Friday, July 14, 2017

Citation du 15 juillet 2017

Que la vie soit totalement équivoque comme l’indique Schopenhauer, que le monde soit flottant, voilà bien à quoi nous renvoie la dialectique de l’errance et de la sédentarité. On retrouve là une catégorie structurelle du donné humain : celle de la duplicité. J’ai déjà montré que celle-ci était intrinsèquement liée à la vie quotidienne, en ce qu’elle est double et duple. C’est-à-dire ne pouvant jamais se réduire à un état positif, ne supportant pas l’enfermement, et en même temps rusant avec ce qui est établi et les diverses formes d’imposition que celui-ci sécrète. En ce sens la duplicité est une forme de liberté, une manière d’introduire le « bougé » dans ce qui est stable, ou l’inquiétude dans ce qui est par trop assuré de lui-même.
Sophie Chassat – Duplicité de la surface – Georg Simmel et Michel Maffesoli à Venise

Vous rappelez-vous de cette « philosophie de l’effleurement » dont je me faisais gloire d’être l’inventeur et que j’exhibais comme preuve de ma créativité ? Hé bien je trouve dans cet article l’évocation de ces hardis défricheurs de l’éphémérité que furent Simmel et Maffessoli.

--> Chat échaudé craint l’eau froide dit-on : je ne risquerai plus à broder mes « inventions » sur des concepts obscurs, lorsqu’ils ont déjà été éclairés par d’autres. En revanche, cueillir çà et là des idées qui peuvent éclairer le chemin vers la réalité, voilà ce qu’on ne doit pas se refuser.
Comme par exemple, cette « duplicité », évoquée par le texte Cité-ce-jour, qui empêche de réduire un choix ou une action à une seule valeur, et qui fait que, même sous le coup de l’émotion la plus sincère, il y toujours en même temps une autre cause qui nous a conduit par là – c’est bon à prendre, parce que c’est ce qui met la pensée en route vers de nouvelles aventures, un peu comme le chariot embourbé qui se retrouve enfin sur le chemin solide.
- Un exemple ? Lorsque l’on parle de liberté on pense souvent à cet acte qui a été déclenché comme ça, sans qu’une cause antérieure ne puisse l’expliquer : la liberté, cause première. A quoi les spinozistes à la suite des stoïciens diront que cette forme de liberté n’est qu’une illusion qui résulte de l’ignorance où nous sommes de la cause véritable de notre action. Mais la duplicité signale une autre réalité : chaque action, dans la mesure où est libre, relève d’une dualité de causes, qu’on ne doit pas rejeter mais accueillir comme le sens véritable de notre action. Du coup, impossible de s’installer dans un territoire dont on serait issu, dont on exprimerait l’essence par nos pensées ou par nos actions : nous sommes toujours ici et ailleurs, un peu comme cette âme soulevée par un élan mystique, mais qui en même temps, a réinvesti sa libido dans le spirituel.
Comme le dit fort bien Lucien Jerphagnon à propos de Pascal, on peut interpréter psychanalytiquement une conduite mystique sans rejeter cette spiritualité.

C’est devenu une banalité de reprocher à Emmanuel Macron d’employer la locution « en même temps » en toutes circonstances pour masquer une contradiction ou une incohérence. Peut-être – c’est à lui de dire ce qu’il en est. Mais je note qu’il est possible qu’on dise de Pascal qu’il fut un grand mystique et en même temps qu’il souffrit d’une véritable névrose.

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