Saturday, June 21, 2008

Citation du 22 juin 2008

Dans le patois des Flandres, assure un explorateur, "épousailles" se dit "trouwplechtighied". Ce n'est pas un joli dialecte que le flamand.

Paul-Jean Toulet - Les trois impostures

Whangdepootenawah n. Dans la langue Ojibwa, désastre. Affliction inattendue qui frappe très très fort.

Ambrose Bierce - Le Dictionnaire du Diable (1911)

L’ethnocentrisme, celui qui rejette les cultures et les langues étrangères est peut-être aussi vieux que l’humanité, en tout cas il est aussi ancien que la civilisation. On sait que les grecs qualifiaient de barbares les étrangers, à commencer par les Thessaliens, dont la langue leur paraissait similaire au chant des oiseaux – barbaros étant alors une onomatopée qui en évoque le bruit.

Je connais une jeune étudiante chinoise qui me disait qu’au début de son séjour en France, ne comprenant rien à notre belle langue, elle appelait les français les « Blablas » parce que c’est tout ce qu’elle retenait de notre langage. Pas plus choquant que de se faire appeler barbare…

Alors, est-il scandaleux que « trouwplechtighied » signifie épousailles ? Et que « Whangdepootenawah » veuille dire « affliction inattendue » ? Le rapport entre le mot et l’idée est-il un rapport naturel ou bien n’existe-t-il que par la force de l’habitude ?

Sartre disait que pour lui le mot Florence désignait tout à la fois une femme, une ville et une fleur. Bon. Mais tout cela, qui se perdrait dans une autre langue, n’existe quand même pas par le fait de la nature des femmes et par celle des fleurs.

Au fond, ce qui choque dans ces mots étrangers « pas jolis », c’est qu’on n’éprouve pas de plaisir en les prononçant. Dans le plaisir de parler, il y a le plaisir de former des sonorités avec la langue, avec les lèvres, comme le bébé dans son babil. Oui, comme le bébé, nous aimons jouer avec les mots comme on joue avec des cailloux qu’on frictionne entre ses mains.

Alors, si c’est le jeu avec les sonorités qui compte, qu’importe que ce jeu ne soit pas exactement le même d’une langue à l’autre ? (1)

(1) Il et vrai que le français privé d’accent tonique favorise ces jeux que d’autres langues vont limiter - voir par exemple le célèbre vers de Corneille : Et le désir s’accroît quand l’effet se recule - Polyeucte, acte I (Citation du 6 mars 2006)

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