sur lequel le vent le plus favorable gonfle notre voile : c'est ce qu'enseignent les règles de la navigation. Ne pas leur obéir, c'est être obstiné : la fermeté de caractère est ici gâtée par la bêtise.
Nietzsche – Humain, trop humain.
Errare humanum est, perseverare diabolicum.
Locution latine (attribuée à Sénèque)

Hier nous faisions l’éloge de la persévérance, soulignant toutefois qu’il fallait que ce ne soit pas la persévérance dans l’échec. Nous aurions aussi bien pu citer l’adage latin : quoiqu’il ne semble pas que le Diable soit à l’affut de nos erreurs, on sait quand même que l’Eglise condamnait les « relaps » aux galères ou à la mort.
Il faut donc dire que chaque erreur devrait être l’occasion d’une réorientation afin d’échapper à sa réitération, ce qui fait qu’échouer a un aspect positif.
La question maintenant est : où passe la frontière entre la juste persévérance et l’obstination bornée ? La citation de Nietzsche nous fournit une réponse : alors que cette dernière réédite bêtement ses erreurs, apprenons qu’il faut suivre le vent et les courants comme le marin avisé qui sait qu’on le lutte pas avec les forces de la nature, mais que, les faisant jouer l’une contre l’autre, ou l’une après l’autre, on parvient à remonter le courant ou à progresser vent debout.
L’échec dans ce cas est l’occasion de tester les résistances de la nature, un peu comme au combat quand on envoie des éclaireurs sur le front pour observer d’où part la mitraille qui va les faucher (1). Dans la vie courante, l’échec n’est pas si dramatique, mais il ne sera une occasion de progrès – et donc de succès – que si nous en profitons pour faire l’examen de nos faiblesses.
Encore un mot : nous sortons de 5 années de « pragmatisme politique » - du moins avons-nous voulu en sortir. A mon avis, c’est déjà une preuve de sagesse. Alors, si nous échouons, prochaine tentative en 2017.
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(1) Dans le film Indigènes on se rappelle que ce rôle était dévolu aux soldats issus des colonies françaises.

Monday, July 30, 2012

Citation du 31 juillet 2012

Définition – Persévérance n. Humble vertu qui permet aux médiocres de parvenir à un succès peu glorieux.
Ambrose Bierce – Le dictionnaire du Diable (1911)
Que de choses étranges ! On en a le tournis.
Déjà, on apprend qu’il y a des vertus « humbles ». Non pas que l’humilité soit une vertu, mais que les vertus elles-mêmes peuvent être humbles, c'est-à-dire : « sans prétention, sans éclat, peu élaboré ou de peu d’envergure » (TLF). On se faisait une plus haute idée de la vertu.
Ensuite, que les médiocres puissent parvenir à la réussite. Certes, on est content pour eux. Mais qu’il ne faille pour ça que de la persévérance, voilà qui fait réfléchir.
Par exemple : tous ceux qui ont loupé leur examen ou leur concours en juin peuvent se dire : « Je réussirai ! Je l’aurai ! Je ne sais pas si ce sera dans 6 mois, dans 1 an, dans 10 ans – mais je l’aurai ! » Ce sera un humble succès, mais succès quand même.
Du coup j’hésite un peu. J’ai écrit : « qui ne faille que de la persévérance » ; est-ce donc si facile d’être persévérant ?
Les Jeux Olympiques sont l’occasion pour les coaches de féliciter leurs poulains, lorsqu’ils ont décroché une médaille :  « C’est un gars (une fille) qui a du caractère : malgré ses échecs, il (elle) ne s’est jamais découragée : toujours la même rage de vaincre. Au moment de la compèt’, c’est ça qui fait la différence ! »
Oui, il n’est sans doute pas si simple d’être persévérant, si l’on veut que ce soit dans la visée du succès et non pas dans la réédition de l’échec. Il faut en effet que chaque tentative soit « comme la première fois », mais avec à chaque fois le progrès de l’expérience et de l’apprentissage.
Persévérance  n. Humble vertu. Oui, mais vertu quand même.
A suivre.

Sunday, July 29, 2012

Citation du 30 juillet 2012


Un gouvernement c’est comme un bébé. Un tube digestif avec un gros appétit à un bout et aucun sens des responsabilités de l’autre.
Ronald Reagan –Saturday Evening Post – 1965
Reagan était déjà en 1965 connu pour avoir embauché une équipe de gag-men qui écrivaient les vannes de ses interventions dans les médias.
Mais là avouez que ces gens-là ne se sont pas fatigués, parce qu’on connait bien cette définition du bébé (1). L’innovation, c’est simplement de l’avoir adapté à la gestion désastreuse des finances publiques par le gouvernement.
Traduisons : le pouvoir politique fonctionne comme une pompe aspirante et refoulante. Si elle aspire votre argent avec voracité par le moyen de l’impôt et des taxes, c’est pour le dissiper aussitôt sans efficacité par gabegie ou gaspillage et par investissements improductifs.
On aura reconnu une thèse familière du libéralisme économique et politique, qui considère que tout ce que fait l’Etat en matière de gestion est plus mal fait que si une entreprise privée s’en était chargée. Plus chère, moins efficace.
Nous allons je crois pouvoir vérifier si ces thèses sont vraies ou fausses. Lorsque les comptes sociaux (appelons comme ça, si vous le voulez bien, tout ce qui relève de la santé, des allocations familiales, des retraites etc…), seront mis en demeure de fournir un bilan positif, alors il faudra bien renoncer à faire appel à l’Etat, et demander au Privé de fournir ces prestations. Complémentaires santé, retraites complémentaire + rentes d’assurance vie… Ah ! J’oubliais : il n’y plus de place dans l’école de la République pour vos gamins : vous allez devoir financer leur école privée - il faudra bien mettre la main à la poche pour remplacer toutes ces prestations.
Puisque le libéralisme affirme que tout ce que fait l’Etat est moins bien fait que par le privé : faisons les comptes.
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(1) Certain préfèreront la formule plus explicite : « Un bébé, c’est un tube muni d’un hurleur à une extrémité et d’un échappement libre à l’autre »

Saturday, July 28, 2012

Citation du 29 juillet 2012


Elvis n'est pas mort par hasard le jour de mon anniversaire; son âme est en moi, il m'a transmis le pouvoir de chanter.
Madonna

J’ai été, je l’avoue, ému de voir Madonna, malgré sa gloire planétaire, s’effacer devant Elvis Presley et reconnaitre en lui un maitre sans lequel elle ne serait pas devenue chanteuse
Et puis, je me suis dit : quel âge avait Madonna quand Elvis est mort ? Le King est mort le 16 août 1977, le jour même, en effet, des 19 ans de Madonna.
Bon : j’imagine que comme moi vous vous dites : bizarre… D’habitude les réincarnations s’opèrent lors d’une naissance : on nait avec l’âme d’un précédent défunt. Or, voici que ça peut arriver comme ça, brusquement, en cours d’existence.
… Mais pas tout à fait par hasard. Il s’agit du jour de l’anniversaire. Ce jour-là il se produit une sorte d’ouverture dans la vie : une porte secrète s’ouvre – à moins que ce ne soit une faille qui s’entrebâille – et voilà que l’on est en communication avec l’au-delà. C’est ce jour-là que les âmes errantes à la recherche d’un corps peuvent s’infiltrer en vous, pour vous donner ce qu’elles ont de meilleur et féconder vos capacités.
 Parce que c’est ça qui s’est passé pour Madonna : elle n’a pas été hantée ni possédée par Elvis. Elle ne s’est pas mise à chanter avec sa voix, il ne lui est pas poussé de la barbe. Mais elle a senti en elle son énergie grandir, énergie qu’elle a transformée en rythme et en danse bien à elle. Même les virils déhanchements pelviens du rocker (1) lui ont été transmis : ce sont eux qui sont à l’origine de ses coups de reins, ceux qu’elle accompagne de feulements si féminins.
Conclusion : le jour de votre anniversaire, consultez la rubrique nécrologique. Ça pourrait vous concerner.
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(1) On l’appelait Elvis the pelvis, « Because he moved his pelvis while singing in erotic ways that had not been seen before in music in public. »

Friday, July 27, 2012

Citation du 28 juillet 2012


Et vous enfin, gastronomes de 1825, qui trouvez déjà la satiété au sein de l'abondance, et rêvez des préparations nouvelles, vous ne jouirez pas des découvertes que les sciences préparent pour l'an 1900, telles que les esculences minérales, les liqueurs, résultat de la pression de cent atmosphères; vous ne verrez pas les importations que des voyageurs qui ne sont pas encore nés feront arriver de cette moitié du globe qui reste encore à découvrir ou à explorer.
Que je vous plains!
Brillat-Savarin – Physiologie du goût – Variétés XVII (1825)

Dans la série Les inventeurs visionnaires – aujourd’hui : les esculences minérales.
Les esculences minérales nous proposent de déguster la saveur succulente des roches ou des minéraux. Ça peut paraitre étrange.
Evidemment, on peut critiquer mon choix : Brillat-Savarin est tellement visionnaire que personne – pas plus aujourd’hui qu’en 1900 –  n’a jamais inventé un procédé qui nous permette de nous régaler en suçant des cailloux (1). Quant à extraire des liqueurs sous haute pression, je n’en ai pas entendu parler.
Oui, mais – si nous ne les avons pas aujourd’hui, c’est que nous ne les avons pas encore découvertes. Qui dit que ces inventions n’auront pas été réalisées en 2100. Ou en 2200 ? « Au menu, un gratin de granit rose sous sa jonchée de rubis et de brillants »… Hummmm ! C’est bon !
Si Brillat-Savarin convoque ainsi la science pour trouver de nouvelles satisfactions à la gourmandise des gastronomes, ce n’est évidemment pas tout à fait gratuit : le positivisme devait, quelques années plus tard glorifier plus encore la science, porteuse de salut pour l’humanité déficiente.
Par ailleurs, on peut noter qu’en 1825, la moitié du globe reste encore à explorer. Brillat-Savarin imagine qu’elle doit regorger de merveilleux produits au moins aussi savoureux que ceux que nous connaissons et entièrement nouveaux, tels des fruits exotiques ou des viandes d’animaux inconnus.
Mais pour l’essentiel, ce n’est pas seulement la curiosité de nouveauté qui pousse Brillat-Savarin à plaindre les hommes de 1825 de ne pas connaitre les découvertes de 1900 – c’est le désir de jouissances nouvelles.
En 1825, on a en effet de bonnes et succulentes (esculentes) choses à manger. On en a même à satiété. Et c’est là le malheur. La jouissance suppose l’insatisfaction, la rareté, le besoin inassouvi : jouir, c’est rompre avec tout cela.
Bon. A ce compte, il n’est pas besoin d’inventer des mets nouveaux. Il n’est que de réinventer la privation et le jeune, comme certains qui font le Ramadan uniquement pour le plaisir de la rupture du jeune au coucher du soleil.
Et nous, qu’attendons-nous pour réinventer le Carême ?
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(1) C’est Molloy, le triste héros de Beckett qui suce des cailloux, mais c’est uniquement pour tromper sa faim.

Thursday, July 26, 2012

Citation du 27 juillet 2012


Le génie est fait d’un pour cent d’inspiration et de quatre-vingt-dix-neuf pour cent de transpiration.
Thomas Edison
Inspiration/Transpiration : j’ai toujours eu la plus grande méfiance pour ces formules soutenue par une allitération : y a-t-il autre chose dedans ?
--> Ce qu’on n’a pas imaginé, c’est que rien de ce que fait le génie ne ressemble à ce que fait l’homme ordinaire, que tout ce qu’il fait est génial – et donc que le génie « transpire » autrement que le commun des mortels
Ainsi, par exemple : pour vous réveiller le matin, vous prenez du café. En mettant les choses au mieux, ça va vous réveiller – et puis c’est tout.
--> Voyez maintenant comment Balzac décrit l’action du café sur l’écrivain.
« Le café tombe dans votre estomac (…). Dès lors, tout s’agite : les idées s’ébranlent comme les bataillons de la Grande armée sur le terrain d’une bataille, et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop ; l’artillerie de la logique accourt avec son train et ses gargousses ; les traits d’esprits arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent ; le papier se couvre d’encre, car la veille commence et finit par des torrents d’eau noire, comme la bataille de poudre noire. » Balzac – Traité des excitants modernes (à lire ici)
Maintenant : buvez du café, et puis mettez-vous à écrire. Dites-moi si tout se passe comme le dit Balzac. Voilà –
Continuons sur cette ligne (!) : prendrez-vous de la cocaïne pour écrire comme Sartre ou je ne sais plus qui ? On peut parier que les effets de ces dopants sur l’homme ordinaire ne seront pas plus créatifs que ceux du café. Par contre s’agissant d’un génie, ils lui permettront d’être encore plus génial.
Baudelaire disait que les effets du haschisch  (je cite de mémoire) étaient fonction de l’état dans lequel se trouvait le consommateur : gai, il rit ; triste, il pleure - génial il s’ingénie.
Donc : si vous êtes un homme normal, ne prenez pas de substances illicites : ce serait gâché.

Wednesday, July 25, 2012

Citation du 26 juillet 2012


Le faisan est une énigme … Pris à point c’est une chair tendre, sublime et de haut goût…
Ce point si désirable est celui où le faisan commence à se décomposer ; car alors son arome se développe et se joint à une huile qui, pour s’exalter, avait besoin d’un peu de fermentation…
Brillat-Savarin – Physiologie du goût – Variétés XII (1825)

Les ateliers de vacances de la Citation du jour. III
Ah !... Les vacances… Avec la crise on n’a même  plus de thunes pour partir, plus moyen de s’éclater sur les dancefloors d’Ibiza ; plus question de finir la nuit entre les bras d’une minette bien chaude…
Que faire alors ?
Réponse : produisez vous-même votre propre plaisir. Non pas par des manœuvres que la morale réprouve. Faites-vous plaisir en vous mitonnant des petits plats rien que pour vous dans votre petite cuisine
Oui, mais vous ne savez même pas faire cuire un œuf : comment apprendre ?
En demandant à ceux qui savent. Exemple : Brillat-Savarin. Pas moins

Ainsi donc, la cuisine vous parait être un lieu mystérieux et plein d’embûches ; vous n’osez même pas y mettre un pied, de peur de vous tacher, de vous bruler avec la plaque de cuisson ou de faire déborder la friteuse.
Ce qu’il vous faut, c’est vous mettre à l’école du plus grand des grands fondateurs de la gastronomie française, j’ai nommé Brillat-Savarin.
D’abord, vous aller laisser de côté pour commencer la plaque de cuisson, le four et la friteuse. Ne croyez plus que la préparation culinaire commence avec la mise en cuisson. Pas plus que tout ce qui est n’est pas cuit soit cru. Car si le triangle culinaire de Lévi-Strauss a trois sommets, c’est évidemment parce que outre le cru et le cuit, on trouve aussi en cuisine le pourri.
Reprenons : vous entrez dans la cuisine pour la première fois depuis longtemps, animé du désir de préparer quelque chose de bon pour votre petite famille. Vous avez trouvé en surgelé un faisan dont vous espérez vous régaler mais vous ne savez pas comment faire ? Ecoutez Brillat-Savarin : débranchez le congélateur, et attendez quelques jours avant d’en extraire l’animal. Normalement il devrait dégager une odeur de … faisandé – certains disent même qu’une petite goute de liqueur séminale devrait sourdre de son bec (si Père Dodu le lui a laissé). Le plus dur est fait. Il  ne reste plus qu’à le faire rôtir en cocotte après l’avoir convenablement bardé et ajouté du vin blanc et des champignons.
Je vous vois pâle et un peu dégouté. Je sens que vous ne me croyez guère : comment une pareille horreur pourrait-elle, aujourd’hui encore, ravir nos papilles et contenter nos estomacs ? Vous vous dites peut-être qu’il s’agit d’une recette venue des âges barbares où l’hygiène et la diététique ne nous avaient pas appris comment faire pour survivre à nos repas ?
Alors, allez voir marmiton.com (ici), et vous serez édifié :
« Le vieillissement de la viande, par des processus chimiques que j'ignore, la rendra souple, odorante et bien plus goûteuse qu'un faisan tué et rôti dans la foulée. La durée du vieillissement dépendra de la température ambiante, plus il fait chaud, plus elle est courte. En Afrique, trois jours suffisent, en Dordogne et en novembre, six jours sont presque insuffisants. C'est le niveau de faisandage qui commande la cuisson de la viande, et non pas le calendrier de réceptions. »
Miam !

Tuesday, July 24, 2012

Citation du 25 juillet 2012


Quand on ne peut pas changer le monde, il faut changer le décor.
Daniel Pennac – La Petite Marchande de prose

Les ateliers de vacances de la Citation du jour. II
Ah !... Les vacances… Avec la crise on n’a même  plus de thunes pour partir, plus moyen de s’éclater sur les dancefloors d’Ibiza ; plus question de finir la nuit entre les bras d’une minette bien chaude…
Que faire alors ?
Réponse : produisez vous-même votre propre plaisir. Non pas par des manœuvres que la morale réprouve. Faites-vous plaisir en rénovant la décoration de votre maison.
Oui, mais comment apprendre ?
En demandant à ceux qui savent. Exemple : Matisse. Pas moins


Matisse – Deux fillettes, fond jaune et rouge - 1947.
Oui, quand on n’a plus les moyens de changer de monde, il reste encore à changer de décor.
Seulement vous avez peut-être la nausée de ces décors tartinés de couleurs criardes et de contrastes agressifs que ressassent les émissions de télévision.
Moi, je vous propose d’aller chercher chez nos plus grands artistes l’inspiration de votre prochaine déco. Certes, je viole le tabou qui veut que les beaux-arts et les arts décoratifs soient rigoureusement séparés. Mais qu’importe quand c’est Matisse qui nous montre l’exemple, ainsi que le montre ses Deux fillettes.
On peut ainsi penser une pièce entièrement revêtue du même décor – je veux dire : non seulement les murs, mais encore le plancher et les meubles se fondant dans la même couleur et les mêmes motifs. Et puis on peut encore harmoniser les personnes, les robes, les cheveux et les fleurs sur la table. Plus fort : on peut peindre sur les murs des trompes-l’œil de sorte qu’on croie être devant la fenêtre ouverte, avec les arbres en fleurs et en feuilles.
Bref, Matisse semble nous dire : pour décorer votre maison, mêlez les objets les êtres et les  lieux. Que les femmes paraissent être des fleurs et les fleurs des objets sur le mur ; que les murs se confondent avec les meubles. Mais surtout, faites en sorte que le dedans paraisse être le dehors, que les fenêtres soient partout et les murs nulle part !
Allez : à vos pinceaux !

Monday, July 23, 2012

Citation du 24 juillet 2012

Il sembla ne pas entendre qu'on lui nommait quelqu'un, aucun muscle de son visage ne bougea; ses yeux, où ne brilla pas la plus faible lueur de sympathie humaine, montrèrent seulement dans l'insensibilité, dans l'inanité du regard, une exagération à défaut de laquelle rien ne les eût différenciés de miroirs sans vie.
Proust – A l’ombre des jeunes filles en fleurs

Les ateliers de vacances de la Citation du jour. I
Ah !... Les vacances… Avec la crise on n’a même  plus de thunes pour partir, plus moyen de s’éclater sur les dancefloors d’Ibiza ; plus question de finir la nuit entre les bras d’une minette bien chaude…
Que faire alors ?
Réponse : produisez vous-même votre propre plaisir. Non pas par des pratiques que la morale réprouve. Faites-vous plaisir en écrivant les livres dont vous serez fiers.
Oui, mais comment apprendre ?
En demandant à ceux qui savent. Exemple : Proust. Pas moins.
On reproche parfois à Proust les détours et les méandres de son écriture : il semble qu’il aurait pu dire la même chose plus directement et avec une plus grande économie de moyens. Par exemple ici : un regard peut être inexpressif, indifférent, sans réaction.
Voyons un peu :
1 – Un tel regard peut n’être qu’un miroir sans vie : c’est le regard inexpressif.
2 – Mais le regard n’a de sens que par rapport au contexte : il est une réaction à ce qui se passe.
3 – Que ce soit une réaction associée à l’insensibilité, est un paradoxe.
4 – Le paradoxe a pour rôle d’exprimer justement quelque chose. Ici, c’est l’exagération de l’insensibilité, qui est le reflet d’une intention.
5 – Se trouve en place le caractère du personnage, qu’il est désormais inutile de décrire tant cet épisode de sa vie est éloquent.
--> Ainsi se trouve illustré le conseil donné aux écrivains débutants de ne pas décrire mais de faire vivre ce qu’ils ont imaginé de montrer au lecteur.
A vous d’essayer. Je comprends que l’exemple, venu de si haut vous intimide. Mais qu’est-ce que vous risquez ? Il suffit de connaitre le mécanisme, et ensuite on perfectionne peu à peu sa mise en œuvre.

Sunday, July 22, 2012

Citation du 23 juillet 2012

La vérité est une bulle de champagne, elle remonte toujours à la surface.
Gilles Martin-Chauffier – Une vraie parisienne

La vérité remonte toujours à la surface… où elle disparait sans laisser de trace.
Ah ! Si seulement elle était comme la femme nue qui jaillit du puits (voir la belle sur mon Blog ici)…
Que dire de ces métaphores, que dire de ce qu’elles révèlent sans qu’on y pense ?
– Les bulles qui remontent à la surface d’un liquide manifestent cette étrange capacité de la vérité de ne jamais rester éternellement sous le boisseau (autre image). Mais ce surgissement inopiné aurait pu être évoqué à partir des bulles de méthane qui montent à la surface de la mare.
Or, voilà : ce sont des bulles de champagne ! C’est un peu plus excitant.
- Excitant, oui, comme la femme nue qui sort du puits. Déjà, qu’est-ce qu’elle faisait là ? Qui donc l’y avait jetée ? Personne ne se le demande : on prend l’image et on part avec, sans demander de compte.
--> Ce que ces deux images révèlent, c’est que la vérité est quelque chose de désirable – quelque chose qui apparait comme une jouissance : jouissance de la bulle de champagne qui éclate en saveurs subtiles sur les papilles de la langue ; jouissance de la nudité féminine qui éveille notre sensualité.
Comme par ailleurs ces images sont toutes deux  des évocations d’une vérité cachée et qui surgit malgré tout, on comprend que cette jouissance est transgressive, comme l’est celle du plaisir interdit – et pour cela bien meilleur.
Bref : ce que nous révèlent ces images, c’est que le péché originel – qui est de gouter au fruit défendu, celui de l’arbre de la science – nous travaille toujours un peu.

Saturday, July 21, 2012

Citation du 22 juillet 2012

Les historiens arrivent à tirer plusieurs volumes d'un personnage dont on ne sait pas grand-chose. C'est une manière de contempler l'univers dans une bulle de savon.
Prosper Mérimée
 [Reflet sur une bulle de savon - Voir ici.]
Les bulles de savon sont des symboles du néant qui nous environne sans qu’on s’en doute : nous croyons à la réalité dans laquelle nous vivons – et puis voilà une guerre, un tremblement de terre, une épidémie : pfuittt ! Plus rien. Ces innombrables générations d’hommes qui se sont succédées là même où j’habite, qui ont contemplé le même paysage, humé le même air, ont disparu sans laisser de traces ; on les ignore sans même s’en douter : rien ne nous  manque de ne pas les avoir connus.
Comment se fait-il que nous ne soyons pas alertés de cette inanité des choses humaines par les récits historiques ?
C’est que l’histoire s’est construite justement pour nous faire oublier notre oubli ; rappelez-vous, nous dit-elle, ces Hommes illustres qui nous ont précédés. Votre vie ne serait pas la même s’ils n’avaient pas été. Dès son origine, l’histoire a été, un récit de la vie des Grands hommes et de leurs actes mémorables.
Seulement comme l’histoire est un peu plus que les Chroniques de Rois de France, il a fallu que ces récits de la vie des Grands hommes nous fassent en même temps vivre ce monde que la plèbe était incapable de maintenir à la surface du souvenir ; qu’ils soient comme des reflets permettant de contempler l’Univers.
Sauf que ces Grands hommes, ces Rois, ces généraux intrépides sont eux-mêmes comme des bulles de savon. Leur renommée ne les a pas empêchés de périr, eux et le monde qu’ils ont reflété. Raconter leur vie, c'est une manière de contempler l'univers – oui, mais dans une bulle de savon.

Citation du 21 juillet 2012

Au fond, est-ce que ranger ça ne revient pas un peu à foutre le bordel dans son désordre ?
Philippe Geluck
Tout désordre n'est qu'un ordre différent
Bergson – La pensée et le mouvant (Citation du 17-1-2006)

- Kévin – Range ta chambre !
- Mais, M’man je l’ai déjà rangée hier !
- Comment ça « Rangée hier » ? Tu as vu où sont tes chaussette sales ? Avec tes cahiers – Et ton livre de la Princesse de Clèves ? Sous ton bureau. Un cochon n’y retrouverait pas ses petits.
… D’ailleurs, à part ta PS3, qui est sur ton lit, on ne retrouverait rien ici.
- Ben justement. Si je range je ne retrouverai même plus ma PS3.
- Oh, ça va hein. Je vais revenir et je ne veux plus voir ce désordre.
- Mais tu sais M’man, ça sera pire : ranger, ça revient à foutre le bordel dans mon désordre
…..
Quand on a comme moi pour  projet de vulgariser la philosophie, on se pose la question du genre de langage, que l’on va adopter : relevé ? Familier ? A moins que ce ne soit plutôt la tournure de la pensée qui compte.
Alors, reprenez le dialogue ci-dessus et imaginez que la dernière réplique de Kévin soit :
« - Mais tu sais Maman ça n’est vraiment pas la peine : tout désordre n’est qu’un ordre différent. »
Là, ça ne marche pas – ou pas aussi bien. D’un seul coup Kévin devient pédant (ce qui n’est pas crédible), ou bien impertinent (ce qui est crédible, mais pas comme ça)
Bergson, philosophe, s’exprime dans un ouvrage philosophique. Philippe Geluck, auteur de bande dessinée, fait tenir sa pensée dans l’espace de bulles réparties dans des images. Différence de forme – différence de stimulation pour la pensée.
Mon avis est que la forme est décisive pour ce genre d’exercice. Populariser, c’est entrer dans la forme du dialogue – ou du monologue de stand-up selon les cas (1) – et c’est former sa pensée à l’intérieur de ça.
Simplement il ne faudrait pas imaginer que la philosophie soit intégralement vulgarisable : la construction des concepts suppose forcément à un moment ou à un autre un effort intellectuel.
Alors, à quoi bon vulgariser ? Peut-être pour amorcer le mouvement. Faire comme un teaser.
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(1) Contrairement à Wikipédia, je ne considère pas que le stand-up soit nécessairement un monologue comique.

Thursday, July 19, 2012

Citation du 20 juillet 2012


Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.
Maxime attribuée à Lavoisier
Selon Wikipédia, cette maxime est en réalité la reformulation d'une phrase d'Anaxagore de Clazomènes : « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau. »
J’avais il y a quelques temps divagué avec Diderot qui imaginait que les molécules des corps des défunts pouvaient aller se balader avec les molécules d’autres défunts – et en particulier celles du monsieur avec celles de la dame qu’il aimait…
… Si nous voulons nous en tenir au raisonnable, disons avec Anaxagore – et Lavoisier – que du point de vue de la matière, le néant n’existe pas. Ou encore : que rien ne commence et rien ne finit. C’est mieux dit et en plus ça réduit au silence la métaphysique qui pose sans cesse la question de l’origine première des êtres, ainsi que de leurs fins dernières (1).
Quoique : D’où viens-je ? Où vais-je ? ces questions peuvent encore être posée. Mais non pas comme des questions fondamentales, mais comme de simples questions pratiques. Mon origine  lors de ma naissance n’est pas plus miraculeuse que le fait que, quand je mange une côtelette de porc, les molécules de la viande du cochon se transmutent en molécules humaines (2).
De même : pas de création ex nihilo, pas de fiat lux.
Fiat lux… Un miracle ? Je sais bien que la récente découverte du boson de Higgs a remis en lumière (si l’on peut dire) le fait qu’au moment du big-bang, les photons n’ont pas tout de suite existé, mais seulement quelques secondes après (3). Reste que tout cela est strictement connaissable et compréhensible et qu’à la différence des métaphysiques spiritualistes, le matérialisme exclut le mystère de l’univers.
Revenons maintenant à nous. Je voudrais savoir ce que je vais devenir lorsque je serai mort – ou alors ce que j’étais avant ma naissance (4) – ce qui revient à peu près au même.
La réponse est ou bien une évidence : regardez, voyez les transformations de la matière vivante, et vous comprendrez tout.
Ou alors elle est un mystère insondable, parce que, si je refuse d’évacuer le MOI (ou l’ÂME), alors je ne comprends plus rien ni à son apparition, ni à sa disparition.
Quizz-de-l’Eté : JE ne serai pas détruit le ver qui rongera mon corps ; JE ne suis pas l’ADN de la semence de Papa-Maman ; JE suis un miracle – Qui suis-je ?
Réponse : Je suis Narcisse.
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(1) « Fin » au sens de but ou de fonction. Alors, ma fin dernière est-elle de clamer la Gloire de Dieu (= spiritualisme), ou bien de nourrir les vers qui rongeront mon cadavre (= matérialisme) ?
(2) Je suppose que le tabou musulman sur la consommation du porc signifie qu’ils ne croient pas à cette transmutation : qui mange de cette viande impure devient comme elle.
(3) Between 10 seconds and 380,000 years after the Big Bang dit Wikipédia. Excusez l’imprécision, mais vu la distance (14 milliards d’années) ça peut se comprendre.
(4) Occasion de rappeler que Docteur-Philo avait en sontemps abordé cette question.

Wednesday, July 18, 2012

Citation du 19 juillet 2012


S'il existe plusieurs manières de faire quelque chose et que l'une de ces manières est susceptible de se solder par une catastrophe, on peut être certain que quelqu'un se débrouillera pour la choisir.
Edward A. Murphy Jr
Cette loi de Murphy, parfois lestement nommée « loi de l’emmerdement maximum », est souvent considérée de façon humoristique.
Heureusement, Wikipédia veille ! Voici un bref extrait de son article (1) :
« [Il y a une] autre vision qui consiste à voir la loi de Murphy comme une règle de conception : on ne considère pas la loi de Murphy comme vraie, mais on conçoit tout système comme si la loi était vraie. En particulier, un équipement doit être à l'épreuve, non seulement des accidents les plus improbables, mais aussi des manœuvres les plus stupides de la part de l'utilisateur. Elle justifie donc les principes de la conception de sûreté préconisant de planifier et d'éliminer d'emblée les possibilités de mauvaise utilisation, par exemple à l'aide de détrompeurs. »
Comme vous le voyez, on a connecté la loi de Murphy sur le principe de précaution, expliquant ainsi bon nombre de dispositifs bizarres dans les objets mis à notre disposition, comme ces sécurités sur les flacons de produits toxiques pour empêcher les enfants de les ouvrir (tellement coriaces que les adultes n’y arrivent pas non plus) ; ou les avertisseurs qui empêchent de supprimer des fichiers contenus dans l’ordinateur en une seule manœuvre. Mais le plus simple est encore d’éjecter l’utilisateur du fonctionnement de la machine : par exemple l’aspirateur-robot Roomba, qui est bardé de capteurs pour éviter les situations les plus rocambolesques : tomber d'un escalier, avaler une chaussette, heurter le guéridon et faire tomber la lampe qui est dessus. Ou encore les produits Apple, qui choisissent de ne rien proposer de dangereux, comme ça ils n'ont pas besoin de prévoir le pire. Pas d'accès direct aux fichiers sur un iPad, par exemple, ou bien pas de gestion directe de la musique sur iTunes : c'est le logiciel qui le fait pour l’utilisateur, le quel a juste à cliquer pour acheter. Simple, non ?
Mais il y a une autre utilité de la loi de Murphy, une utilité d’ordre psychologique. En effet la frustration de l’échec vient de ce qu’on se sent personnellement visé par la malchance : il n’y a qu’à moi que cela arrive ! A moi seul ! Quand je fais la queue à la caisse du supermarché, je préviens ceux qui me suivent : «  Allez ailleurs : quand je suis là, forcément la caisse va tomber en panne, la caissière va se tromper, ou alors un client aura oublié sa carte de paiement, etc… »
Heureusement, Murphy intervient : « ma loi, comme toute loi est absolument universelle. Ce qui vous arrive, peut  arriver aussi à tout autre : c’est inéluctable. Ça veut dire que vous n’êtes ni responsable, ni persécuté. »
Et comme cette loi est une règle de conception (Wiki, ci-dessus), plus de souci : on admet qu’elle est vraie sans qu’on ait besoin de la démontrer.
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(1) Je laisse provisoirement de côté les autres interprétations proposées par l’article de Wikipédia.

Tuesday, July 17, 2012

Citation du 18 juillet 2012


Les Grecs étaient précisément ce que sont aujourd'hui les Helvétiens, qui louent leur service et leur courage aux princes leurs voisins, mais pour une somme trois fois plus modique que n'était la solde des Grecs
Voltaire – Dictionnaire philosophique  (Article : Xénophon – La retraite des Dix-mille)
Soldats en soldes ! (1)
L’an dernier, à pareille époque, je partais en guerre contre les soldes.
Aujourd’hui, non seulement je considère que mon attaque a fait pschitt, mais encore que l’usage que j’y faisais de l’ironie socratique est devenu du plus mauvais gout.
Car alors j’imaginais Socrate clamant son indifférence devant la consommation de ces marchandises. Qu’en diraient les grecs d’aujourd’hui ? Ne seraient-ils pas bien heureux de pouvoir acheter ces marchandises qu’on étale devant eux et dont ils ont besoin ? Malheureusement même en solde elles sont encore beaucoup trop chères pour eux.
Voltaire pointait en son siècle le fait que les hommes eux-mêmes pouvaient solder leurs services. Il évoquait alors les mercenaires suisses, dont l’extraordinaire succès résultait du fait qu’ils coutaient trois fois moins chers que les mercenaires grecs.
On dit qu’aujourd’hui la Grèce a pour malheur de n’avoir rien à vendre que son ciel bleu et sa mer faute de production industrielle. Un député britannique proposait que, pour rembourser sa dette, la Grèce vendît quelques iles de la mer Egée ; d’autres ont suggéré de mettre le Parthénon à l’encan.
Mais on voit bien en lisant Voltaire et Xénophon que la Grèce a encore quelque chose à vendre : ses hommes. Qu’ils se fassent soldats pour guerroyer –  par exemple à la place des américains, eux qui ont les dollars nécessaires.
Le bénéfice serait que  non seulement cela rapporterait des devises bien nécessaires enrichir les banquiers qui détiennent de la dette grecque et éventuellement pour nourrir le pays ; mais encore, la guerre ayant pour coutume de faire des morts, cela ferait d’autant moins de bouches à nourrir.
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(1) Voltaire prend le mot « solde » au féminin (Solde : subst. fém : Somme d'argent versée à un militaire)
- et nous au masculin (Solde : subst. masc : excédent ou reliquat de marchandises, vendues au rabais)
--> La chalenge est de confondre les deux.