Monday, March 22, 2010

Citation du 23 mars 2010

Il faut suivre la foule pour la diriger. Lui tout céder pour tout lui reprendre.

Antonin Artaud - Extrait des Lettres

La coutume est de considérer qu’entre la sagesse et la folie, il n’y aurait aucune différence, et que le sage comme le fou possèdent une science supérieure.

Si Antonin Artaud est bien l’emblème du fou délirant (ce qu’on peut contester si on conteste aussi la validité du terme de « fou »), alors cette opinion se trouve confortée par cette citation.

Car quelle sagesse dans ce précepte ! Quelle science de la politique – et pas de la politique entendue comme une généralité, mais bien de la politique que nous rencontrons dans les manœuvres contemporaines de nos dirigeants.

Que font nos dirigeants sinon nous demander de leur indiquer la route pour ensuite suivre celle qu’ils ont tracée eux même ? A quoi sert donc la démocratie de proximité, sinon à ça – je veux dire à ce subterfuge qui sert à accéder au pouvoir pour ensuite faire la politique favorable aux puissances économiques qui sont restées dans l’ombre.

Tout ça est bien connu, et la seule source d’étonnement est que nous soyons capable d’oublier cette vérité que nous rappelle Artaud.

Il y a pourtant une autre interprétation possible de cette phrase (de son début du moins : Il faut suivre la foule pour la diriger) : on la trouve chez Platon, avec sa description de l’homme tyrannique (1). On y voit le tyran (il s’agit dans l’esprit de Platon de quelqu’un qu’on nommerait aujourd’hui un populiste) se laisser dominer par ses passions criminelles et débridées, et donner au peuple le déplorable exemple qu’il est invité à suivre. Au point que les hommes vertueux qui tenteraient de résister à cette corruption généralisée seraient emprisonnés, et par une singulière inversion de valeur c’est eux qu’on considérerait comme des criminels.

Voilà en quoi consiste le pouvoir tyrannique : il ne s’agit pas d’un pouvoir qui brime le peuple, mais d’un pouvoir qui le corrompt.


(1) République livre X, 571-a et suivants. À lire ici. (ou à télécharger ici si le lien précédent continue de planter – c’est page 364)


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