Monday, March 25, 2013

Citation du 26 mars 2013



Tout se dévoile et se vêt de grâce. La nudité est le vêtement du roi. Naître est peut-être cette mutation du voilé en ce vêtement de transparence plus dense que dix mille oripeaux.
Jacques Renaud – Clandestine(s), ou, La tradition du couchant
Commentaire II
Naître est peut-être cette mutation du voilé en ce vêtement de transparence plus dense que dix mille oripeaux… La naissance conçue non pas comme le passage de la protection maternelle à la menace du monde extérieur dangereux pour le petit enfant, mais comme passage du voilé au transparent, c’est-à-dire du caché au manifeste
Et la transparence non pas comme étant constituée par un voile arachnéen, mais comme ce qui constitue une densité plus grande que 10000 vêtements superposés…
Que les contradictions se bousculent peut résulter d’un procédé rhétorique. Mais que la pensée soit du coup mise en mouvement, voilà qui  est plus intéressant.
D’abord évacuons une difficulté qui ne parait pas essentielle : celle qui résulte de l’identification de la nudité à la transparence. Est transparent ce qui voile tout en laissant apparaître. La femme nue et Salomé avec ses sept voiles : en principe ça n’est pas la même chose.
On oubliera donc la prime à l’érotisme constituée par la transparence du 7ème voile, mais ce que nous retiendrons en revanche, c’est la densité accordée à la nudité. C’est la densité du corps qui est notre vérité ; il ne s’agit plus du corps-tombeau de l’âme, comme chez Platon, ni du corps excitant-du-péché comme chez les chrétiens. Non : c’est le corps-mouvement qui, comme dans la danse, exalte la légèreté et la grâce (il faut en  effet être bien ignorant de l’art de la danse pour imaginer que la danse de Salomé fut un banal strip-tease). C’est aussi la culture du corps qui réalise la santé de l’âme (qu’on pense aux gymnastiques chinoises).
Reste que notre attitude vis-à-vis de la nudité est forcément quelque chose de culturel : non pas que ce soit la culture qui nous fasse admirer la grâce de Salomé encore vêtue et nous excite dès qu’elle est nue. Mais la recherche et la valorisation de l’un ou de l’autre dépend surtout de notre éducation – j’allais dire : de notre civilisation.

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