Saturday, August 31, 2013

Citation du 1er septembre 2013



L'étendue est la marque de ma puissance. Le temps est la marque de mon impuissance.
J. Lagneau – Cours sur la perception, in Célèbres leçons et fragments
Un vieux réflexe me pousse à l’orée d’une nouvelle année scolaire à songer aux cours de philosophie – ceux que je donnais, mais aussi à ceux que j’ai eus en débutant ma terminale.
Il y avait alors des sujets de dissertation tellement classiques que leur énoncé était devenu une référence, surtout quand ils étaient comme ici des citations.
Suite de la 1ère partie publiée le 30 août dernier.
2ème  partie : le temps et l’action ordonnée.
Le temps est la marque de mon impuissance. Lagneau pense (cf. texte) à la nécessité où nous sommes pour agir – et donc justement exercer notre puissance – d’articuler selon l’ordre de la succession les étapes de notre action, comme de lire ce texte en commençant par le début jusqu’à la fin et que la simultanéité (tous les mots en même temps) serait impuissante à fournir le sens.
Pouvons-nous donc éviter de suivre l’ordre imposé par le temps ? Avoir tout dans le même instant ?
Avoir tout en même temps : voilà ce que nous cherchons, bravant l’interdit du Philosophe ! Sans avoir à articuler l’avant à l’après, sans prendre le temps (= la durée nécessaire) de construire un pont entre les deux.
Le symbole de notre prise de possession de l’espace était (avant)-hier l’écran connecté Wi-Fi. Ce sera aujourd’hui la chaine TV Mosaïque qui nous donne l’illusion de voir en même temps toutes les émissions T.V.
Oui, le voilà notre rêve à propos du temps : plutôt que l’éternité, la simultanéité. A savoir : ne plus être obligé de prendre le temps de faire les choses – ne plus être obligé d’attendre comme disait Bergson que le sucre fonde.
Avoir tout, tout de suite. C’est sur ce désir que se fondent beaucoup d’annonces mensongères des marchands d’illusions : « Apprenez sans efforts et sans attendre :
                                       - à parler une langue étrangère ;
                                       - à faire des bouquets ;
                                       - à avoir une musculation d’Apollon ;
                                       - Etc.
Seulement voilà : après vous avoir appâté avec la gratuité de l’écran Mosaïque on vous vend le droit de voir les chaines qui le composent les unes après les autres – parce que tel quel vous n’y comprenez rien.
La suite de la suite à demain – si vous êtes encore là.

Friday, August 30, 2013

Citation du 31 août 2013


Buvons un coup, Buvons en deux, / À la santé des amoureux ! / À la santé du Roi de France, / Et merde pour le roi d’Angleterre / Qui nous a déclaré la guerre !
Au 31 du mois d’août (Chanson à écouter ici, à lire ici)


Le 31 août 1800, un jeune lieutenant corsaire nommé Surcouf qui n’avait pas 30 ans, prenait à l’abordage une frégate anglaise malgré la supériorité de sa puissance de feu.
L’extraordinaire succès de cette chanson (paroles citées ci-dessus sur un site scout) tient certainement à sa musique (1), mais aussi à l’insulte proférée à l’encontre du roi d’Angleterre : si les français aimaient dire « merde » aux anglais, ainsi que Victor Hugo le montrait dans les Misérables à propos du général Cambronne (cf. ici), c’est que l’Angleterre était au 19ème siècle perçue comme «ennemi héréditaire».
Voilà une idée très confortable ! L’ennemi héréditaire, c’est celui que vous devez détruire, même s’il ne vous a rien fait, parce qu’en le tuant vous accomplissez un acte louable qui est de venger vos aïeux. Donc, triple gain :
            - d’abord vous évacuez une passion destructrice ;
            - ensuite vous consolidez votre appartenance à la communauté nationale ;
            - enfin vous accomplissez un acte méritoire. 
C’est ainsi qu’après avoir perdu les anglais comme ennemis héréditaires du fait de l’entente cordiale (mais il n’est pas sûr que les anglais quant à eux aient renoncé à nous considérer comme tels), nous avons eu les « boches » - position consolidées par trois guerres en moins d’un siècle. Aujourd’hui, qui est notre ennemi héréditaire ? On peut bien sûr avancer que Goldman-Sachs en représente un nouvel avatar. Mais c’est trop impersonnel. Pour incarner l’ennemi héréditaire, il nous faut un peuple à  haïr, pas une Multinationale.
Soucieuse de faire renaitre le patriotisme, La Citation du Jour vous offre la formule guerrière du 31 du mois d’août avec un blanc pour le nom de l’ennemi héréditaire vous laissant la liberté d’y inscrire qui vous voudrez :
ET MERDE pour le … notre ennemi héréditaire !
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(1) Donnée généralement comme chant de matelot, elle est parfois considérée comme réemploi d’un air de chasse, et Cendrars qui la cite dans Paris port de mer la croit musique de marche (comme Auprès de ma blonde, dit-il…)
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N.B. Je reprends ce Post pour ajouter que nous - nous les Français - nous aussi avons été les ennemis héréditaires de quelques patriotes étrangers. Je me suis laissé dire que nous avons été les ennemis héréditaires des allemands - du moins de ceux qui allaient le devenir - à l'époque de Louis XIV qui leur a fauché Strasbourg sans aucun respect du traité de Westphalie et des équilibres qu'il avait péniblement établis.

Thursday, August 29, 2013

Citation du 30 août 2013

L'étendue est la marque de ma puissance. Le temps est la marque de mon impuissance.
J. Lagneau – Cours sur la perception – Célèbres leçons et fragments
Un vieux réflexe me pousse à l’orée d’une nouvelle année scolaire à songer aux cours de philosophie – ceux que je donnais, mais aussi à ceux que j’ai reçus en débutant ma terminale.
Il y avait alors des sujets de dissertation tellement classiques que leur énoncé était devenu une référence, surtout quand ils étaient comme ici des citations. En tout cas, ça ressemblait à ça :

Sujet : En quel sens peut-on dire, comme Jules Lagneau, que l'étendue est la marque de ma puissance et le temps la marque de mon impuissance ?

°°°°
1ère partie : l’étendue et le pouvoir d’agir.
L'étendue est la marque de ma puissance, laquelle s’exprime par le mouvement qui me permet de circuler dans l’espace : d’est en ouest, du nord au sud.
Faisons l’hypothèse que plus nous circulons et plus nous exprimons notre puissance. Ce qui est possible, puisque nos avions vont infiniment plus vite que les bateaux du siècle passé et beaucoup plus vite que les trains que connaissait Lagneau.
- Comment donc parvenir à circuler d’avantage ? En accélérant encore notre vitesse d’un point à un autre ? Certes, mais il s’agit alors de sauter « pardessus » l’espace et non de le parcourir. Ou alors, imaginons cette circulation en ne tenant compte que des points de contact que nous avons avec les choses qui sont réparties dans l’étendue. C’est ainsi que se comprend le surf appliqué à l’usage du Net. Surfer, c’est au sens propre, naviguer en glissant sur les vagues ; et au sens figuré, aller d'un site internet à un autre, chacun n’étant qu’un point d’appui pour rebondir vers un autre site. C’est ainsi que chaque instant me permet de consulter la presse mondiale, comme le Monde et puis le Figaro et encore le New-York Herald, et Chine-Nouvelle


 Je parcours ainsi d’innombrables connaissances, informations, ressources. Mais aussi je ne le peux qu’en restant à la surface (surfeur de surface), dans la superficialité : ma puissance, plus je l’étale, moins elle pénètre. Le point limite de cette superficialité sur Internet étant la pratique du copié-collé.
On peut éviter une telle dérive, prendre son temps, lire à fond ce qu’on nous propose, réfléchir…sauf lorsque le contenu de l’information lui-même a été conçu pour cette superficialité.
Une preuve ? Lorsque j’ai conçu ce Blog, j’ai pensé que mes lecteurs m’accorderaient 45 secondes pas plus, et que mes Posts devaient être taillés à la mesure de ce timing.
45 secondes de philosophie : on est loin de Platon affirmant qu’il fallait avoir du loisir pour philosopher…
La suite à après-demain… si vous avez le temps.

Wednesday, August 28, 2013

Citation du 29 août 2013


Je rêve qu’un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : «Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux».
Martin Luther King – Discours prononcé par le 28 août 1963 lors de la marche de Washington.
On ne comprendrait sans doute pas qu’un Blog comme La Citation-du-jour ne fasse pas place à la célébrissime citation de ce discours fondateur du mouvement de revendication des Noirs pour leurs droits civiques.
J’avoue tout de même que je ne l’avais pas retenu, mais quand j’ai remarqué combien ce texte est peu lu : près de 2000 mots (dans la traduction citée), alors qu’on n’en retient que 5 : J’ai fait un rêve !
Si seulement ce Post avait pour effet d’encourager à lire la totalité du texte, ce serait déjà pas mal.
Je note quelques points extraits de cette citation :
- D’abord Luther King est un pasteur ; son point de vue est celui de la religion. Alors que la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 dit : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.. » (Art. Premier), selon Luther King : « tous les hommes sont créés égaux ». Les noirs américains peuvent réclamer leurs droits civiques la Bible à la main. (1)
- Il s’agit d’une vérité évidente par elle-même, c’est à  dire qu’elle n’a pas à être démontrée (2). S’agissant d’une vérité de la foi, certes on aurait tort de demander une démonstration : il est impossible à Dieu de nous mentir en nous faisant croire une contre vérité. Le doute de Descartes recule justement là-dessus.
Par contre, si l’on s’en tient à la version laïque des Droits de 1789, on a affaire à quelque chose de plus complexe. Pour s’en tenir au plus simple, la démonstration de l’existence de ces droits inaliénables tient dans l’effet qu'entraine « leur oubli ou de leur mépris » : c’est le « malheur public ».
- Ici, le Discours de Martin Luther King et de la Déclaration de droits de l’homme convergent : si selon cette dernière la menace de désordre accompagne nécessairement le mépris des droits du peuple, le début du discours de Luther King est également menaçant : « Il n’y aura ni repos ni tranquillité en Amérique jusqu’à ce qu’on ait accordé au peuple Noir ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte ne cesseront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse. »
Ça valait quand même le coup de tout lire…
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(1) Il est vrai que la Déclaration des Droits de l’Homme de1789 est faite « sous les auspices de l’Etre suprême ». Reste que s’Il plane au-dessus de la déclaration de ces Droits, il n’intervient jamais dans leur contenu.
(2) Pour ceux qui ne voudraient quand même pas lire le texte : cette "vérité évidente" est que les Noirs américains ont un droit imprescriptible à jouir pleinement des droits civiques

Tuesday, August 27, 2013

Citation du 28 août 2013


Zeus voulut se venger des êtres humains en leur offrant le plus bel objet de leur désir, afin de leur inspirer passions et tourments. Il créa la première femme, aussi fascinante que capricieuse.
Pandore, c'était son nom, fut façonnée à partir de l'argile.
La légende de Pandore
La Schtroumpfette a été créée dans la bande dessinée par Gargamel, sorcier à l'imagination intarissable, pour semer la zizanie dans le village des Schtroumpfs
Wikipédia – Art. Schtroumpfette

Ceux qui, l’âge aidant, ont des petits enfants auront peut-être comme moi eu l’occasion d’aller au ciné voir Les Schtroumpfs 2 (en 3D évidemment).
Occasion de (re)découvrir que la Schtroumpfette est une créature de Gargamel, inventée spécialement pour affaiblir la communauté des Schtroumpfs.
Et  là on se dit qu’on a déjà lu ça quelque part. Où ça ?
- Oui ! Il s’agit bien sûr d’Hésiode qui, dans la Théogonie décrit la création de / De ?
….
- Oui ! C’est de Pandora qu’il s’agit ! Pandora, la première femme inventée par Zeus spécialement pour châtier les hommes qui venaient de bénéficier du feu, volé aux Dieux par / Par ?
……
- Oui ! par Prométhée !
(Bon, on aura compris que sur la même lancée j’ai fait une overdose de télé junior. Mais je vais me soigner).
Au fond, dans les mythologies qui décrivent son apparition, la femme n’a généralement pas le beau rôle : quand par miracle elle est inventée par Dieu pour le bien de l’homme (comme Eve auprès d’Adam), elle gâche tout par sa perversité, et elle devient cause du malheur du monde.
Quand, mieux avisés, les Dieux l’inventent exprès pour faire le malheur de l’homme, elle y réussit si bien que nous autres qui survenons des millénaires plus tard nous en subissons encore les effets. Tel est le cas de / De ? (Stop !) … tel est le cas de la fameuse boite de Pandora, qui en libérant les maux qui affligent l’humanité et en tenant prisonnière l’espérance a fait de nous des victimes naïves.
- Aidez-moi, mes petits amis à résoudre l’énigme suivante : l’auteur du scénario des Schtroumpfs (1) a-t-il eu besoin d’Hésiode pour inventer la Schtroumpfette, ou bien y a-t-il comme ça dans l’inconscient culturel occidental une image négative de la femme dont Pandora elle-même n’aurait été qu’un avatar ?
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(1) La bande dessinée Les Schtroumpfs a été créée par Peyo, me dit Wikipédia

Monday, August 26, 2013

Citation du 27 août 2013


Ce serait beau, l’honnêteté d'un avocat qui demanderait la condamnation de son client.
Jules Renard
Le décès de Jacques Vergès a réanimé le débat : comment, quand on est avocat, peut-on défendre les plus ignobles assassins sans être complice de leur forfait ?
Maître Vergès, qu’on a surnommé « l’avocat du Diable » pour avoir défendu des personnages aussi peu recommandables que Klaus Barbie ou le terroriste Carlos, se faisait une gloire de prendre la défense des pires dictateurs lorsque par malheur pour eux ils se retrouvaient  devant un juge.
C’est une occasion de nous interroger sur notre façon de percevoir la justice. On ne s’étonne pas qu’un avocat se lève dans un prétoire pour défendre un accusé qu’on croit être injustement incriminé : ça veut dire que pour nous la parole de l’avocat exprime non seulement sa conviction intime mais aussi la vérité des faits. L’avocat est alors, celui qui prend la parole à la place de l’accusé pour dire, avec des phrases mieux construites et plus intelligibles ce que son client aurait voulu dire. Entre l’avocat et son client, la seule différence est dans la forme, pas dans le fonds – c’est-à-dire : dans la pensée. Du temps des grecs, l’ancêtre de l’avocat était le logographe, qui  écrivait la plaidoirie que l’accusé lisait à ses juges pour demander leur clémence.
Et c’est la même chose lorsque nous croyons que l’accusé est coupable : l’avocat honnête devrait demander la condamnation de son client. Il ne peut donc – selon cette logique – le défendre qu’à condition de mentir aux juges et de les étourdir avec des paroles fallacieuses. Faute de disposer des faits (1), son royaume est la parole, sa force réside dans la faiblesse de ses auditeurs.
Paradoxe : menteur et sophiste, l’avocat est pourtant selon le droit un acteur indispensable du procès. Jacques Vergès souriait quand on lui reprochait d’avoir défendu Klaus Barbie : « tout accusé a droit à une défense » répondait-il. A charge pour nous de dire comment on défend celui qu’on croit indéfendable ?
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(1) N’oublions pas que l’instruction à  décharge est dévolue au juge d’instruction et non, comme aux USA à l’avocat du prévenu.