Friday, February 28, 2014

Citation du 1er mars 2014



leçon de philosophie. Aujourd’hui : la dialectique du désir.

Se donner c’est prendre
Miss.Tic

N.B. Je connais des petits malins qui, devant ce pochoir, vont dire : « Ah ! Mais dites donc, c’est un réemploi ! On l’a déjà vu ce pochoir, et avec une autre légende – même qu’on l’a affiché il y a tout juste un an ! »
Moi, je dis : et Bach (Jean-Sébastien) – vous connaissez ? Quand Bach écrivait une cantate il réemployait parfois des airs composés pour une autre (en particulier pour les cantates profanes qui n’étaient exécutées qu’une seule fois). L’important c’est que le nouvel ensemble soit harmonieux.
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« Se donner, c’est prendre ». C’est un peu comme : « Cours après moi que je t’attrape ! » : ce sont des oxymores qui n’ont pour but que d’attirer l’attention, par une formulation contradictoire, sur une réalité parfaitement logique. D’ailleurs on voit que l’étreinte illustrant la formule de Miss.Tic est bien réciproque : la jeune femme se laisse prendre par le bras droit du jeune homme, mais c’est pour mieux l’enlacer de son bras gauche.
Toutefois, on peut penser également que cette formule illustre non seulement le désir, mais encore l’amour. Car si l’amour consiste à se donner, c’est quand même dans l’intention de prendre. Sinon, comment comprendre le dépit amoureux ? Comment saisir les raisons de la jalousie ?
Que serait l’amour sans la jalousie ? « Je t’aime, ma chérie, je m’offre à toi, mais je ne te demande rien en retour. Oui, je me donne à toi, mon amour, je serai ton ange gardien, je coucherai en travers de ta porte, mais je laisserai entrer le beau prince grec qui te visite chaque nuit… »
Bon – Ça ne marche pas comme ça, on le sait bien.
[Ce qui suit est déconseillé aux – 12 ans]
Reste que la formule miss-ticienne est un peu plus radicale. « Se donner c’est prendre » suppose que c’est dans le même geste qu’on se donne et qu’on prend en retour. Si, dans l’étreinte amoureuse, la femme ne peut se donner qu’en prenant, c’est que la nature nous a fait de telle sorte que le sexe féminin ne peut s’offrir qu’en accueillant et en retenant le sexe de l’homme. Réciproquement, le sexe masculin ne peut prendre le sexe féminin qu’à condition de se laisser envelopper par lui (1). On dirait que l’un n’existe pas sans l’autre : je veux dire que l’organe de l’amour sert bien sûr à d’autres fonctions, mais que ce n’est qu’en s’offrant-prenant qu’il accomplit réellement son essence amoureuse.
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Conclusion de la leçon de dialectique : pas de dialectique sans synthèse. C’est donc dans l’union charnelle que se dépasse la contradiction offre/capture
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(1) Avec tous les risques que ça suppose et qui sont illustrés par le fantasme du vagina dentata (cf. ici)

Thursday, February 27, 2014

Citation du 28 février 2014


…il est également vrai de dire que, toutes choses égales, ceux qui savent manger, sont comparativement de dix ans plus jeunes que ceux à qui cette science est étrangère. Les peintres et les sculpteurs sont bien pénétrés de cette vérité, car jamais ils ne représentent ceux qui font abstinence par choix ou par devoir, comme les avares et les anachorètes, sans leur donner la pâleur de la maladie, la maigreur de la misère et les rides de la décrépitude.
Brillat-Savarin – Physiologie du goût, 1825, p. 146.
Abstinence : on la pratique couramment pour recouvrer ou conserver la santé.
Oui, mais : et si elle était  mauvaise pour la santé ; en particulier pour ceux qui font un régime impliquant des privations alimentaires ? Les peintres dit Brillat-Savarin représentent ceux qui font abstinence … comme les avares et les anachorètes, avec la pâleur de la maladie, la maigreur de la misère et les rides de la décrépitude. Brrr…
Vérifions :
La tentation de Saint-Antoine de Jérôme Bosch.
Bien difficile de contredire Brillat-Savarin : pour être en bonne santé, il faut manger à sa faim, boire à sa soif, copuler au printemps, faire la sieste en été, etc… Dépenser – se dépenser – et consommer : voilà un principe frappé au coin du bon sens et qui ne demande pas de longues méditations pour être entendus.
Pourtant s’il faut encore et encore le répéter, c’est parce qu’une tendance adverse, nourrie (si l’on peut dire) par des principes moraux ou religieux nous enseigne le contraire.
Pourquoi se fatiguer à suivre des régimes compliqués ou privatifs, si ce n’est parce qu’une certaine transcendance les protège ? Tous les régimes ne sont pas de ce gabarit, mais certains ont bien une résonnance religieuse : ne pas ingérer – et ne pas faire ! –  ce qui risque de nous transformer de façon mauvaise.
1 – Ne pas consommer de nourriture impure sous peine de devenir soi-même impur ; ou alors éviter ce qui d’une façon ou d’une autre, nous mettrait en contradiction avec les lois de l’Univers. Telle était la macrobiotique des années 60 qui visait à maintenir en nous l’équilibre entre le Yin et le Yang. L’avantage étant que ça maintient la santé : on se doute que bâfrer comme un porc, ça n’est pas non plus très bon, et que Brillat-Savarin doit apporter des correctifs à son principe sous peine de voir ses adeptes succomber à des crises de goutes.
Pourtant, manger selon les exigences de notre nature – obéir à ses besoins, suivre ses désirs : quoi de plus simple ? Faut-il donc une science comme le dit Brillat-Savarin ?
Oui, certes, car on voit bien que suivre les préceptes macrobiotiques, ça pose la question de savoir à quelles abstinences il faut se soumettre : c’est qu’il est bien difficile de suivre la nature si ce n’est pas seulement notre nature, mais celle dans laquelle nous sommes intégrés.
2 – Quant à savoir à quel moment il est impur de copuler, on sait que le Carême est une période où forniquer risque d’engendrer des enfants lépreux.
A propos : le Carême 2014, c’est pour bientôt (1) : il ne va pas falloir trop trainer si vous voulez éviter d’avoir beaucoup de courrier en retard…
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(1) Le carême débutera le 5 mars 2014, jour du mercredi des Cendres et se terminera pour Pâques le dimanche 20 avril 2014.

Wednesday, February 26, 2014

Citation du 27 février 2014



Spécial Salon de l’agriculture. –
L'argent est le fumier dans lequel pousse l'humanité de demain. Le terreau nécessaire aux grands travaux qui facilitent l'existence.  
Emile Zola –   L'Argent        
FUMIER, subst. masc. 
A. Mélange de litières et d'excréments des animaux (d'étable ou d'écurie), décomposé par la fermentation sous l'action de micro-organismes, et utilisé comme engrais.
B. Au fig.
1. Littéraire
a) Ce qui est sale, corrompu et qui inspire le dégoût, la répugnance.
Source :TLF
Après Freud qui considérait que l’amour de l’argent était pour l’adulte le substitut socialement acceptable de l’attrait du petit enfant pour ses excréments, voici Zola qui resserre un peu plus encore le lien qui unit la monnaie à la fiente. L’or est le fantasme de la merde – et réciproquement…
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Bon – Et après, qu’est-ce qu’on dit ? Parce que, tout ça, ça fait bien rigoler tout le monde : même s’il fallait ramasser un billet de 100 euros dans un pot de chambre garni, on le ferait, n’est-ce pas ? Et Zola nous dit pourquoi : c’est que l’argent, ça fait pousser les projets. Dit comme ça, dans le langage Ecureuil, ça passe mieux…
L’argent est… le terreau nécessaire aux grands travaux qui facilitent l'existence. De quoi se nourrit la vie ? D’où vient la prospérité ? Ce n’est pas l’argent qui est la métaphore du fumier, c’est le fumier qui sert à comprendre ce qu’est l’argent. Tout provient de là : ce n’est pas les grandes et nobles causes qui engendrent les grands en nobles effets. Ce sont les petites choses qui font les grandes, et le caca qui fait de l’or.
Ecœuré ? Vous ne devriez pas. Regardez un peu : quand on vous parle des Grandes causes de l’Humanité, n’est-ce pas en fin de compte pour vous demander de mettre la main au porte-monnaie ? Mais cela n’a rien de choquant : même si tout ne s’achète pas, il n’en reste pas moins que ce qui ne peut que se donner – le temps, l’amour, la générosité… –  tout cela ne produit finalement un effet que grâce à un peu de monnaie.


Tuesday, February 25, 2014

Citation du 26 février 2014



Il faut parler tant qu’on peut par l’action et ne dire que ce qu’on ne saurait faire.
Rousseau – Emile, Livre III (Folio, page 287)
Voici la fameuse pédagogie non-directive de Rousseau : le Précepteur après avoir emmené Emile en forêt et lui avoir laissé croire qu’ils étaient perdus, le mène, par un habile questionnement à trouver le nord, et puis le sud – et donc à retrouver son chemin tout seul.
C’est ce passage que conclue cette phrase : mais, l’avantage des citations, c’est qu’en dissimulant le contexte, on peut se permettre de leur donner un sens beaucoup plus général.
Proposons donc ceci : le langage est le relai de l’action, et il ne saurait s’y substituer quand celle-ci est possible. Parler au lieu d’agir est non seulement inutile, mais « contre-productif » puisqu’on perd ainsi un temps qui serait bien mieux employé si on se contentait de faire au lieu de dire ce « faire ».
Evidemment, ce principe a un gris avantage : il exclut le mensonge (qu’on se rappelle le Maréchal, disant : « La terre ne ment pas ! » pour valoriser le retour à la nature et le travail qui s’y rapporte).
Bien sûr, le propre de l’homme est aussi de dire ce qu’il fait, soit pour le décrire, soit pour le commenter, soit pour le poétiser. La parole est action elle est aussi ce qui soutient l’action. Sans le langage, rien de ce que nous connaissons ne pourrait être utilisé, ni même avoir été inventé. Nous avons besoin du marteau et du tournevis, et il semble que la parole soit inutile pour cela ? Admettons. Mais reconnaissons aussi que pour inventer ces outils il a fallu que s’en forme dans l’esprit le concept, donc que le langage s’en empare pour l’élaborer.
Ce singe qui utilise un caillou comme marteau et un autre comme enclume pour briser les noix s’en forme-t-il le concept ? Peut-être pas. . Certes – mais sait-on combien d’année il met pour y parvenir ?



N.B. Ici le singe utilise un morceau de bois. Signe qu’il s’adapte en prenant ce qu’il a sous la main. Mais aussi : n’est-ce pas que l’ébauche d’un concept se forme dans son cerveau ? Après tout, bien qu’on n’en parle plus guère, on a bien essayé d’apprendre le langage des signes à des chimpanzés.