Tuesday, September 30, 2014

Citation du 1er octobre 2014



Tous nos produits sont adultérés pour en faciliter l'écoulement et en abréger l'existence. Notre époque sera appelée l'« âge de la falsification », comme les premières époques de l'humanité ont reçu les noms d'« âge de pierre », d'« âge de bronze », du caractère de leur production.
Paul Lafargue – Le droit à la paresse (1880)
Le récent débat sur l’obsolescence programmée (1) nous a fait croire qu’on avait là une ultime perversion de notre société de consommation. Si perversion il y a bien, elle ne date pas d’aujourd’hui : le droit à la paresse a été publié en 1880
Tout l’intérêt du débat concernant l’obsolescence programmée est de mettre en relief les deux façons pour une machine de tomber en panne : soit parce qu’elle a vieilli ; soit parce qu’on a mis dedans quelque chose exprès pour qu’elle se détraque. Du coup, voilà que je regarde mon imprimante d’un œil suspicieux : et si une puce était dedans, entrain de compter les feuilles qui passent pour mettre la machine en rideau après 10000 copies ?
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Reste que pour cette situation, on peut faire des lois et punir des coupables. Mais… N’y a-t-il pas aussi, tout au fond des cellules de notre corps un petit gène qui est chargé de les faire crever au bout d’un certain temps. Un gène létal ?
Devant les progrès de la génétique on se prend à rêver : si un tel gène existait, on pourrait le découvrir et le faire sauter. Dès lors, à nous l’éternelle jeunesse ! Finis les radicaux libres ! Fini le déclin inexorable de nos facultés !
Comprenons bien : les machines ne peuvent se régénérer elles-mêmes : si on ne les répare pas elles se détraquent inévitablement. Nous, notre corps se répare de lui-même jusqu’à ce que la vieillesse arrivant il ne puisse plus le faire. Mais, si on supprime le vieillissement, alors il va continuer à se reconstituer de lui-même indéfiniment.
Mathusalem est mort, dit-on à 969 ans : Pfffffff ! un jeune homme !
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(1) Je fais allusion au débat à la chambre des députés : «Les produits que nous utilisons dans la vie quotidienne sont trop souvent programmés par le producteur pour ne plus fonctionner après un certain nombre d'utilisations. Ces pratiques sont néfastes pour l'environnement et pèsent sur le pouvoir d'achat des ménages» Eric Alauzet, Denis Baupin et Cécile Duflot (Voir ici)

Monday, September 29, 2014

Citation du 30 septembre 2014



Partout des robots obéissant à des ordinateurs prennent la place des hommes. Ils ne tombent guère malades, ils ne sont pas syndiqués, ils n'ont pas d'état d'âme ; la lutte est inégale. Dans une société menée par la compétition, la machine remplace l'homme, et l'homme n'a plus d'utilité. Il n'est même plus nécessaire d'exploiter les travailleurs ; il suffit de se passer d'eux. A l'exploitation a succédé l'exclusion. Comment imaginer que des sociétés puissent rester paisibles quand une foule d'hommes et de femmes s'entendent dire qu'ils sont de trop ? Avec la définition de l'homme que nous avons adopté, chacun devient lui-même au foyer du regard des autres : pour faire un homme, il faut des hommes Aucun ne peut donc être de trop, toute élimination de l'un est une déperdition pour tous.
Albert Jacquard    J'accuse l'économie triomphante, p.32-33.
Ce texte est un peu long, décomposons-le :
1 – « Partout des robots obéissant à des ordinateurs prennent la place des hommes. Ils ne tombent guère malades, ils ne sont pas syndiqués, ils n'ont pas d'état d'âme ; la lutte est inégale. Dans une société menée par la compétition, la machine remplace l'homme, et l'homme n'a plus d'utilité. »
2 – « Il n'est même plus nécessaire d'exploiter les travailleurs ; il suffit de se passer d'eux. A l'exploitation a succédé l'exclusion. Comment imaginer que des sociétés puissent rester paisibles quand une foule d'hommes et de femmes s'entendent dire qu'ils sont de trop ? »
3 – « Avec la définition de l'homme que nous avons adopté, chacun devient lui-même au foyer du regard des autres : pour faire un homme, il faut des hommes Aucun ne peut donc être de trop, toute élimination de l'un est une déperdition pour tous. »
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Maintenant, analysons :
L’idée ramenée à son ultime aboutissement est relativement simple : l’utilité de chaque homme est de contribuer à l’existence de tous les autres ; on a donc besoin de tous et de chacun.
Ça, c’est ce que tout le monde pense ; seulement on croit que c’est par son travail que l’individu est utile à la communauté – d’où le problème posé par la machine rivale du travailleur. D’où aussi le désespoir du chômeur à qui on dit : « Fiche le camp, on n’a plus besoin de toi. Tiens prends quand même ton indemnité : on ne va pas te laisser mourir de faim ! » (1)
Non – La nécessité pour nous d’être entouré d’autres hommes, c’est que « chacun devient lui-même au foyer du regard des autres : pour faire un homme, il faut des hommes ».
Et là, aucune machine ne peut remplacer l’être humain.
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Et alors : qu’en pensons-nous ?
Vous, je ne sais pas. Mais moi, je me dis que j’ai des amis très chers de qui je reçois plein de messages affectueux qui me prouvent que mon existence est largement justifiée. Mais au mendiant sur le bord du trottoir, je ne fais même pas l’aumône d’un regard. Qu’il demande ça aux autres miséreux de son espèce !
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(1) Pour l’indemnité ça risque de ne plus durer très longtemps
Relevons aussi au passage la remarque d’Asimov : A l'exploitation a succédé l'exclusion. Le chômeur est bien heureux quand quelqu’un consent à l’embaucher, c’est-à-dire à l’exploiter

Sunday, September 28, 2014

Citation du 29 septembre 2014



Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme.
Genèse 1-27 (Traduction Louis Segond)
L'être humain croira toujours que plus le robot paraît humain, plus il est avancé, complexe et intelligent.
Isaac Asimov – Les robots de l'aube

S’est-on jamais demandé pourquoi Dieu créa l’homme à son image ? Sans doute était-ce trop évident : parce que pour être aussi parfait qu’il puisse être, l’homme doit ressembler le plus possible à Dieu. Notons en passant que le fait de représenter Dieu en image ne devrait gêner ni les chrétiens ni les juifs parce que l’homme est lui-même déjà une image de Dieu.
Mais ça, c’est dans la logique humaine que ça se passe comme ça. Qu’est-ce qui nous prouve que Dieu a fonctionné avec une telle logique ? Peut-être que l’homme possèderait plus de perfections à être façonné sur un plan original plutôt que copié sur Dieu ? Comme le disait Leibniz, si Dieu possède toutes les perfections, peut-être que certaines d’entre elles sont au niveau humain incompatibles avec ce que nous sommes en tant que créature (comme l’omniscience avec la faiblesse humaine).  

Bien sûr, l’homme à son tour et à son niveau devient un créateur. Et lui aussi pense que ses créations doivent porter sa marque et si possible, lui ressembler.
Toutefois : si ce qu’on crée doit nous ressembler pour être aussi parfait que possible, c’est uniquement parce qu’on est sous l’influence de notre narcissisme, ce qui ne peut être le cas de Dieu.
Mais enfin, on le sait depuis longtemps : nos machines ne gagnent rien à être calquées sur nous-mêmes, comme la machine à coudre qu’on ne put réaliser que lorsqu’enfin on renonça à imiter les gestes de la couturière. Quant aux robots, on le voit bien aujourd’hui. Si on est fasciné par les machines anthropomorphes, les plus efficaces des robots sont ceux qui ne nous ressemblent pas.

Saturday, September 27, 2014

Citation du 28 septembre 2014


Un jour deux grenouilles sont tombées dans un pot à lait. Je suis perdue dit l'une d'elles. Elle tomba au fond et se noya. L'autre se mit à agiter les pattes de toutes ses forces et se retrouva, au matin, perchée sur une motte de beurre fraîchement baratté.
Nina Berberova – C'est moi qui souligne
Encore, encore des grenouilles !!!!
Oui, mais pas n’importe lesquelles. Il s’agit de grenouilles qui délivrent une morale bien utile pour méditer tout votre dimanche.
Quand tout semble perdu, il y a encore deux manières d’envisager l’avenir : soit à la façon de la grenouille pessimiste qui se noie. Soit comme la grenouille nageuse de Nina Berberova.
Vous voilà prévenu.
1 – La France est comme le pot à lait dans lequel nous barbotons : sans consistance, elle ne nous soutient plus : la maitresse du petit est enceinte et elle ne sera pas remplacée ; le commissariat tout le temps fermé ; et le facteur – mais de quoi parlez-vous ?
Nous perdons pied, rien ne nous soutient et nous allons périr noyés.
2 – Oui, mais dans le même temps, la France peut changer : de lait elle peut devenir motte de beurre. On peut se débrouiller avec les gens du quartier ; se rendre service entre voisins, faire des milices pour protéger nos biens (hum…), échanger des heures de plomberie contre des cours particuliers pour le petit…Bref : même si on n’aime pas le beurre, il a une qualité : on peut se percher dessus et surnager.
Tout ça, me direz-vous on connait bien : l’Argentine et la Grèce sont déjà passées par là.
La leçon doit donc être généralisée : la grenouille nageuse n’a au départ aucun espoir ; elle ne sait pas que le beurre existe, et encore moins qu’il peut apparaitre quand on barate le lait (ou plutôt : la crème). La grenouille nageuse n’a donc pas de projet particulier ; elle ne se dit pas : « Je vais agiter frénétiquement mes petites pattes et je vais baratter le lait pour éviter de me noyer ». C’est simplement dans sa nature de ne pas de lâcher prise et de se laisser mourir. Elle n’est pas résignée et
Elle n’a besoin d’aucun espoir pour lutter.

Belle leçon n’est-ce pas ? Et vous cher lecteur, êtes-vous grenouille nageuse ou bien grenouille résignée ? Comment ? Vous ne savez pas ? C’est qu’on ne peut le savoir que quand on est tombé dans le pot de lait.
Patientez encore un peu : dans peu de temps (1) vous aurez l’occasion de le vérifier.
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(1) Par exemple dans 15 jours, lors du vote du budget 2015

Friday, September 26, 2014

Citation du 27 septembre 2014



Rassembler les centristes, c'est comme conduire une brouette pleine de grenouilles : elles sautent dans tous les sens.
François Bayrou (Sélection du prix de l'humour politique 2011)

Encore une histoire de grenouilles.
Une brouette pleine de grenouilles qui sautent dans tous les sens
Belle image, n’est-ce pas ? Et véridique en plus. Car le problème des centristes, c’est de rester au centre, en se gardant des déviations vers la droite ou vers la gauche que ses adhérents n’arrêtent pas de lui proposer : ils sont comme des grenouilles qui sautent – non dans tous les sens – mais forcément du côté droit ou du côté gauche de la brouette…
On pourrait légitimement demander à François Bayrou : pourquoi donc les grenouilles au lieu de rester bien calées dans la brouette vont-elles sauter ainsi ? La brouette est-elle mal pilotée, agitée de soubresauts, ce qui pousserait ces animaux à se sauver ainsi ? Ou bien est-ce dans la nature des grenouilles de sauter, n’importe où – mais de sauter ?
- Dans le premier cas, il suffit de changer de jardinier : demander à Borloo ou Morin.
- Sinon c’est que le centre n’est pas viable, que personne ne veut y être et qu’il n’y a à l’hémicycle de l’Assemblée nationale que deux coté : le droit et le gauche. Quant au marais (là où vivent les grenouilles), tous les régimes à toutes les époques l’ont vomi.

… Reste que, si comme le disait Giscard, la France veut être gouvernée au centre, il ne faudrait pas en déduire qu’elle a besoin d’un grand parti centriste. C’est du moins la thèse que soutenait Dominique Rousseau, professeur à l'université Montpellier-I.
C’était en 1998 (lire ici)… Les choses ont-elles changé aujourd’hui ?