Wednesday, September 06, 2017

Citation du 7 septembre 2017

Si je mourais là-bas sur le front de l'armée tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée, et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt un obus éclatant sur le front de l'armée, un bel obus semblable aux mimosas en fleur.
Guillaume Apollinaire – Poèmes à Lou, Si je mourais là-bas (1915)

Si c'est mon triste lot / De faire un trou dans l'eau, / Racontez à la belle / Que je suis mort fidèle, / Et qu'ell' daigne à son tour / Attendre quelques jours / Pour filer de nouvell's amours.
Georges Brassens – Je rejoindrai ma belle

Imaginer qu’on assiste à sa propre mort ainsi qu’à son enterrement et aux jours qui suivent : c’est un rêve un peu morbide mais fréquent ; mais en fait, c’est un rêve qui reflète plus la réalité qu’autre chose.
Car aussi bien Apollinaire que Brassens, en espérant être pleurés par leur bien-aimée,  expriment en réalité leur désir d’être aimé dès maintenant – et aussi, il est vrai, la certitude que le désir est par nature volage et que, dès que le corps de l’amant  disparait, il s’envole vers d’autres cieux.
Et puis plus généralement, ce qui se révèle, c’est le désir de rester dans la mémoire des survivants. Attendre quelques jours / Pour filer de nouvell's amours … Vœu sans illusion, mais qui pourrait bien être déjà excessif : en tout cas, on sait en lisant les lettres d’Apollinaire que la belle et vénale Lou avait déjà oublié son poète bien avant qu’il fut cruellement blessé.
Mais qu’y pouvons-nous ? Le désir de survivre à sa propre mort dans la mémoire des vivants est sans doute universel, en témoigne le culte des ancêtres institué dès l’Antiquité pour célébrer ceux qui furent et ne sont plus. D’ailleurs comme on le sait, les grecs considéraient que la véritable immortalité réside dans la renommée et non dans la survie de l’âme dont on admet qu’elle soit, mais qu’en même temps elle constitue une « survie » pitoyable.


Aujourd’hui cette problématique est renouvelée avec l’incinération comme pratique courante. Que faire des cendres ? Les mettre dans une petite boite logée dans une niche de columbarium ? Ou bien répandre les cendres au gré du vent ?

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