Saturday, October 10, 2009

Citation du 11 octobre 2009

Mais si vous établissez que de tous les hommes répandus dans le monde, les uns soient riches et les autres pauvres et indigents, vous faites alors que le besoin rapproche mutuellement les hommes, les lie, les réconcilie: ceux-ci servent, obéissent, inventent, travaillent, cultivent, perfectionnent; ceux-là jouissent, nourrissent, secourent, protègent, gouvernent: tout ordre est rétabli, et Dieu se découvre.

La Bruyère – Caractères (Des esprits forts, 48 –VII)

Heureusement qu’il y a des riches et qu’il y a des pauvres. Merci Mon Dieu d’avoir pourvu l’humanité de cette providentielle inégalité, mère de la prospérité et de la vie florissante de tous. C’est dans les inégalités sociales et économiques que la Providence divine se révèle à nos yeux.

Comment ça marche ?

Supposons dit notre auteur que tous les hommes soient riches alors aucun d’entre eux ne travaillera, ni n’échangera avec quiconque. C’est est fini du travail et fini du commerce.

Supposons également que tous les hommes soient pauvres, alors plus personne ne se serait là pour fournir les moyens de produire, ni pour acheter les biens produits.

Les hommes ne peuvent vivre que dans cet entre-deux caractérisé par l’écart entre les besoins des riches et les besoins des pauvres ; ou si on veut, entre les ressources des pauvres (leur force de travail), et les ressources des riches (= le capital comme aurait dit Marx).

Mais ce n’est pas tout ; La Bruyère ajoute que si tous les hommes sont également riches, alors l’individualisme l’emportant, chacun méprisant les lois, l’anarchie et la violence se déchaîneraient. L’égalité engendre donc la dissolution de l’humanité et son autodestruction : La Bruyère, l’anti Rousseau !

Alors bien sûr des esprits forts (1) diront encore que si les riches sont improductifs, les pauvres ont encore les ressources de leurs bras et peuvent fort bien échanger entre eux le produit de leur travail (comme la crise du peso en Argentine nous l’a révélé il y a quelques années).

Reste que l’assèchement du Crédit lors de la Crise de l’an dernier nous a révélé que, sans argent, on a du mal à se reconvertir à une économie de troc.

Et l’inverse ? Supposez que tous les hommes sans exception, des Inuits aux Congolais, et des Congolais aux Tahitiens, aient gagné au Loto – le Gros lot, oui. Qu’adviendra-t-il ? (2)


(1) C’est aux esprits forts que s’adresse cette Remarque de La Bruyère

(2) La Bruyère a voulu tempérer le scandale des inégalités, mais jusqu’à un certain point seulement. Voici sa Remarque finale (l’avant dernière de recueil) : Une certaine inégalité dans les conditions, qui entretient l'ordre et la subordination, est l'ouvrage de Dieu, ou suppose une loi divine: une trop grande disproportion, et telle qu'elle se remarque parmi les hommes, est leur ouvrage, ou la loi des plus forts.

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