Monday, August 28, 2017

Citation du 26 aout 2017

Si le bonheur était dans les délectations du corps, nous dirions que les bœufs sont "heureux", lorsqu'ils trouvent du bon fourrage à manger.
Héraclite
Les animaux domestiques sont bien à plaindre. Non seulement nous leur prenons tout (leur force, leur petit, leur lait, leur viande), mais en plus ils sont méprisés et servent de repoussoir aux hommes pour monter la pire animalité qui pourrait être en eux : le bonheur des sens. Non seulement les bœufs dont selon Héraclite on pourrait envier le « bonheur », mais aussi les pourceaux dont on disait autrefois que les épicuriens avaient pour idéal de leur ressembler.

Si les bœufs sont heureux, alors pourquoi ne pas faire comme eux ? Est-il méprisable de manger du foin ? Je sais bien qu’on dit de quelqu’un qu’il est « bête à manger du foin » : et alors ? Si le bonheur n’est pas dans la délectation du corps, alors où est-il ? Dans la félicité de l’âme ? Mais alors que dire du corps ? Faut-il croire que, quoiqu’il subisse, il n’empêche pas cette félicité ? Nous voilà dans l’idéal stoïcien qui n’est en réalité bon que pour des dieux, qui justement n’auraient pas de corps – ou si peu. Et puis, comment obtenir cette félicité ? Faire comme Paul Valéry contemplant la mer : Ô récompense après une pensée  / Qu’un long regard sur le calme des dieux! (1)
Alors, disons-le tranquillement : aujourd’hui personne ne prendrait la citation de Héraclite comme un blâme adressé à des hommes corrompus. Car chacun place l’idéal d’une vie heureux dans la délectation des corps. Vous en doutez ? Dites-moi si vous avez demandé autre chose à vos vacances, et si, l’ayant obtenu, vous vous sentez déçu ? Danser toute la soirée, étreindre un corps fin et musclé pour finir la nuit, retrouver les amis autour de l’apéro sur la terrasse avant de recommencer encore et encore : si vous deviez décrire le paradis, demanderiez-vous autre chose ?


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(1) Paul Valéry – Le cimetière marin (à lire ici)

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