Wednesday, November 30, 2011

Citation du 1er décembre 2011



Tout est soi et autre chose ; l’image dans l’image, le mot dans le mot.
Théodore Roszak – Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein
Commentaire I
L’image dans l’image.
Il y a des citations dont on cherche fiévreusement à quel contexte les rattacher quand on ignore l’ouvrage dont elles proviennent. Ainsi de la citation de ce jour, qui, je l’avoue m’a laissé hésitant… jusqu’à ce que je découvre l’image que vous voyez ici.
Nul doute que vous soyez un peu étonné : voilà une photo bizarre, un peu brouillée, où l’on voit un visage ayant les yeux de Marylin Monroe et la moustache d’Einstein ! Mais détournez votre regard de l’écran et éloignez-vous de quelque mètres – regardez à nouveau : cette fois on voit nettement Marylin, et Einstein ne réapparait que quand on se rapproche. (D’autres exemples ici)
Quelle leçon tirer de cette affaire ? La duplicité des mots, leur ambiguïté évoquée par notre auteur : on en reparlera demain.
Par contre, les images ? Les photos des personnes que nous côtoyons ? Si l’image que je mets en ligne ici surprend, c’est que justement elle nous montre ce qu’on ne voit jamais : la photographie d’un visage qui se transforme dans l’éloignement.
Mon idée, c’est que, justement, les photos isolent un aspect des gens dont elles nous montrent le portrait, mais que cet aspect est prélevé, isolé, sur une réalité plus complexe. On le sait, la même personne peut montrer successivement plusieurs visages au cours de la même conversation, simplement on n’est attentif qu’à un aspect, celui qui justement colle avec la situation.
Mais, faites l’expérience de regarder soigneusement les visages familiers qui vous entourent : ne vont-ils pas se modifier, refléter plusieurs facettes, plusieurs personnalités en peu de temps ? On dit bien que les portraitistes de talent savent peindre un visage à la fois reconnaissable et qui, en même temps, révèle un aspect bien caché de la personnalité du modèle. Eh bien, on peut retrouver cela dans la réalité vivante, même si la vie justement emporte tous ces aspects dans un tourbillon où tout se mélange.
Ressortez de vieilles photos de famille : si la tante Mélanie a des moustaches, ce n’est pas parce qu’elle a atteint un âge canonique : c’est parce qu’il y a un Einstein en elle.

Tuesday, November 29, 2011

Citation du 30 novembre 2011


Il n’y a de loi qu’un beau cul ne renverse !
Brantôme - Vies des dames galantes (1)
On ne se pose pas assez la question de l’origine de l’anarchie. On croit facilement, sans y réfléchir, que c’est une attitude de révolte, que l’anarchiste est un enfant capricieux, un sauvageon.
Si en effet on définit l’anarchie par le refus d’obéir aux lois, alors il faut admettre avec Brantôme que ce refus est aussi l’effet du désir, du moins de celui dont la force dépend (chez l’homme) de la testostérone. La production de testostérone stimule, on le sait aujourd’hui, le centre cérébral de l’agressivité, qui renverse tous les obstacles – dont celui des lois.
On trouve là une nouvelle fois l’affirmation que les femmes ont un pouvoir sur les hommes qui dément l’attribut de « sexe faible » qu’on leur impute. Pour l’amour de leurs charmes, que ne ferait-on pas, nous les hommes, nous les héros – nous les philosophes ?
En effet, dira-t-on que la sagesse rend les philosophes insensibles à l’attrait pour les appâts féminins ? L’histoire du Cheval d’Aristote (contée ici-même) est là pour le démentir.
Dira-t-on que ce n’est là qu’une légende et qu’on peut raconter tout ce qu’on veut ? Dans le même Post on trouvera la photo de Nietzsche attelé à une carriole et fouetté par Lou Andreas-Salomé. Oui, pour la belle Lou, il a bien accepté de poser pour cette photo ridicule : ça au moins ce n’est pas une légende.
On dira encore : mais dans tout cela, il n’y a que des cas particuliers ; dans la profusion des philosophes vous en avez bien que la gaudriole avec les dames laissent froids et qui ne vont pas s’affoler pour un « beau cul » ?
- Oui, en effet, vous avez raison : il y en a. Mais justement, on les cite comme exemple de sagesse exceptionnelle. Ainsi de Socrate (2), restant insensible devant les charmes et les attouchements d’Alcibiade… Quand à Descartes, on a vu récemment qu’il n’était pas insensible aux charmes féminins, même si ce n’étaient pas exactement ceux auxquels on penserait.
Reste un cas tout à fait troublant : Blaise Pascal. En voilà un qu’on n’imagine pas courant le cotillon.
Exact ; toutefois, je voudrais faire observer qu’au moment où il était en âge de le faire, il était absorbé plutôt par les mathématiques que par la philosophie. Les mathématiciens étaient réputés à l’époque pour leur indifférence à l’égard des dames.
Ça, on l’a observé avec Rousseau (3).
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(1) En musardant sur le Net, j’ai découvert une chanson qui pastiche curieusement cette formule : je la livre à votre réflexion : « Comme disaient les Chinois - Et sans doute les Perses - Il n’y a pas de loi - Qu'un beau cul ne renverse ». (Paroles de la chanson Alice de Salvatore Adamo)
(2) C’est vrai que le « beau cul » en question était celui d’un homme. Mais justement, il n’en était selon Platon – et les grecs de l’époque – que plus séduisant.
(3) Voir mon Post du 30-01-2010 où une courtisane, exaspérée par la mollesse de jeune homme, s’écrie : Zanetto, lascia le donne, e studia la matematica. Laisse tomber les femmes et fais plutôt des mathématiques.

Monday, November 28, 2011

Citation du 29 novembre 2011


Les nationalistes algériens ont peut-être perdu toutes les batailles sur le terrain, ils ont gagné la guerre, puisque le gouvernement français a reconnu que leur revendication était juste…
Raymond Aron – Mémoires (p. 385)
Aron cite ici, dans ses Mémoires, un texte qu’il écrivit sans doute en 1961, peu avant les accords d’Evian accordant à l’Algérie son indépendance.
On songe que le général de Gaulle, alors Président de la République, aurait pu, reprenant l’Appel du 18 juin, formuler cet aphorisme : le FLN a perdu toutes ses batailles, mais il a gagné la guerre
On se demande du coup : qu’est-ce que c’est qu’une guerre, si ce n’est pas une somme de batailles ? Et puis, aussi : dans ce cas ne pourrait-on pas faire l’économie de la guerre ? Déclarons d’entrée de jeu qu’on est prêt à perdre toutes les batailles, mais que pour autant on estime avoir gagné la guerre…
Reportons-nous à la « tragédie algérienne » : en 1961 la « pacification » avait réussi et l’armée française avait gagné la guerre sur le terrain.
Toutefois, des intellectuels comme Raymond Aron avaient affirmé dès 1957 (1) que non seulement l’Etat algérien indépendant verrait le jour inexorablement, mais même que le retour en France continentale des français d’Algérie serait inévitable. Au point qu’il suggérait (il s’agissait alors d’un rapport confidentiel à l’intention de Guy Mollet – nous sommes en 1956 !) de consacrer les crédits prévus pour la « pacification » aux dispositions à prendre pour accueillir les Pied-noirs de retour en France.
Qu’une guerre, même gagnée sur le terrain soit en réalité perdue en dit long sur sa nature.
Car, même si la réalité du peuple algérien, sa culture, sa religion, sa démographies, etc. condamnaient d’avance toutes les solutions envisagées pour garder l’Algérie dans la France, on ne doit pas oublier qu’il y avait aussi les pressions internationales et les condamnations de l’ONU.
On demandait plus haut : qu’est-ce que la guerre si ce n’est pas simplement une somme de batailles ? On doit répondre ici : comme Clausewitz on doit dire que la guerre est la continuation de la diplomatie par d’autres moyens. Mais on ne doit pas oublier que la réciproque est vraie : la diplomatie est un élément de « pilotage » de la guerre ; il doit y avoir circulation entre les deux champs – le champ de bataille et celui des négociations.
En 1961, le France avait gagné la guerre sur le champ de bataille, mais elle l’avait perdue sur le terrain diplomatique.
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(1) Raymond ARON - La Tragédie algérienne, ouvrage qui fit scandale lors de sa publication en 1957 – Le chapitre concernant l’issue de la guerre reprend un rapport de 1956.

Sunday, November 27, 2011

Citation du 28 novembre 2011

Sexe : le fruit d'Eve fendu.

Jean Cocteau

Fendue-Défendue

Miss.Tic

Pourquoi le sexe des femmes est-il si rarement représenté par les artistes qui pourtant ne sont pas avares de représentations des attributs masculines ?

A part des artistes très contemporains, voyez la difficulté à en trouver, à l’exception de ces exemples :

Hans Memling vivait au 15ème siècle, et Houdon au 18ème. Néanmoins, les copies de la statue de Houdon réalisée en bronzes ont été « rebouchées » (1). Rien de tel pourtant pour ce qui est du sexe masculin, largement (ou longuement ?) représenté par les sculpteurs antiques.

Il y eut certes des périodes (Concile de Trente) où des « repeints » furent apposés sur les sexes masculins (l’un des peintres spécialisé dans l’opération Daniele da Volterra, fut même surnommé il Braghettone – lire ici). Mais il ne fut pas nécessaire de masquer derrière un voile le sexe féminin parce que c’était toujours déjà fait.

Alors, pourquoi cette différence de traitement pictural ?

Deux hypothèses complémentaires :

- D’abord il parait plus facile d’ignorer presque sans avoir à le dissimuler le sexe féminin (écrivons sans trembler son nom : la vulve) : il se dissimule tout seul, l’artiste n’a qu’à laisser faire la nature…

- Les artistes, sculpteurs, peintres, sont à l’époque dont nous parlons tous des hommes. Et l’homme est fier de son sexe (écrivons de même sans trembler : de son pénis) : imaginer un Dieu de la mythologie, un héros tel qu’Hercule c’est toujours le pourvoir d’un attribut de sa force – de sa virilité.

Là est sans doute l’essentiel : le pénis est un symbole de puissance. La vulve ne nous « parle pas » de la même façon.

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(1) La raison en est exposée dans la Revue du monde catholique de 1861, sous la signature de Bathilde Bouniol : « Est-il besoin d’ajouter que ces étalages de scènes trop mythologiques et nullement pudiques, rendent fort gênante la visite dans les salles de l’Exposition pour le jeune homme, par hasard candide, pour les jeunes dames et demoiselles dont le front se colore aisément encore de ces nobles rougeurs, qui vont si bien à la vertu » (Lire la suite ici)

Saturday, November 26, 2011

Citation du 27 novembre 2011

En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En France, tout est permis, même ce qui est interdit. En U.R.S.S., tout est interdit, même ce qui est permis.

Winston Churchill

Interrogation écrite (durée 1 heure – Coeff. 2) qui va compter dans la moyenne du trimestre :

1 - Expliquez le texte suivant en montrant ce qui distingue l’Angleterre, l’Allemagne, la France et l’U.R.S.S.

2 - Quelle conclusion en tirez-vous concernant la liberté ? (Essai personnel : 20 lignes)

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Ça fait peur, hein ? Ça vous rappelle des souvenirs ? Des mauvais souvenirs ?

Allons, ne tremblez plus : la Citation du jour est là et elle va vous aider à préparer vos antisèches.

- En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit : il y a un domaine délimité par la loi qui définit l’interdit. Par contre le champ de la liberté est indéfini : la liberté qui est force d’invention peut y inscrire ses projets sans retenue. L’Angleterre est le pays de la véritable liberté.

- En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis : lorsque les seuls actes libres permis sont définis et décrétée par la loi, alors il n’y a plus de place pour cette libre innovation. Le peuple n’a plus qu’à obéir et aller « librement » acclamer le Führer dans les rues de Nuremberg (1). L’Allemagne est une épouvantable dictature.

- En France, tout est permis, même ce qui est interdit : lorsque l’interdit n’est même pas respecté, la liberté s’appelle anarchie. Sous la plume de Churchill, ce n’est sûrement pas un compliment: la France est incapable d’action réellement efficace (cf. la débâcle de juin 40) (2).

- En U.R.S.S., tout est interdit, même ce qui est permis : lorsque les garanties constitutionnelles des libertés individuelles sont bafouées par le pouvoir celui-ci est une dictature et la liberté n’existe plus (3).

--> Essai personnel : si c’est personnel alors inventez-le… librement !

Mais n’oubliez pas que la France est la Patrie des Droits de l’Homme, et que l’attaquer comme le fait Churchill ici est proprement scandaleux (cf. note 2) : les lois françaises protègent le citoyen de l’arbitraire du pouvoir – et c’est tout !

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(1) Ici vous pourrez discrètement évoquer la période à laquelle Churchill écrivit ces lignes. Ça sera du meilleur effet.

(2) Vous pourriez aussi vous enflammer contre la perfide Albion qui a toujours été notre ennemi héréditaire. Mais si j’étais vous j’éviterai – vous risquez de ne pas être compris.

(3) Là aussi, évitez les développements trop importants sur la dictature du prolétariat. Aujourd’hui tout le monde s’en moque.