Monday, November 30, 2015

Citation du 1er décembre 2015

La différence est que le bon s'ordonne par rapport au tout, et que le méchant ordonne le tout par rapport à lui. Celui-ci se fait le centre de toutes choses l'autre mesure son rayon et se tient à la circonférence.
Jean-Jacques Rousseau – Emile ou De l'éducation (1762), IV
 (Ceux) qui essaieront de montrer que leur existence était nécessaire, alors qu'elle est la contingence même de l'apparition de l'homme sur la terre, je les appellerai salauds.
Sartre – L'existentialisme est un humanisme

 
Anouk Ricard, illustration pour « Questions des tout-petits sur les méchants » de Marie Aubinay (Publié dans Libé du 27/11 p.13)
Deux questions complémentaires :
- Existe-t-il des gens vraiment méchants ?
- Comment de défend-on des (vraiment) méchants ?
Kant pensait que le méchant vraiment méchant, celui du mal radical, qui veut le mal en tant que mal, qui veut faire le mal sans plaisir, sans affect, par respect pour lui, n’existe pas parce que le mal ainsi défini est le mal radical et qu’il est aussi inaccessible à l’être humain que le souverain bien : l’homme a un comportement qui est toujours teinté d’espoir ou de plaisir (être valorisé par son acte mauvais, éprouver du plaisir parce qu’on est un sadique etc.).
Serions-nous ainsi délivrés des méchants ? Pas si sûr : si l’on veut comprendre les gens vraiment mauvais, il faut recourir à Rousseau et Sartre ; selon ce dernier, le « mauvais » ou si l’on préfère le « salaud », est celui pour qui les autres ne sont rien de plus qu’un objet – ou qu’un animal – dont ils peuvent disposer à leur guise. Leur vie, leur liberté, est, comme le dit Rousseau, au centre du  monde, tout s’ordonne par rapport à eux et ils disposent de tous les autres humains comme d’instrument pour leur satisfaction. On a là un tableau qui fait penser au pervers narcissique, à cette différence que cette jouissance-là n’est pas nécessairement le moteur de leurs actes. Même s’ils n’éprouvent pas de la jouissance à faire souffrir ils le feront si c’est la condition pour obtenir leur contentement.
Bref : il y  a beaucoup plus de salauds que de pervers. Et ça, c’est quand même une bonne nouvelle !
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P.S. Je m’aperçois que je n’ai pas répondu à la question : comment se défend-on des méchants ?

Bon, revenez demain.

Sunday, November 29, 2015

Citation du 30 novembre 2015

Eh mec tu t'acharnes à tirer les stores…  / faut être saturé d'un rare espoir / pour danser dans les ruines des limousines / y a ta b.m qui crame sur le trottoir / dis-toi que c'est beau comme un chœur d'orphelines
Hubert-Félix Thiéfaine – Défloration 13 (2001),
Quand la banlieue descendra sur la ville
Lire les paroles ici – La vidéo ici

(Carcasses de voitures – suite)
L’espoir, oui : il continue d’être notre bien le plus précieux, et nous devons le cultiver à chaque occasion propice.
En voici une : en 2001 H.F. Theffaine composait une chanson où affirmait que les barbares sont parmi nous (1). Ils sont dans les banlieues où ils rêvent d’assassiner Mozart, croyant que c’est un auteur de zikmu pour noces et matchs de foot (c’est dans la chanson : vérifiez si vous ne me croyez pas). Par contre, aujourd’hui, les barbares ne sont plus que ces quelques illuminés qui après être allés en Syrie reviennent la kalach’ en bandoulière, rêvant d’assassiner les idolâtres des Eagles of death. Certes, ça fait très mal, mais on n’a plus ce fâcheux sentiment d’être haï par nos propres enfants.

Certains vont ricaner en me lisant : - Quoi ! Vous faites semblant d’ignorer que beaucoup de vos jeunes ne veulent plus être vos enfants : ils se radicalisent tranquilou derrière leur écran d’ordi et ils cherchent la recette pour fabriquer leur ceinture explosive ?
En 2001, H.F. Thieffaine pensait qu’on avait un soulèvement populaire, des pauvres contres les riches qui les méprisent autant par mauvaiseté que par inconscience. Aujourd’hui, nous avons des convertis au salafisme qui s’arment contre les croisés, les sionistes et les renégats. Y a-t-il là de quoi être optimiste ? Peut-être pas complètement, mais un peu tout de même : en 2005, lors des émeutes de banlieues, l’ennemi, était partout c’est à dire nulle part. Aujourd’hui, l’ennemi est clairement désigné et on peut le reconnaitre à ce qu’il fréquente certaines mosquées, se risque à franchir certaines frontières et qu’il répand son fiel sur les réseaux sociaux.
C’est réconfortant.
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(1) Tout ce qui va suivre fait aussi référence aux émeutes de 2005 que Thieffaine ne pouvait pas connaitre lorsqu’il composa sa chanson.

Saturday, November 28, 2015

Citation du 29 novembre 2015

 Les fleurs poussent aussi parmi les ruines.
Marilyn French
L'amour est une plante de printemps qui parfume tout de son espoir, même les ruines où il s'accroche.
Gustave Flaubert – Correspondance, à Louise Colet, 7 octobre 1846

Épaves de voitures en Corse. –Le blog de jean jo
On peut philosopher au milieu des ruines tel Renan méditant sa Prière sur l’acropole.
Il est plus rare de s’éprendre des épaves de voitures rouillées abandonnées dans le maquis corse. Et pourtant voilà ce qui est arrivé à l’auteur du Blog de Jean Jo, qui prend plaisir à nous faire partager ses découvertes au fil des sentiers corses, et qui nous permet de les apprécier en détaillant leur état, leur marque etc.
Et après tout, pourquoi pas ? Ces épaves ont des formes parfois surprenantes, mais surtout elles ressuscitent pour nous des modèles lointains de l’histoire de l’automobile. Elles aussi ont eu leur heure de gloire, leurs propriétaires étaient fiers de s’exhiber avec elles avant de les abandonner lâchement. Il nous est permis d’imaginer leurs histoires et de nous échauffer l’imagination. Mais ceux qui sont plus rêveurs peuvent philosopher en contemplant le contraste entre ces tôles disjointes et rouillées et les herbes ou les fleurs des prés qui les ont colonisées.
Oui, comme les ruines des temples mayas envahis par la jungle, la végétation des prairies donne aussi aux vieilles voitures un écrin de vie. La mort n’est rien, la vie continue… après !
Nous aussi, nous serons un jour un tas de vieux os blanchis dans la glèbe – peut-être qu’un artiste du futur nous fera l’honneur de se saisir d’eux pour les enjoliver de son art ?
Chic !


Niki de Saint Phalle

Friday, November 27, 2015

Citation du 28 novembre 2015

Le regard général des Français sur l’école maternelle et celui des enseignants est très proche … : ils la décrivent comme une école essentielle, œuvrant pour les apprentissages mais aussi le vivre ensemble et l’épanouissement des élèves.
Harris Interactive – Sondages d’opinion. 24 novembre 2015 - (Lors d’un colloque intitulé « Nouveaux programmes en maternelle : un nouvel élan pour le travail enseignant ? »)

 
Ecole Montesori – Exercice pour prendre soin de l’environnement de la classe (Voirici)

Qui est en rose et manie le balai ? Quels sont les trois enfants à l’arrière plan entrain de bavarder ? Quelle signature en bas à droite de la photo ?
Après la vague de contestation de la « manif pour tous », dénonçant les intrusions de l’école dans l’éducation donnée aux enfants relativement au genre garçon/fille, devons-nous comprendre que la satisfaction affichée à présent par les parents viendrait de ce qu’on aurait redressé la barre et donné aux petits filles dans la classe maternelle un rôle à la mesure de ce que la tradition accorde aux femmes ?
Poser ces questions, c’est y répondre : je m’en voudrais d’enfoncer ces portes ouvertes.
Par contre, il y a deux questions qui me préoccupent :
            - Est-ce que cette photo vous choque ?
            - Supposez-vous que cette petite fille soit contente de balayer la classe ?
Commençons par la seconde : – Oui, cette enfant est peut-être très contente de balayer. Soit que ce soit une activité plaisante en elle-même (voyez avec quelle élégance elle tient son balai) ; soit qu’on lui ait donné un statut particulier (du genre : Si tu es bien sage tu auras le droit de balayer la classe !). Bien entendu on ne lui a rien dit du statut social de la femme de ménage : elle est beaucoup trop jeune pour entendre cela !
Maintenant, la première question : comme à beaucoup, la fonction d’intégration de l’école vous paraît sans doute primordiale. Mais… Sommes-nous d’accord pour dire quels changements sont souhaitables ? Les manif contre les programmes scolaires en rapport avec l’égalité des filles et des garçons semblent bien montrer que non.
--> Si l’on veut que l’école contribue à changer la société (ce que les programmes scolaires favorisant l’égalité homme/femmes semblent vouloir) alors créons des établissement officiellement organisés pour cela.
Des écoles au fronton des quelles au lieu d’écrire la devise de la République, on mettrait :
Ici, les petits garçons aussi doivent balayer la classe.

Ça risque de compliquer la carte scolaire, mais après tout, pourquoi pas ?

Thursday, November 26, 2015

Citation du 27 novembre 2015

Ne croyez donc jamais d'emblée au malheur des hommes. Demandez-leur seulement s'ils peuvent dormir encore ? ... Si oui, tout va bien. ça suffit.
Louis-Ferdinand Céline - Voyage au bout de la nuit
Si Céline a raison, alors les français sont très malheureux, car ce sont eux qui, de tous les européens, consomment le plus de somnifères. (1)
Mais : a-t-il raison ? Devons-nous croire qu’être malheureux nous empêche de dormir – et puis c’est tout !
De fait, Céline ne dit pas cela : s’il laisse entendre que l’insomnie reflète l’état de veille, c’est que le sommeil fait partie d’une réalité profonde de notre être. Si nous sommes vraiment malheureux, alors nous le sommes jusque dans notre sommeil, un peu comme lorsqu’on nous ampute d’une jambe, celle-ci nous manque aussi quand nous dormons.

Maintenant, on pourrait aussi se demander si, à l’inverse, le manque de sommeil ne se manifeste pas spécialement en raison de certains malheurs, dont l’influence disparait dans la vie éveillée dans le feu de l’action. Il s’agit de l’angoisse de la culpabilité dont on connaît le rôle dans Macbeth, le drame de Shakespeare (2). Dans ce cas, Céline dirait que le plus grand malheur est le complexe de culpabilité, et que si nous dormons « du sommeil du juste », alors nous n’avons pas à nous plaindre. Pour s’endormir, il faut accepter ce face à face avec nous-mêmes, et faire notre examen de conscience. Certains veulent se dérober à cela, en se remplissant le crâne de dérivatifs ennuyeux recherchés justement pour cela (ah ! la lecture destinée seulement à favoriser l’endormissement !)
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(1)  Et il paraît que ça continue à augmenter ! Voir ici

(2) «Ne dormez plus! Macbeth assassine le sommeil, l'innocent sommeil, le sommeil qui débrouille l'écheveau confus de nos soucis; le sommeil, mort de la vie de chaque jour, bain accordé à l'âpre travail, baume des âmes blessées, loi tutélaire de la nature, l'aliment principal du festin de la vie.» Macbeth Acte2, scène 2. Cité ici.