Tuesday, February 28, 2017

Citation du 1er mars 2017

L'uniformité c'est la mort, la diversité c'est la vie.
Mikhaïl Bakounine –  La Liberté
« La diversité c'est la vie ». Voilà une formule chère aux anarchistes, parce qu’elle est une conséquence de leurs principes. Les hommes libres n’obéissent qu’à eux-mêmes et ils se façonnent selon leur propre volonté dont on peut croire qu’elle ne sera jamais exactement la même que celle du voisin. En revanche, le moule imposé par l’Etat élimine toutes ces différences pour ne garder que les éléments communs. On dira : « Qu’importe si ces éléments sont les plus importants ? » Mais rien n’autorise à croire que le Gouvernement tyrannique s’intéresse au meilleur de l’humain ; il peut aussi gommer les différences les plus précieuses pour ne garder que le dérisoire.

Passons maintenant à la suite du jugement de Bakounine :
« L’uniformité c’est la mort ». Oui, n’est-ce pas, une fois mort, nous nous ressemblons tous, seuls nos ADN peuvent encore nous différencier, et nous savons que les variantes génétiques ne portent que sur des éléments mineurs du génome, comme par exemple d’avoir des cheveux blonds ou bruns. Du coup agir tous comme un seul homme, c’est cela être mort dans la vie même. Car être vivant, ce n’est pas être un pantin mû par son ADN ; c’est vouloir par soi-même et faire ce que veut notre volonté.
Reste que toutes ces libertés livrées à elles mêmes risquent de faire bien du désordre incompatible avec nos civilisations si bien organisées. Au point qu’on nous coordonne en douceur avec nos réseaux sociaux qui nous disent quoi penser tous-pareils et tous-en-même-temps.
Mais les anarchistes sont des vieux idéalistes ; ils délaissent réseaux et Smartphones et ils disent que la nature humaine, si on la laisse libre de toute contrainte produit des individus qui vont spontanément se reconnaître les uns les autres et se coordonner. On y perdra peut-être en efficacité dans le travail et en richesse, mais on y gagnera à ne plus ressembler à ça :

Corée du nord

Monday, February 27, 2017

Citation du 28 février 2017

Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres.
Bakounine – Catéchisme révolutionnaire1865
L’idée contenue dans cette citation de Bakounine a été la source de bien des méprises surtout de la part d’élèves de terminale quand leur prof de philo leur posait le sujet de dissertation suivant : « Peut-on être libre quand les autres ne le sont pas? » Car beaucoup répondaient alors, sans y voir de malice, « oui, la preuve c’est que sans prisons on serait moins libre qu’avec »
C’est qu’en fait on va droit à la réponse sans s’interroger sur le rapport entre la liberté et la société des hommes. Car alors, on verrait les délinquants qui portent atteinte à la liberté des autres comme des cas particuliers d’un phénomène général.
Pour le comprendre suivons Bakounine :
« L'homme n'est réellement libre qu'autant que sa liberté, librement reconnue et représentée comme par un miroir par la conscience libre de tous les autres, trouve la confirmation de son extension à l'infini dans leur liberté. L'homme n'est vraiment libre que parmi d'autres hommes également libres; et comme il n'est libre qu'à titre humain, l'esclavage d'un seul homme sur la terre, étant une offense contre le principe même de l'humanité, est une négation de la liberté de tous. » Mikhaïl Bakounine - Catéchisme révolutionnaire
Si l’on met de côté le cas de l’esclave qui détruit le principe de la liberté, il reste que notre liberté n’existe qu’au milieu des autres, non par le secours qu’ils peuvent nous apporter, mais par la représentation qu’ils en ont.
Ce qui signifie :
            - que la liberté n’est autre que la liberté civile et qu’elle est comme les frontières : elle n’existe qu’à condition d’être reconnue ; c’est comme un jeu de miroirs, ce qui signifie que ceux à qui nous la refusons peuvent bien faire de même.
            - d’autre par, qu’elle est démultipliée par les consciences qui nous entourent à condition qu’elles soient des consciences elles mêmes libres. L’infini de la représentation ressemble à ces deux miroirs mis face à face et qui reflètent à l’infini les cadres qui les entourent.

D’ailleurs lors que la société dénie à certains de ses membres le droit à la liberté, elle les cache derrière de hauts murs ou dans des lointaines banlieues, pour qu’on n’ait pas le spectacles de ces hommes en servitude. N’ayons que des libertés autour de nous, et tant pis pour ceux qui ne le sont pas, à condition qu’on ne les voit pas !

Mais justement, Bakounine de son regard perçant les voyait quand même !

Sunday, February 26, 2017

Citation du 27 février 2017

S'il ne se passe rien, écris pour le dire.
Cicéron
Un haussement d’épaule, une moue dégoutée : vous n’appréciez pas cette citation de Cicéron : « Encore une vanne ! On le sait depuis longtemps que seuls les crétins disent  « Ce n’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule » : de qui se moque-t-on ? »

Tout doux cher ami ! Croyez-vous donc que c’est pour une pareille banalité qu’on conserve cette pensée depuis plus de 2000 ans ? Que pendant tout ce temps, les lettrés qui l’ont lue se sont dit : « Tient ! Une vanne de Cicéron ? Gardons-la précieusement… »
Non, n’est-ce pas : il faut impérativement prendre au sérieux cette injonction : on peut ne rien avoir à dire, certes ; mais c’est peut-être simplement parce qu’il ne se passe rien. Dans ce cas, peut-être est-ce une raison suffisante pour le remarquer, comme Louis XVI inscrivant dans son livre de raison « Rien » à la date du 14 juillet 1789, signifiant que ce jour-là il n’avait rien pris à la chasse (voir ici) – ce qui n’est pas rien du tout, puisqu’alors on comprend que les loisirs du Roi sont suffisamment importants pour en conserver la trace.

Tout se passe comme si Cicéron adressait un avertissement à la presse de notre temps qui est à l’affut de tout évènement qui passe, si inessentiel soit-il. Qu’est-ce qui fait que l’éternuement d’une vedette du showbiz est suffisamment important pour qu’on en parle, alors que la poursuite du siège d’une ville du moyen orient au cours de la quelle les gens continuent de mourir à petit feu ne mérite pas une seule petite mention ? C’est que la première « nouvelle » relève de l’instantané, de l’évènementiel, et que, quelque soit le calibre de l’événement, il l’emporte sur les faits de longue durée. S’il ne se passe rien c’est peut-être que rien ne change, donc que tout ce qui était continue d’être.
Nous avons besoin de nouveauté, non pas que ce qui est nouveau soit plus important que ce qui dure, mais plutôt parce que nous avons besoin de surprise. Voyez comme nos hommes politiques l’entretiennent savamment et font de leur décision un évènement simplement parce qu’ils ont su faire croire jusqu’au dernier moment qu’ils allaient faire l’inverse de ce qu’ils annoncent finalement (1).
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(1) On aura saisi l’allusion à l’annonce du ralliement de monsieur Bayrou à monsieur Macron.

Saturday, February 25, 2017

Citation du 26 février 2017

Les chefs doivent tout rapporter à ce principe : ceux qu’ils gouvernent doivent être aussi heureux que possible.
Cicéron
Une supposition : vous voulez vous présenter à des élections présidentielles. Vous vous demandez : « Que faut-il promettre de réaliser pour être élu ? »
Et là, catastrophe ! Tout le monde promet la même chose : le bonheur ! Avec des variantes certes, mais comment faire valoir sa différence, comment montrer qu’on vaut mieux que les autres ? En faisant croire qu’on est plus sérieux, plus efficace, plus honnête ?
Pffffuittt ! Balivernes que tout cela : ce sont des mots et rien de plus. « Words, words, words » comme disait Hamlet.
Ce qu’il vous faut, c’est apparaitre à la télé en plan serré, juste le visage en gros plan éclairé sur un fond noir. Vous allez prendre un ton pénétré et dire ceci :
« Mes chers compatriotes, les autres candidats vont vous promettre la richesse et la santé, la paix et la prospérité, la sécurité derrière des murs infranchissables. Bref : ils vont prétendre gouverner afin que vous soyez aussi heureux que possible.
Moi je vais vous expliquer ce que c’est d’être heureux, afin que vous sachiez ce que vous pouvez attendre des candidats à cette élection.
Pour être heureux, mes chers compatriotes, il faut ne dépendre ni des autres ni des circonstances : la sécheresse, les inondations, ne vous feront rien parce que vous aurez appris à vous contenter de peu. Vous éviterez aussi de vous stresser pour des choses aux quelles vous ne pouvez rien : les chinois se gouvernent comme ils veulent et non comme vous le souhaiteriez : allez-vous leur faire la guerre pour autant ? 
Beaucoup de vos contemporains sont devenus agités et sots : s’ils vous déçoivent, oubliez les « friends » et les « followers » et contentez-vous de ceux qui vous plaisent vraiment, même s’ils se comptent sur les doigts d’une demi-main.
Bref : sachez chers amis vous comporter comme les sages de l’antiquité et alors vous saurez que vous n’avez rien à attendre ni rien à demander au candidat aux élections.

Et alors vous pourrez voter pour moi, qui n’ai ni programme ni rien à promettre ; rien qu’un exemple à montrer. »

Friday, February 24, 2017

Citation du 25 février 2017

T'avais mis ta robe légère/ Moi, l'échelle contre un cerisier/ T'as voulu monter la première/ Et après (…) / Un sourire, une main tendue / Et par le jeu des transparences / Ces fruits dans les plis du tissu / Qui balancent…
Francis Cabrel – La robe et l’échelle
Être aux genoux d’une maîtresse impérieuse, obéir à ses ordres, avoir des pardons à lui demander, étaient pour moi de très douces jouissances.
J-J Rousseau – Confessions – 1er livre, 1ère partie

Les échelles 4
A quoi servent les échelles ? A faire grimper les jeunes filles dans les cerisiers surtout si elles sont court vêtues.
A partir de là libre à vous d’imaginer le mateur matant les culottes – ou bien le poète poétisant comme Francis Cabrel à propos des cerises qu’on devine en transparence à travers le tissu de la robe…
Mais il y a plus fort : c’est Jérôme, le héros de Rohmer qui fait une fixation sur le genou de Claire, jeune fille dont il vient de faire la connaissance. D’où la situation imagée ici :


Eric Rohmer – Le genou de claire (Image de l’affiche du film)

Ici l’échelle n’est autre qu’un « élévateur de genou », qui le révèle et à la fois le met à hauteur de regard. Contrairement à Rousseau qui se met aux genoux de la femme  impérieuse, ici c’est le genou qui se hausse au niveau des yeux : plus besoin de se mettre en position de soumission comme Jean-Jacques, rien qu’une pure contemplation de ce concentré de grâce féminine qui impose respect et distance. Certes, Jérôme osera, un peu plus tard dans le film, poser sa main sur ce genou, mais ce sera comme par mégarde, sans même avoir une réaction de Claire.
Reste que le soupçon de fétichisme rôde : ce genou est détaché du corps féminin, et s’il en rappelle la grâce, il semble bien se substituer au corps devenu inutile.
« Fétichisme : repose sur l’association aux sensations voluptueuses de la représentation de parties isolées du corps ou du vêtement féminin » explique Krafft-Ebing dans son dictionnaire (1)
Comment savoir ? Demandons-nous si pour nous-mêmes un genou doit apparaître comme la l’essence de la féminité, se détachant à travers le tissu de la robe sur fond d’ombre chinoise, ou bien si c’est en imaginant la caresse…
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(1) Krafft-Ebing – Psychopathia-sexualis

Thursday, February 23, 2017

Citation du 24 février 2017

Le succès est une échelle sur laquelle on ne peut pas monter les mains dans le dos.
Proverbe américain
Lorsque l'occasion s'offre à toi la première,  / Ne la laisse point échapper : / Chevelue en devant, et chauve par derrière,  / Ce n'est que par le front qu'on la peut attraper.
Caton – Distiques Livre second, XXVI
Les échelles (3)
Commentaire 2
L’essentiel ici ce n’est plus (comme hier) de savoir à quoi ressemble l’échelle qu’on nous propose, mais comment on fait pour y monter. Question oiseuse, sauf que la métaphore nous invite à imaginer qu’on s’y agrippe énergiquement ; sans cela quelle différence ferions-nous entre l’échelle et l’escalier ?
Il faudrait donc attraper le succès entre nos mains dès qu’il passe et ne plus le lâcher. Du coup, il ressemble à ce personnage imaginé par Caton, chevelu devant et chauve derrière ; mais aussi voilà que se pose la question : comment reconnaître la chance quand elle nous sourit ? Devons-nous nous agripper à tout ce qui passe près de nous et qui ressemble… à quoi donc ? Savons-nous seulement à quoi peut ressembler la chance ? Si tout ce qui est chevelu sur le front est pris pour de la chance, nous risquons de devenir supporter de Donald Trump – avant de constater qu’il n’est pas chauve derrière.

Les grecs faisaient du kairos l’indice de la sagesse innée, celle qui ne s’apprend pas parce que c’est une intuition qu’on a tout de suite ou alors jamais.
Mieux encore : chez les grecs Kairos est un Dieu représenté par un jeune homme qui ne porte qu'une touffe de cheveux sur la tête.


« Quand il passe à notre proximité, il y a trois possibilités :
on ne le voit pas ;
on le voit et on ne fait rien ;
au moment où il passe, on tend la main, on « saisit l'occasion aux cheveux » (en grec ancien καιρὸν ἁρπάζειν) et on saisit ainsi l'opportunité.
Kairos a donné en latin opportunitas (opportunité, saisir l'occasion) » (1)
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(1) Art. Wiki, à lire ici. Sur le kairos comme faculté, voir ici.