Thursday, October 31, 2013

Citation du 1er novembre 2013



La plus belle pierre tombale ne couvre qu'un cadavre.
Charles Aznavour
Voilà une citation bien désabusée pour ce jour de Toussaint où l’on va justement visiter des pierres tombales – ne risque-t-elle pas de nuire à notre méditation sur la tombe de nos chers disparus ?
Il faut donc rectifier : les pierres tombales couvrent effectivement un cadavre, mais elles ne font pas que ça. Voici un exemple à propos d’une des plus célèbres qui se trouve au Père Lachaise : il s’agit du tombeau de Victor Noir :

Et voici la description qu’en donne Wikipédia :
« En 1891, la dépouille [de Victor Noir assassiné par le neveu de Napoléon III], devenue un symbole républicain, est transférée au Père-Lachaise. Jules Dalou réalise son gisant en bronze, où Noir apparaît dans l’état où il aurait été trouvé après le coup de feu. […] Dalou modèle d’abord la figure nue avant de l’habiller, dotant en l'occurrence son œuvre d'une virilité bien moulée par le pantalon.» (Voir ici)
Le cadavre est donc doté d’un sexe érigé qui tend l’étoffe du pantalon. Pourquoi pas ?
Seulement, voilà : la patine du gisant de bronze est partie à cet endroit précis, comme si un frottement régulier l’avait effacée. Wiki, dans un accès de pudeur écrit (article cité) : « Un folklore veut en effet que les femmes en mal d’enfants touchent le gisant afin d’être rendues fertiles. »… Hum…
En réalité, on voit bien que ces dames ont dû enfourcher le gisant et frotter leur anatomie intime à cet endroit – peut-être en vue d’en obtenir le miracle de la fécondation – à moins que ce soit pour une autre jouissance plus immédiate. Quant à l’usure des souliers qu’on peut constater sur notre photo, on devine que certaines ont dû également y prendre leur pied. (1)
o-o-o
Rares sont les tombeaux d’aujourd’hui qui offrent de telles possibilités aux vivants. Occasion de réfléchir à la tombe qu’il faudrait édifier sur votre propre cadavre.
--> Parlez-en à votre conseiller funéraire, au moment de souscrire un contrat obsèques.
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(1) On pensera peut-être qu’il parait difficile de se livrer à pareille gymnastique dans un lieu aussi fréquenté que le Père Lachaise. C’est oublier que ce  cimetière est également fréquenté la nuit par des visiteurs clandestins (ainsi que le montrait le film de Truffaut La chambre verte)

Wednesday, October 30, 2013

Citation du 31 octobre 2013



Les sorcières se rassemblent / Pour danser la sarabande / Elles tournent, tournent en rond, / Tout autour du grand chaudron / Bou bouillon bou bouillon / Bou bouillon bou bouillon.
Le bouillon des sorcières – Chanson 

La potion magique du druide Panoramix est si célèbre qu’on en oublie que le 31 octobre, jour d’Halloween et des Sorcières, c’est d’un autre bouillon qu’on va devoir se munir. C’est une chance d’ailleurs, car, si nous ignorons encore à ce jour la recette de la Potion Magique d’Astérix, nous connaissons fort bien en revanche, grâce à Shakespeare, celle du bouillon des sorcières de Macbeth.

La voici :

TROISIÈME SORCIÈRE.
Écailles de dragon et dents de loup,
Momie de sorcière, estomac et gosier
Du vorace requin des mers salées,
Racine de ciguë arrachée dans la nuit,
Foie de juif blasphémateur,
Fiel de bouc, branches d'if
Coupées pendant une éclipse de lune,
Nez de Turc et lèvres de Tartare,
Doigt de l'enfant d'une fille de joie
Mis au monde dans un fossé et étranglé en naissant ;
Rendez la bouillie épaisse et visqueuse ;
Ajoutez-y des entrailles de tigre
Pour compléter les ingrédients de notre chaudière.
LES TROIS SORCIÈRES ENSEMBLE.
Redoublons, redoublons de travail et de soins :
Feu, brûle ; et chaudière, bouillonne.
DEUXIÈME SORCIÈRE.
Refroidissons le tout dans du sang de singe, Et notre charme est parfait et solide.
Shakespeare – Macbeth – Acte IV scène 1
Si vous voulez en disposer pour ce soir, il faut vous y mettre de suite.
Bon courage !

Tuesday, October 29, 2013

Citation du 30 octobre 2013


Insurrection. Révolution qui a échoué. Tentative infructueuse pour substituer le désordre à un mauvais gouvernement.
Ambrose Bierce – Le dictionnaire du Diable
On a beaucoup parlé des insurrections arabes lors du printemps du même nom. On en a parlé, et puis… Plus rien ! Comme si le soulèvement populaire n’avait eu d’autre projet que de chasser le dictateur sans demander en plus qu’il soit remplacé par un meilleur gouvernement.
La définition d’Ambrose Bierce nous donne une première clef  pour analyser cette situation : l’insurrection est une révolution qui resterait au milieu du gué. Partie pour chasser le mauvais gouvernement, elle n’arrive nulle part parce qu’elle ne sait pas quoi mettre à la place. Un peu comme on fuit une douleur sans chercher à trouver une guérison durable.
Toutefois, j’avoue que la seconde clef de Bierce me laisse perplexe. Car il ajoute : Tentative infructueuse pour substituer le désordre à un mauvais gouvernement. Comme si l’insurrection avait eu pour objectif de créer du désordre là où régnait un ordre honni. Comme si un désordre quel qu’il soit était préférable à l’ordre tyrannique.
On ne reviendra pas sur l’idée que la dictature est toujours préférable à l’anarchie : je l’évoquais il y a peu (1).
Par contre, on pense à Kant dont on répète qu’il était très attaché au triomphe des Lumières qu’il a cru assuré par la révolution française. C’est oublier que Kant estimait que l’insurrection populaire contre un gouvernement, si explicable qu’elle soit du fait de son injustice, ne peut en aucun cas fonder un ordre politique légitime, car la loi ne peut être fondée sur la violence. Donc l’insurrection ne peut réussir à autre chose qu’à reproduire l’illégitimité du mauvais gouvernement qu’elle a cru chasser.
Bon – Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
On attend que le dictateur tombe tout seul. Comme Franco (à 83 ans) ; comme Salazar (à 79 ans) ; comme Pinochet (à 91 ans)… Au fait, rappelez-moi : quel âge il a Bachar ?
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(1) C’était le 14 octobre 2013 – Occasion pour rectifier une lacune : dans ce Post, j’ai oublié de dire que si l’ordre est apprécié à l’extérieur, la tyrannie est subie à l’intérieur.
Cacher ça, c’est pas bien… Mais quand même : chacun le sait bien !

Monday, October 28, 2013

Citation du 29 octobre 2013


Immigrant. Individu mal informé qui pense qu'un pays est meilleur qu'un autre.
Ambrose Bierce – Le dictionnaire du Diable

[Votre voisine a une femme de ménage arménienne, qui se vante d’avoir été ingénieure chimiste dans son pays ? Sur le chantier en face, les maçons parlent une langue bizarre – sans doute du Kosovar ?
N’hésitez pas ! Téléphonez à la Préfecture, service des étrangers sans papiers.
Vous serez peut-être lauréat du
Grand concours national et patriotique
Le Manuel-Valls-Award,
Doté d’un magnifique 1er prix:
un smartphone avec une touche pour appeler directement
le service des étrangers en situation irrégulière]
o-o-o
Encore une citation d’Ambrose Bierce : voici l’immigrant, considéré comme un pauvre naïf qui croit (par exemple) au rêve américain.
Ambrose Bierce était lui-même mal informé – ou du moins son époque était riche de rêves non dissipés : il imagine en effet que les migrants sont animés d’on ne sait quel rêve où la vie qui les attends dans leur futur pays serait celle des élites dorées qu’on voit sur les affiches de tourisme.
Mais la réalité est bien loin de tout ça : par exemple, les Roms le disent on ne peut plus clairement : mendiant ils étaient, mendiants ils resteront. Simplement, mendier en France rapporte beaucoup plus que mendier en Roumanie (1).
Voilà une banalité bien indigne de ce remarquable Blog – tentons donc de donner un sens qui rampe un peu moins.
Quelques différences entre un pays pauvre et un pays riche ; ou, si l’on veut, entre un pays que les pauvres fuient et les autres pays où ils tentent d’aller :
            1 – Les pauvres dans un pays riche gagnent plus que les pauvres dans un pays pauvre. Evident. Sauf que ça coute beaucoup plus cher aux pauvres qu’aux riches de vivre dans un tel pays. C’est du moins ce que démontre Martin Hirsch dans son récent livre Cela devient cher d’être pauvre.
            2 – Si les pauvres sont les faibles, les opprimés, ceux qui se trouvent en bas de l’échelle, alors il n’y a sans doute pas grande différence entre la pauvreté vécue dans tel pays et dans tel autre – à moins de cumuler les handicaps, comme d’être pauvre et en plus être Rom en Roumanie ! (2)
3 – Enfin, il n’y a pas que la richesse et la pauvreté pour fuir son pays : il y a la vie et la mort. Ceux qui fuient leur pays pour sauver leur peau, ceux-là vont forcément trouver mieux ailleurs – à condition bien sûr qu’on ne cherche pas à leur nuire.
Mais qu’ils ne viennent pas chercher fortune en plus de la vie sauve !
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(1) J’en entends qui murmurent entre leurs dents : « Voler en France, ça rapporte aussi plus que voler en Roumanie ». Ceux-là, je les inscris d’office au concours Manuel-Valls- Award.
(2) J’en ai encore entendu un qui a murmuré : « … et en France aussi ». Décidément il va y avoir du monde au Concours Manuel Valls.

Sunday, October 27, 2013

Citation du 28 octobre 2013


Y’a que les routes qui sont belles / Et peu importe où elles mènent
J.J. Goldman – On ira
Hier, l’autoroute était un lieu d’ennui qu’il fallait utiliser pour se donner de la culture. Mais aujourd’hui, nous allons rectifier le tir : l’autoroute, c’est aussi ce qui permet de voyager - et ce qui compte, c’est le voyage et lui seul. Mieux, même : comme Kerouac, l’éternel routard, nous l’a appris, ce n’est pas l’arrivée qui compte, ni le lieu où l’on va – l’important, c’est de laisser tomber les chaines qui nous emprisonnaient et de partir sans savoir où. D’ailleurs, même en sachant vers où l’on va on peut encore espérer ne jamais y arriver.
C’est exactement ce que chante J.J. Goldman (1) : en partant sans retour, nous n’avons, pour paraphraser Marx, que nos chaines à perdre. L’important est de ne jamais s’attacher : like a rolling stone, roulons, roulons…
Dans sa préface à La Condition de l’homme moderne, Hannah Arendt se dit stupéfaite d’une déclaration de quelques jeunes gens disant qu’ils seraient prêts à quitter la terre pour aller s’installer dans une base lunaire ou martienne – quelque chose comme ça. Selon Arendt, l’attachement à la terre où l’on vit est nourricier de l’homme : on ne peut vivre qu’à condition d’habiter la terre qui nous a vu naitre. Comment alors admettre de la quitter pour un lieu inhumain, où l’on vivrait sans retour ?
Faut-il donc s’imaginer comme dans la série Star Trek naviguant dans la galaxie à la recherche d’autres être intelligents avec qui se battre ou avec qui s’allier pour faire régner la justice ?
--> Goldman, Dylan, Star Trek : que des exemples des années 60-80. C’est qu’aujourd’hui, où sont les jeunes qui chanteraient On laissera nos clés, nos cartes et nos codes / Prisons pour nous retenir ?
Ah… Mes pauvres enfants…  Dites-moi : où sont les jeunes ?
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(1) Qu’on lise les paroles de On ira : on comprendra assez bien l’impact de ce chanteur sur la jeunesse de l’époque (années 80). A ce propos une anecdote : en ces années-là les lycéennes (filles de terminale littéraire) avaient la manie d’écrire sur leur classeur des citations qui leur étaient chères. Celles trouvées dans les chansons de Goldman étaient les plus nombreuses.