Monday, June 30, 2014

Citation du 1er juillet 2014



Le patriotisme est la plus puissante manifestation de l'âme d'une race. Il représente un instinct de conservation collectif qui, en cas de péril national, se substitue immédiatement à l'instinct de conservation individuelle.
Gustave Le Bon  - Hier et Demain
Dimanche, en faisant mon marché, j’ai sursauté : ici et là, des marchands d’« accessoires » ou de bibelots exotiques avaient à leur étal des drapeaux français – des petits, des grands, offerts pour quelques euros.
- Quoi, me dis-je, le patriotisme serait de retour ? La crise que traverse notre pauvre pays est donc telle que l’on se mette à arborer notre drapeau à la fenêtre ? Veut-on défendre la Patrie en danger ? Un péril national déclenche-t-il un instinct de conservation collectif se traduisant par ce sursaut patriotique ?
Et puis j’ai compris :
- Suis-je bête ! C’est le mondial de foot ! Qui donc agite le drapeau français ? Les supporters des « Bleus » ! Où donc chante-t-on la Marseillaise ? Dans les stades !
Hélas ! Pauvre gloire pour une pauvre Patrie !
--> Ne ronchonnons pas – du moins pas tout de suite. Demandons-nous d’abord si on ne devrait pas au contraire se réjouir que le drapeau français ne soit sur le marché que lors de la Coupe du Monde. Que vaut-il mieux ? Chanter la Marseillaise en marchant au pas (ce pour quoi elle a été faite) ou en communiant dans la ola ?
Vous êtes pour ça :

Ou pour ça :


Sunday, June 29, 2014

Citation du 30 juin 2014


La meilleure façon de tuer un artiste est sûrement de lui donner tout ce dont il a besoin.
Henry Miller – Peindre c'est aimer à nouveau

En pleine contestation des Intermittents du spectacle, 
voilà juste un peu d’huile à mettre sur le feu.
Cette phrase, sous la plume d’Henry Miller sent bon sa bohème, ses café-crèmes au petit matin d’une nuit sans sommeil, au sortir d’un lit qui n’a sûrement pas été celui de la compagne légitime…
Bref, vous ne voudriez quand même pas rabattre les soucis des artistes sur la platitude des besoins vitaux, sur le loyer à payer, sur le Big-Mac de midi – et sur le rail du soir…
Quoique… De quoi vivaient les artistes autrefois ? Ils pouvaient avoir un traitement - presque comme le domestique de la maison (au risque de le payer cher en dépendance comme Haydn (1)). Ils pouvaient aussi être pensionnés, sinon subventionné comme Wagner par Louis II. Ils pouvaient bénéficier des largesses d’une fidèle admiratrice comme Tchaïkovski avec madame von Meck.
Bref : d’une façon comme d’une autre l’idée est qu’on ne peut supposer qu’un artiste puisse vivre « nécessairement » de son art. Je dis nécessairement pour signaler que si l’artisan est sûr de rencontrer des gens qui auront besoin de lui et qui seront prêt à lui verser une rémunération à la hauteur de ses besoins, l’artiste, lui ne peut ni ne doit avoir une telle perspective.
J’entends bien qu’un artiste puisse répondre à une commande, c’était même la règle autrefois. Mais en même temps, il faudrait être très grand pour créer et mettre son âme dans ce qui n’était qu’une demande d’un client – et en réalité, il faut surtout être assez connu pour que la manière du créateur soit l’objet même de la commande. A Bernard Buffet, on pouvait demander : « Faites-moi le portrait de ma femme ». Mais en réalité, on lui demandait surtout : « Faites-moi un Bernard Buffet ».
Alors: comionneur le jiour - et danseur de ballet le soir ? Non, bien sûr ; mais qui doit payer ?
o-o-o
Concluons : les Intermittents demandent à vivre y compris les jours où ils ne produisent rien : on le leur reproche.
Viendra à jour où on reprochera aussi aux retraités de ne rien produire en échange de leur pension.
Je crois même que certains commencent à y songer…
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(1) « En 1782, Haydn projette de se rendre à Londres, sa venue est annoncée dans les journaux anglais, mais en 1783, seule la musique est au rendez-vous, Nicolas-le-magnifique [Esterhazy] n'autorise pas Haydn à quitter son poste pour quelques mois. » Lire la biographie de Haydn ici.

Saturday, June 28, 2014

Citation du 29 Juin 2014



Si le communiste voit en toi un homme et un frère, ce n'est là que sa manière de voir des dimanches... Si tu étais un fainéant, il ne reconnaîtrait pas en toi l'Homme, il y verrait un homme paresseux à corriger de sa paresse et à catéchiser pour le convertir à la croyance que le travail est la destination et la vocation de l'Homme.
Max Stirner - 1806-1856
Qu’est-ce donc, pour parler comme Stirner que l’homme du dimanche ?
Le dimanche, c’est un jour chômé ; c’est donc le moment de l’égalité – égalité entre les laborieux et les paresseux. Car s’il est un point sur lequel le marxiste (façon 19ème siècle du moins) et le chrétien sont bien d’accord, c’est sur le fait que le travail est la destination et la vocation de l'Homme
o-o-o
Certains pensaient faire un mot d’esprit en disant : « Le capitalisme c’est l’exploitation de l’homme par l’homme. Le communisme, c’est l’inverse. ». Ils auraient peut-être été d’accord pour dire : « Le capitalisme considère que l’homme est fait pour travailler. Et le communisme, c’est pareil. » Car tous deux considèrent que l’homme est sur terre pour travailler, que l’oisiveté est contraire à sa nature, et que la paresse est vraiment le vice le plus grave.
Sans doute le communiste dont parle Stirner est-il plus moralisateur et le capitaliste plus cynique ; sans doute faut-il voir dans leur entente la preuve qu’ils puisent tous deux leur accord dans une origine commune dans la société industrielle (voir Raymond Aron). Mais nous avons ici la preuve que le 19ème siècle est un siècle de travailleur, et non un siècle de consommateurs.
Car, voilà la différence avec le 21ème siècle : si le dimanche est dans la tradition judéo-chrétienne le moment où, comme le Seigneur-Dieu, l’homme doit se reposer, dans notre civilisation, le dimanche est fait pour consommer. C’est même ce que de façon prémonitoire Lafarge écrivait dans Le droit à la paresse (1) : il faut bien que de temps en temps le prolétariat s’arrête de produire pour consommer ce qu’il a produit.
--> De là la polémique sur l’ouverture des magasins le dimanche : faire passer le repos de quelques-uns après l’exigence de consommation des autres. Alors, certes, on préfèrerait que personne ne travaille. Mais si c’est au prix de la cessation totale et absolue de la consommation, alors là : Non !
D’ailleurs, notons encore ceci : les malheureux sacrifiés qui vont travailler le dimanche vont pouvoir se faire grassement payer – en application du principe : Travailler plus, pour gagner plus.
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Citation du 28 juin 2014

Les hommes politiques ne contrôlent plus rien ; c'est l'économie qui gouverne. Le marketing est une perversion de la démocratie : c'est l'orchestre qui gouverne le chef. Ce sont les sondages qui font la politique, les tests qui font la publicité, les panels sneak previews qui déterminent la fin des films de cinéma, les audimats qui font la télévision.
Frédéric Beigbeder – 99 francs (Publié en 2000)

Qui donc gouverne ? Trois possibilités :
            - ou bien ce sont les hommes politiques ;
            - ou bien ce sont les marchés financiers ;
            - ou bien c’est l’opinion publique.
Frédéric Beigbeder juxtapose sans plus de précision deux de ces trois éventualités : l’économie et l’opinion (1).
Il le dit même de façon claire et cynique : ce sont les sondages qui font la politique, au même titre que les tests déterminent le contenu du message publicitaire ou la fin des récits filmés.

Effectivement : l’homme politique a plusieurs façons de ne plus gouverner. Par exemple quand il est soumis aux contraintes de l’économie qui le privent de toute marge de manœuvre : c’est suffisamment évident aujourd’hui pour qu’on n’y insiste pas.
Mais il peut aussi perdre le contrôle de son action lorsqu’il gouverne avec l’œil rivé sur le sondages pour les faire remonter – ou éviter qu’ils baissent ; il arrive même qu’il fasse réaliser des sondages avant de proposer une réforme pour la modifier éventuellement en fonction de la tolérance de l’opinion : ça c’est aussi une manière de ne pas gouverner.

Mais Frédéric Beigbeder dit encore mieux (ou pire) : lorsque c’est l’orchestre qui gouverne le chef, alors c’est une perversion de la démocratie. Oui, vous avez bien lu : la véritable démocratie, c’est quand c’est le chef qui gouverne et l’orchestre qui suit.
Est-ce que ça vous parait raisonnable ? Non ? Mais alors, expliquez-moi pourquoi tous les gouvernements qui ont voulu obéir à l’opinion publique (à mon avis depuis 1993) ont planté lamentablement la France et l’ont mise dans la situation où elle se trouve aujourd’hui ?
Pas convaincu ? Alors demandez-vous qu’est-ce que le peuple anglais aurait répondu en 1940 si on lui avait demandé : « Souhaitez-vous donner à votre pays votre sueur votre sang et vos larmes ? »
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(1) Je suppose qu’en écrivant « économie », il songe à ce qui permet un profit, ce qui explique l’introduction du « marketing» la ligne suivante

Friday, June 27, 2014

Citation du 27 juin 2014

Les idées ne divisent pas, elles ne partagent pas : elles excluent. Car il ne saurait y avoir deux vérités. Dès lors qu'on possède la vérité, le reste n'est que folie, aberration, perversion intrinsèque.
Michel del Castillo – Le Sortilège espagnol

Chaque vérité exclue toute affirmation contraire. La terre tourne autour du soleil et dire l’inverse n'est que folie, aberration, perversion intrinsèque. Ce qui veut dire que détenir la vérité ne produit rien de social, rien de convivial. Si je possède la vérité, que m’importent les autres ? Je peux à la rigueur m’intéresser à eux pour les détromper s’ils ont dans l’erreur. Mais par ailleurs, je me suffis à moi-même.

Tout cela est très évident. Ce qui l’est moins, c’est que Michel del Castillo parle ici « des idées » en général, ce qui pose la question de savoir si elles sont toutes exclusives des autres.
Alors bien sûr, il est des idées qui sont l’expression d’une vérité individuelle, l’expression exacte d’une expérience unique, comme si je décrivais mes sensations lors d’un évènement que j’aurais été le seul à vivre.
Si je pousse à l’extrême, je dirais que :
            1° Toute expérience vécue est unique par ce que chacun de nous l’est également ;
            2° Même ceux qui ont vécu la même situation ne peuvent prétendre connaitre ma vérité, puisqu’ils sont enfermés chacun dans la leur.

Il est vrai que cela apparait comme un appauvrissement : que je sois au milieu des autres ou bien seul sur une ile, ça ne changerait rien ?
En réalité on n’échappe à cette malédiction de l’individualisme qu’à 2 conditions :
– Soit de considérer que ces vérités individuelles sont en réalité des perspectives différentes mais voisines sur la même réalité. On peut alors penser qu’il serait possible de les mettre bout à bout, comme le fait mon appareil photo pour fabriquer un panorama.

– Soit on peut estimer qu’il y a là différentes manières de vivre une scène de la vie, et que comme le poète, chacun me décrit ce que je n’ai pas vécu – mais que grâce à lui je peux vivre à mon tour.