« Et le désir s’accroît quand l’effet se recule »
Corneille Polyeucte, acte I
Qui n’a pas, adolescent boutonneux, ricané au calembour contenu dans ce vers de Corneille (1) jadis étudié au lycée ?
Je ne vais pas faire un discours sur la dignité du calembour en philosophie (encore qu’avec Platon, Hegel et quelques autres il y aurait de quoi alimenter cette chronique pendant une semaine). Tournons-nous plutôt vers l’éloge de la frustration énoncée ici : si la jouissance est proportionnelle au désir, un maximum de plaisir est lié au minimum d’occasions de le satisfaire.
En cette période de Carême, il est bon de se souvenir de ce détournement d’une contrainte voulue comme pénitence et mortification de la chair. Non seulement elle se venge en jouissant deux fois plus ensuite, mais le pêcheur risque de ne penser - de ne se préparer - qu’à ça durant toute cette période !
L'abstinence n'est peut-être donc pas un bon calcul. Rappelons-nous que Freud a décrit très minutieusement le mécanisme du refoulement ; le retour du refoulé s’effectue quoiqu’il arrive, et la jouissance rendue impossible dans la réalité s’épanouit dans les rêves, dans les fantasmes, et bien sûr dans des satisfactions symboliques. La vertu elle même n’est pas à l’abri de tels détournements, et sans chercher à voir le mal partout, beaucoup se sont interrogés sur l’amour mystique (voir la vie de Sainte-Thérèse [de Lisieux]), et des esprits mal tournés y ont vu non le dépouillement de la spiritualité, mais un désordre hystérique, voire même un orgasme extatique.
Si vous pratiquez le Carême, merci de poster un message pour nous dire si c’est un bon investissement en terme de sensualité.
(1) A ne lire que par ceux qui ont le cerveau lent : « Et le désir s’accroît quand les fesses reculent »
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