Sunday, June 01, 2008

Citation du 2 juin 2008

Pour un plaisir, mille douleurs

Proverbe français

Ce proverbe, attribué parfois à Villon, centré sur les maladies vénériennes, utilisé pour illustrer le Prologue du Pantagruel de Rabelais : il y affirme que la lecture de quelques pages de Pantagruel est le seul soulagement des pauvres vérolés dedans leurs étuves.

La syphilis, s’il faut l’appeler par son nom a été une terrible maladie, qu’on a d’abord attribuée aux étrangers (mal de Naples pour les français, mal français pour les autres (1)), et dont on a tu l’existence tant qu’on a pu – maladie honteuse.

On a pleuré sur les morts du sida, les intellectuels, les philosophes, sur Michel Foucault, sur Robert Aron, et d’autres que j’oublie…

Mais ce qu’on oublie aujourd’hui, c’est que la syphilis, dans son évolution neurologique a frappé une quantité effroyable d’artistes, d’écrivains, de musiciens et de peintres (2). Imagine-t-on les chefs d’œuvres dont nous avons été privés par cette maladie ? Baudelaire, Maupassant, Nietzsche… et tant d’autres.

Je sais bien que Sartre disait qu’il était inutile de se demander ce qu’auraient été les œuvres que Mozart aurait pu composer s’il avait pu vivre plus longtemps, puisque seules celles qu’il a écrites lui donnent une existence de compositeur.

Oui, c’et vrai : Mozart compositeur est celui qui compose ; Mozart qui meurt est un homme sans plus. Mais quand même ; Nietzsche enfermé dans son farouche silence, le cerveau lessivé par la maladie : ce n’est pas n’importe quoi.

Ça nous interpelle…

(1) A Strasbourg le quartier de la petite France qu’on croit évoquer l’attachement historique des alsaciens à notre cher pays, doit en réalité son nom au fait que c’était là qu’étaient installées les étuves utilisées pour soigner les syphilitiques – porteur du mal français. Pas très poétique, mais qu’y puis-je ?

(2) Des hommes politiques aussi ? Oui. et des papes ? Egalement (voir liste)

2 comments:

Djabx said...

Est-ce que ces artistes auraient autant crée sans la maladie et la souffrance (en générale, pas forcément la "petite vérole")?

En lisant "Ma vie avec Mozart" d'Éric-Emmanuel Schmitt, l'auteur nous apprend que suite à l'étude du crâne de Mozart, on pense qu'il devait avoir très mal aux dents.
A la suite de ça, il nous interpelle en se demandant comment a-t-il pu écrire de si belles œuvres avec un telle douleur.

Je dois avouer que j'ai tendance à croire le contraire: sans souffrance, on a du mal me semble-t-il à se dégager de soi.

Jean-Pierre Hamel said...

Je dois avouer que j'ai tendance à croire le contraire: sans souffrance, on a du mal me semble-t-il à se dégager de soi.
- C’est Thomas Mann qui fait une place essentielle à la maladie dans la création romanesque, maladie à la quelle il accorde semble-t-il un rôle d’initiation à la vie.
- C’est Pascal qui du fond de sa maladie demande à Dieu de lui enseigner le bon usage des maladies : preuve que le sens ne lui apparaissait pas si évident.
- C’est Montaigne qui explique comment les souffrances de ses coliques néphrétiques (maladie de la pierre) l’ont amené à découvrir la valeur de la vie.
Alors, je suis d’accord avec vous et j’apprécie vote formule : la souffrance nous enseigne à nous dégager de nous-mêmes… à condition d’y parvenir. Supposez que vous ayez bien mal : aux dents, aux reins, au ventre. Vous allez chercher à déplacer votre corps, son environnement, sa position, pour alléger votre mal. Rien à faire : le mal, se déplace _avec_ vous. Vous voulez vous « dégager de vous-mêmes » parce que « vous êtes le mal ».
D’après ce qu je sais, dans la douleur physique, rien de grand ne peut se faire ; survivre est déjà beaucoup. Par contre dans la douleur morale, alors c’est différent. Tous les romantiques ont clamé leur souffrance comme étant la part maudite du génie.