Wednesday, October 08, 2014

Citation du 9 octobre 2014



On écrit pour ne pas mourir entièrement, pour ne pas mourir tout de suite puisque tout dépérit. Et je crois que parmi toutes ces raisons, les deux raisons les plus fortes d'écrire sont bien celles-ci : faire partager aux autres l'étonnement, l'éblouissement d'exister, le miracle du monde et faire entendre notre cri d'angoisse à Dieu et aux hommes, faire savoir que nous avons existé.
Eugène Ionesco, in Antidotes, 1977 (1)

Laissant de côté l’angoisse existentielle dont l’écriture constituerait le remède (1), je voudrais prendre « de biais » cette citation de Ionesco : nous vivons et le miracle de l’existence, et l’angoisse de mourir. Notre condition est telle que l’un ne va pas sans l’autre.
--> L’éblouissement d’exister ne saurait être sans la représentation de notre mort prochaine : c’est le sentiment qu’il y a urgence à vivre qui nous donne le bon tempo de la vie ;
--> L’angoisse de mourir ne va pas sans la certitude que nous avons tout à y perdre – à commencer par notre éblouissante existence. Qu’importerait de mourir si nous n’étions qu’un atome sans valeur dans le brouillard du monde ?
(On raconte que Néron contraint au suicide, disait : « Quel artiste le monde va perdre ! »)
o-o-o
Maintenant, comme disait Lénine, Que faire ? – quelles propositions concrètes pour lutter, ou du moins pour tenir compte de cette douloureuse contradiction ?
--> Ionesco répond : Faire savoir que nous avons existé. Nous revoici avec la question de la trace (cf. ici) : seulement, au lieu de l’éviter, on va s’efforcer de la graver dans le marbre. Prétention ridicule, insupportable fatuité ? Peut-être, mais la modestie ne nous l’évitera pas : même si nous ne sommes pas des écrivains comme le fut Ionesco, nous avons tous le même désir : tous, nous tâchons de laisser une trace, pour faire savoir que nous avons existé – surtout quand c’était à deux : graffitis sur les murs, selfies sur Facebook, cadenas de l’amour,

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(1) On pourra lire à ce sujet la citation de Maire Darrieussecq du 21 mars 2011

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