Wednesday, October 31, 2012

Citation du 1er novembre 2012



Aussitôt qu'un homme était mort [en Égypte], on l'amenait en jugement ; l'accusateur public était écouté : s'il prouvait que la conduite du mort eût été mauvaise, on en condamnait la mémoire, et il était privé de la sépulture.
Bossuet – Discours sur l'histoire universelle
Sur mon agenda : 1er novembre, jour des sépultures.
1 – Pourquoi des sépultures ?
La sépulture ne sert pas seulement à honorer le mort, voire même à lui assurer une forme de survie dans l’au-delà. C’est aussi un lieu mémoriel, où se retrouvent les vivants qui veulent se rappeler de « leurs morts ». C’est ainsi qu’à la Toussaint on fleurit les tombes –  façon aussi de signaler à tous ceux qui passent par là, qu’ici il y a un mort dont se rappellent encore les vivants. On peut d’ailleurs aussi faire sur une tombe ce qui sera en accord avec la personnalité du défunt (cf. Miss.Tic au Père Lachaise sur la tombe de Guillaume Apollinaire).


2 – Que se passe-t-il quand on n’a pas de sépulture ?
C’est un peu ce que dit Bossuet : priver quelqu’un de tombe, c’est le priver de ce souvenir. C’est ainsi que les condamnés à mort aux USA sont, après leur exécution, enterrés avec pour seule mention tombale, celle du matricule de détenu que personne ne peut déchiffrer sans avoir accès aux registres du pénitencier. Comme le rappelle Bossuet, après avoir tué le criminel, on peut encore le condamner à l’oubli définitif.
On peut aussi penser à Achille privant la dépouille d’Hector de sépulture et donc le privant du repos éternel. D’ailleurs, chez nous aussi, les fantômes sont bien souvent des morts sans sépultures.
3 – Quid de l’incinération ?
Si on ne dépose pas l’urne dans un columbarium, on peut encore la déposer dans le salon, de façon à avoir une pensée pour le défunt au moment de l’apéro. Mais aussi on peut répandre les cendres là où le défunt a passé ses meilleurs moments.
Mais alors, plus de tombe à fleurir ?

Tuesday, October 30, 2012

Citation du 31 octobre 2012



Vivre dans un camp de nudistes doit sans doute gâcher tout le plaisir qu’on attend d’Halloween.
Anonyme
Le corps du nudiste est sans aucun vêtement ; le fantôme d’Halloween n’est qu’un vêtement (suaire) sans corps ; à moins que dénudé, ce fantôme ne soit plus qu’un misérable squelette.
Mais, n'en doutons pas : le jour d’Halloween, les spectres qui enlèvent leurs suaires, peuvent révéler bien des surprises
En témoigne cette œuvre de Salvador Dali :


Dali – Human skull consisting of seven naked women’s bodies

Qui sont ces fantômes qui vont, errant dans les jardins et dans les rues, la nuit d’Halloween ? Sont-ils si désincarnés ? Salvador Dali nous prouve que non, et nous oblige du même coup à nous retourner sur nous-mêmes pour nous interroger sur les fantômes qui peuplent notre imaginaire : d’où viennent-ils ? Que nous disent-ils ?
On cite souvent Spinoza (1) lorsqu’on veut parler un peu sérieusement des fantômes. Mais Spinoza se contente de repousser dédaigneusement l’hypothèse de leur existence dans la nature, œuvre selon lui des fantaisies insanes de notre imagination, sans prendre au sérieux le sens qu’ils pourraient alors avoir pour nous. Or les fantômes en disent beaucoup sur nous-mêmes, nos obsessions, nos angoisses, nos désirs secrets et défendus, etc…
Par exemple, l’intérêt de ce dessin de Dali n’est pas seulement de nous faire réfléchir aux fantômes. Il est aussi de nous inviter à une réflexion sur la mort et l’érotisme, ce qui est un peu plus excitant, avouez-le.
Quant à moi, sans aller jusqu’aux méditations macabres de Bataille, je penserai plutôt à Hamlet, déterrant un crâne d’une tombe fraichement ouverte : To be, or not to be
Oui, mais en tenant ce crâne entre ses mains, que voit-il ?
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(1) Correspondance avec Hugo Boxel. On peut la lire ici (lettre 51 et suivantes).

Monday, October 29, 2012

Citation du 30 octobre 2012



Si, par quelque enchantement, un État ou une armée pouvait n'être composé que d'amants et d'aimés, il n'y aurait point de peuple qui portât plus haut l'horreur du vice et l'émulation de la vertu
Platon – Le Banquet, 179a
Mariage homosexuel : Contribution au débat II
Encore un argument en faveur des couples homosexuels (1) : une armée d’homosexuels serait invincible !
Certains d’entre vous, chers lecteurs vont ricaner, imaginant des folles efféminées sous la défroque du soldat. Erreur ! L’homosexuel grec est un superbe mâle et son corps, immortalisé dans le marbre des statues, est digne d’être celui d’un Dieu. Passons.
Platon nous explique que le couple homosexuel serait uni par des liens bien plus fort que ceux de la sexualité, plus fort même que ceux de l’amour : le devoir moral de ne pas perdre l’honneur aux yeux de l’aimé qui combat à ses côtés. 
L’amour sauve donc du vice et de la lâcheté ? Pourquoi pas ? En tout cas, voilà une proposition qu’on pourrait généraliser à tout être humain – et pas seulement homo : les hétéros aussi ont leur exemple de bravoure nourrie par l’amour avec les tournois de chevaliers de l’amour courtois.
L’objection vient de Freud (2) : admettons nous dit-il ce que Platon nous dit de la vertu des amants. Reste que vous n’aurez qu’un couple vertueux, jamais une armée, et encore moins une société. Car l’amour (Freud emploie le terme de libido) isole les couples au lieu de les relier : chacun est à la recherche de ce qui peut l’unir encore plus fort à l’autre, et nulle force ne vient fédérer ces couples d’amants. Les amoureux sont seuls au monde dit le proverbe – C’est vrai.
--> On connait la conclusion de Freud : pour qu’existe une société civile, il faut le refoulement des pulsions et c’est en aval du barrage imposé au cours des instincts que commence la civilisation.
Au fait : et notre débat sur le mariage Homo, qu’en pourrait-on dire ? Je ne sais pas trop…
Si – juste cela : tout mariage est soumis à des règles et à des lois. Que les homos se marient, pourquoi pas, dès lors que leur union est soumise aux mêmes règles que celles du mariage ordinaire. C’est ainsi d’ailleurs qu’ils seraient soumis à des règles qui, sans cet engagement n’existeraient pas : le mariage gay contribuerait alors à sauver la Civilisation du chaos.
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(1) Homosexuels mâles puisque grec, mais on pourrait imaginer le similaire entre femmes)
(2) Je cite de mémoire : ça doit venir des Trois essais sur la théorie de la sexualité.

Sunday, October 28, 2012

Citation du 29 octobre 2012



Ceux donc qui sont féconds selon le corps aiment les femmes, et se tournent de préférence vers elles, croyant s'assurer, par la procréation des enfants, l'immortalité, la perpétuité de leur nom et le bonheur, à ce qu'ils s'imaginent, dans la suite des temps. Mais il y a encore ceux qui sont féconds selon l'esprit – car il en est qui sont encore plus féconds d'esprit que de corps, pour les choses qu'il appartient à l'esprit de produire. …
Platon – Le Banquet, 209a (lire la suite en annexe)
Mariage homosexuel : Contribution au débat I
A chaque fois que la question du couple homosexuel réapparait, il est temps de ressortir Le Banquet de Platon.
Ainsi, le débat est-il aujourd’hui réactivé et porté à son maximum par la possibilité pour des couples homosexuels (composés d’hommes ou de femmes) d’avoir des enfants et de les élever. Et les experts de se demander s’il est bon pour un enfant d’avoir deux papas ou deux mamans.
Mais on se trompe selon Platon : si vous voulez faire des enfants, allez donc en faire avec le partenaire de sexe opposé et n’en parlons plus.
Par contre, l’amour entre deux hommes (et j’ajoute entre deux femmes pour neutraliser la misogynie platonicienne), ne saurait avoir pour but de procréer des enfants. Il y a beaucoup mieux à faire : c’est procréer selon l’esprit, c’est-à-dire enfanter de belles œuvres de l’esprit, inspiré, excité par la belle âme du – de la – partenaire. Car si la procréation est un effort pour acquérir l’immortalité, il est beaucoup plus efficace de s’immortaliser dans des œuvres que dans une descendance.
Ainsi donc, pourquoi choisir un partenaire du même sexe, sinon pour avoir une vie harmonieuse avec un être suffisamment proche et suffisamment différent pour une collaboration dans une procréation mutuelle et intellectuelle ?
Il n’est bien sûr pas interdit aux hétérosexuels d’avoir le même objectif, mais le plat souci de la propagation de l’espèce (pour citer Sade) risque de l’obscurcir. Tout le monde n’est pas capable de fonder un couple du genre Sartre-de Beauvoir !
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Annexe : Quand donc un mortel divin porte en son âme, dès l'enfance, [209b] le germe de ces vertus, et que, parvenu à la maturité de l'âge, il désire produire et engendrer, il va aussi çà et là cherchant la beauté dans laquelle il pourra engendrer, car jamais il ne le pourrait dans la laideur. Dans l'ardeur de produire, il s'attache donc aux beaux corps de préférence aux laids ; et, s'il rencontre dans un beau corps une âme belle, généreuse et bien née, cette réunion lui plaît souverainement. Auprès d'un tel homme, il abonde aussitôt en discours sur la vertu, sur les devoirs et [209c] les occupations de l'homme de bien, et il s'applique à l'instruire ; car le contact et le commerce de la beauté lui font engendrer et produire ce dont il portait le germe. Absent ou présent, il pense toujours à son bien-aimé ; et ils nourrissent en commun les fruits de leur union. Aussi le lien et l'affection qui les attachent l'un à l'autre sont-ils bien plus intimes et bien plus forts que ceux de la famille, parce que leurs enfants sont plus beaux et plus immortels. Et il n'est personne qui ne préfère de tels enfants [209d] à toute autre postérité, s'il considère et admire les productions qu'Homère, Hésiode et les autres poëtes ont laissées d'eux, la renommée et la mémoire immortelle que ces immortels enfants ont acquise à leurs pères ; ou bien encore s'il se rappelle les enfants que Lycurgue a laissés après lui à Lacédémone, et qui sont devenus le salut de cette ville, je dirai presque de la Grèce entière. Solon de même est en honneur parmi vous comme père des lois ; et d'autres grands hommes sont honorés en diverses contrées, [209e] soit en Grèce, soit chez les Barbares, parce qu'ils ont produit une foule d'œuvres admirables et enfanté toutes sortes de vertus. De tels enfants leur ont valu des temples, mais nulle part les enfants du corps n'en ont valu à personne.
(On peut lire la traduction du Banquet ici.)

Saturday, October 27, 2012

Citation du 28 octobre 2012



- Je ne connais pas d’endroit où il se passe plus de choses que dans le monde.
- La nature est prévoyante : elle fait pousser la pomme en Normandie sachant que c'est dans cette région qu'on boit le plus de cidre.
- C’est l’ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d’artillerie, il serait encore sur le trône.
- C’est mon avis et je le partage.
Monsieur Prudhomme (1)
Aujourd’hui, dimanche, jour de liesse, de repos et d’abondance. Dans ces conditions, quoi de meilleur qu’un petit florilège de citations de Monsieur Prudhomme, personnage caricatural de bourgeois français du 19ème siècle, créé par Henri Monnier ?
On retrouve monsieur Prudhomme (ou l’adjectif prudhommesque) un peu partout sous la plume de Flaubert : on peut penser que Bouvard et Pécuchet en sont deux avatars.
Quant à Verlaine il lui a consacré un sonnet.
Le comique de Joseph Prudhomme est fait d’un mélange de suffisance, d’évidence et de stupidités : suffisance parce que monsieur Prudhomme est un donneur de leçons dont les autres n’ont que faire, soit parce qu’il s’agit d’évidence par trop évidentes, soit parce qu’il s’enfonce dans la contradiction.
On aura peut-être reconnu au passage le ressort de bon nombre d’histoire belges (2) : occasion de remarquer que le comique est un excellent moyen de ridiculiser ceux dont on veut absolument se distinguer.
Mais, attention : le procédé peut bien revenir en boomerang sur l’envoyeur. N’oublions pas que les français sont les belges des anglais.
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(1)  Monsieur Prudhomme est un personnage caricatural du bourgeois français du 19ème siècle, créé par Henry Monnier.
(2) Les amateurs, s’il y en a qui lisent ce Blog – ce dont je doute – peuvent aller ici.