Monday, February 19, 2007

Citation du 20 février 2007

Monsieur Neandertal, avec trente grognements signifiants, dix consonnes et trois voyelles, pourrait aujourd'hui faire une carrière politique.

Boris Cyrulnik L'Ensorcellement du monde,

Si on ressuscitait monsieur Neandertal aujourd’hui, serait-il candidat à l’élection présidentielle ? Question oiseuse, que Boris Cyrulnik ne pose pas : ce qu’il veut dire, en réalité, c’est que l’usage de la parole en politique est devenu inutile. Qu’en penserons-nous ?

Disons d’abord que la question n’a d’intérêt que dans la démocratie : les «grognements signifiants » seraient bien évidemment suffisants dans une dictature militaire par exemple. En revanche, aucune démocratie ne pourrait survivre à la perte du langage. Dans l’Encyclopédie de Diderot & d’Alembert, la condition première pour que s’établisse la démocratie est définie ainsi : « qu’il y ait un certain lieu et de certains temps réglés, pour délibérer en commun des affaires publiques ». L’agora a été le premier de ces lieux ; le droit pour chacun d’y venir pour prendre la parole est le premier des droits du citoyen. (voir message du 27 mars 2006)

Pourquoi la délibération collective est elle indispensable ? Parce que nulle rationalité pré-établie ne vaut en politique, sans quoi le despotisme éclairé suffirait - que dis-je ? ce serait le meilleur gouvernement possible, celui de l’expertise. Ce qui est vrai et bon en démocratie, c’est la décision prise en commun. Point final.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Cyrulnik est-il clairvoyant lorsqu’il nous décrit sous les traits d’une bande de primitifs rétrogrades ? Je devine que la réponse à cette question nous entraîne vers une critique des médias, et un éloge de … la démocratie participative.

Alors voilà : les limites de l’usage du langage en politique, ça tient au fait que les mots ont plusieurs sens (par exemple, on ne sait pas ce que signifie ici la « participation »), et qu’ils peuvent évoquer n’importe quoi, y compris des illusions, y compris des mensonges.

Au moins, quand mon chien grogne, je sais ce que ça veut dire.

2 comments:

Anonymous said...

Bonjour, je suis Carole, je suis étudiante en audit, expertise comptable... donc rien à voir avec la philo. Pour autant j'adore ça : les maths et la philo ! C'est peut-être curieux mais c'est ainsi (mon père est prof de math et ma mère une véritable littéraire... ça doit venir de là !!)
Tout cela simplement pour vous dire que je découvre avec grand plaisir ce blog magnifique, passionant... j'ai envie de tout lire et de tout dévorer !! bravo et merci de nous faire partager le plaisir des belles lettres.

Jean-Pierre Hamel said...

Un grand merci pour votre encouragement qui me conforte dans l'idée que la philo ne doit pas être réservée à des spécialistes. Mais il est vrai que votre "hérédité" vous prédisposait à la rencontrer..

P.S. Vous avez de bien beaux paysages sous vos fenètres... On vous envie !