Tuesday, March 16, 2010

Citation du 17 mars 2010

Nos fautes sont des dettes contractées ici et payables ailleurs. L'athéisme n'est autre chose qu'un essai de déclaration d'insolvabilité.

Victor Hugo – Littérature et philosophie mêlées

Ici et ailleurs 1

Avec tout le respect que je dois à Victor Hugo, je crois qu’il s’est un peu mépris sur le terme d’insolvabilité. Car si je dis : ma faute est une dette si et seulement si Dieu existe, alors l’athéisme ne consiste pas à dire : je supposerai que Dieu n’existe pas, parce que n’ai pas de quoi le dédommager de mes péchés, mais bien : Dieu n’existe pas, donc mes fautes ne sont plus des dettes.

Concentrons-nous donc sur le début de cette citation : Nos fautes sont des dettes contractées ici et payables ailleurs.

Au cas où notre faute serait en effet une dette que nous aurions contractée, la question est de savoir qui est notre débiteur. Celui qui en est victime ? Celui qui a édicté la loi par rapport à la quelle ce que je viens de faire est une faute ? Ou moi-même, en rapport avec mon propre jugement ?

Déjà je suppose que si je suis coupable envers moi-même, alors il n’y a aucune raison que je paie ailleurs. Et puis, ailleurs, ça veut dire aussi plus tard. Si je suis coupable envers moi-même, pourquoi attendre ? A moins que j’attende le soir pour faire pénitence en m’infligeant une flagellation, et le lendemain pour enfiler mon cilice.

Si je ne suis pas coupable envers moi-même, il reste alors que je puis l’être envers ma victime. Mais pourquoi irais-je réparer le mal que je lui ai fait ? Si je l’ai spoliée, c’est que je me sentais bien comme cela et que ses souffrances n’avaient aucune importance pour moi.

C’est donc toujours devant l’autorité que nous commettons une faute :

- Si l’autorité est en nous, comme avec le sur-moi, alors comme on vient de le dire nous devons payer notre faute tout de suite ;

- Si l’autorité est dans le monde, comme la police, ou le juge, ou le chef, alors nous devons rester inconnus pour ne pas payer la faute, avec la crainte d’être démasqué un jour et de payer ailleurs.

- Si l’autorité est au-dessus du monde, comme c’est le cas avec Dieu, alors impossible d’y échapper : Dieu nous voit et, comme Caïn, il nous faudra payer.

… D’où l’idée que l’athéisme est quand même assez confortable. Mais ce que la citation de Hugo nous a aidé à dépister reste significatif : c’est qu’au fond la conscience morale n’est pas autre chose que le sentiment d’avoir à payer une dette, et que cela implique la reconnaissance d’une autorité.

- On parle beaucoup en ce moment de l’absence de conscience morale à propos d’une émission télé qui réactive l’expérience de Milgram. Cette expérience et ses divers avatars montrent que l’autorité nous lave de nos fautes, parce que c’est elle qui conditionne notre conscience morale. Je crois qu’on a tout dit là-dessus

…Sauf que l’expérience originaire mettait en scène des participants complices qui jouaient le rôle d’élèves et un sujet à qui on assignait le rôle le professeur, en lui demandant d’envoyer une décharge électrique au pseudo-élève à chaque fois qu’il fournissait une mauvaise réponse.

--> Chers lecteurs professeurs, dites moi si vous n’avez pas des fois rêvé de faire ça ?

Et puis, si vous en avez rêvé, dites moi si vous avez eu l’impression d’avoir commis une faute et si vous avez le sentiment de devoir la payer un jour pour ça ?

2 comments:

Anonymous said...

Ouaip, un peu d'humilité avec Victor Hugo...Même si je comprends ta remarque, critiquer un Maitre de la langue française comme lui, c'est gonflé. Surtout pour quelqu'un qui confond originaire et originelle :-)
Ce type était un génie du langage. Je pense qu'il savait choisir ses mots !

Jean-Pierre Hamel said...

- Je crois que mon observation reste pertinente quand bien même elle froisserait nos convictions littéraires. Mais il faut aussi dire que là n'est vraiment pas l'essentiel.
- Pour ce qui est de la distinction entre originaire et originelle, il ne s'agit pas d'une confusion mais d'un choix qu'on a parfaitement le droit de critiquer.
- Mais l'essentiel n'est pas là. Pour qui a vu l'émission T.V. d'hier intitulée "le Jeu de la mort", avec son public qui scande "La punition ! - La punition !", les jeux du cirque sont de retour, c'est certain.
--> Ce qui fait que mon observation sur le fondement de l'autorité est déjà dépassée. C'est plutôt de la décadence de notre civilisation qu'il faudrait parler.
Les romains sont parmi nous!
AU SECOURS ! Victor Hugo, reviens, la civilisation a besoin de toi !