" Raisonnez tant que vous voudrez et sur les sujets qu'il vous plaira, mais obéissez ! "
Kant - Qu’est-ce que les lumières ?
Salut les jeunes ! Alors, ça y est ? Vous en avez assez de protester dans les amphis, vous pensez qu’il est temps maintenant de faire la grève, de manifester dans la rue, de bloquer, de sit-inner, d'aller affronter CRS, Gardes mobiles etc.. Vous savez ce qu’il en pense, Kant ?
Attention. Pas de mauvais procès à Kant, s’il vous plaît. Cette phrase, il la met dans la bouche de Frédéric II de Prusse, le despote éclairé qu’il loue d’avoir une police assez nombreuse et efficace pour ne pas redouter la sédition issue de la liberté de penser et d’exprimer ses pensées, qu’il n’a de ce fait pas peur d’octroyer à ses sujets. Trop de liberté tue la liberté.
Nos dirigeants disent-ils autre chose aujourd’hui ? J’en doute. Le pompon est détenu par les marines américains d’un porte-avion qui faisait relâche à Cannes au tout début de la guerre d’Irak. Enorme manifestation française à cette occasion. Que dit le porte-parole américain ? « Nous estimons démocratique qu’on manifeste contre la guerre en Irak, et nous sommes là pour ça ! », sous entendu: pour donner aux français une occasion de manifester leur désaccord. Ça c’est la quintessence de la démocratie. Merci Oncle Sam.
Mais le soi-disant nécessaire débat démocratique, alors à quoi il sert (1) ? Légalement à rien pour le moment, puisque vous avez élu vos représentants, c’est à eux de s’exprimer, pas à vous qui leur avez donné votre voix. Ce qu’ils ont fait en votant le C.P.E.
Que dit Kant ? L’être humain a besoin de raisonner, c’est indispensable pour forger sa raison, pour passer insensiblement de l’époque de la force brute (= abrutie) à l’ère des lumières. Il faut simplement que le Prince possède une puissante police pour laisser son peuple libre de raisonner, tout en le maintenant dans le « droit chemin » quand il déraille. Mais ce long processus de maturation doit aboutir à l’homme nouveau (homo democraticus), entièrement rationnel, qui comprendra que les décisions du despote éclairé (= par la raison) sont forcément les bonnes. D’où l’absolutisme des lumières : en obéissant à la loi, c’est à soi-même qu’on obéit (là encore : voir la note).
Ce consensus, aujourd’hui, il est invoqué : c’est la nécessaire adaptation aux lois de l’économie de marché qui impose l’abandon de l’idéal d’égalité et d’assistance aux plus démunis (droits créances) : soyez raisonnable ! Raisonnez tant que vous voudrez, mais obéissez.
« Obéissez, non pas à nous, hommes politiques, parce que de la politique nous n’en faisons plus. Obéissez aux nécessités de l’économie de marché, que nous révèlent nos grands économistes, et que nous convertissons en lois. » Compris, les jeunes ?
(1) Il faudrait développer un peu l’idée selon laquelle la rationalité démocratique, c’est ce sur quoi nous tombons tous d’accord, et non une norme définie a priori, même par un premier ministre. Question de vocabulaire ? Pas seulement.
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