Thursday, January 27, 2011

Citation du 28 janvier 2011


Je me suis frileusement blotti dans un peu de tendresse.

André Gide – Journal, 23 juillet 1891

Saint Martin a donné la moitié de son manteau à un pauvre : comme ça, ils ont eu froid tous les deux.

Jacques Prévert

Houdon – La frileuse (Musée Favre – Montpellier)

La Frileuse de Houdon est comme le Saint-Martin de Prévert : elle se blottit dans un châle trop court qui du coup lui laisse les fesses à l’air. (1)

La Frileuse est émouvante parce qu’elle nous fait éprouver son frissonnement : ce blotissement qui la resserre sur elle-même est un mouvement qui nous donne à ressentir le froid qui doit lui tomber sur les reins.

Maintenant, regardez (ci-dessous), le tableau de Masaccio, intitulé Saint-Pierre baptisant les néophytes, daté de 1424-1428. Remarquez le néophyte de droite : au lieu de contempler Saint Pierre avec son auréole et d’attendre en extase d’être baptisé par lui, que fait-il ? Il grelotte et il serre ses bras autour de sa poitrine, exactement comme la Frileuse le fera, 4 siècles plus tard.

Il est intéressant alors de remarquer que les représentations de la frilosité, au cours de l’histoire de l’art sont restées les mêmes : preuve qu’il s’agit bien d’une manifestation constante dans l’espèce humaine. Mais surtout, c’est la même émotion qui renait chez le spectateur : comme le fait observer Gide, la frilosité est une recherche de réconfort, comme l’enfant qui se réfugie dans la tendresse les bras protecteurs et tendres qui l’enlacent.

L’auto-blotissement du frileux est en fait analogue au fouissement du nourrisson dans le giron de sa mère.

Notre Frileuse est donc une orpheline.

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(1) L’art du sculpteur se manifeste d’ailleurs par le fait que les visiteurs du musée Favre passent devant la statue sans en faire le tour pour la voir par derrière

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