Sunday, February 28, 2010

Citation du 1er mars 2010

Tout est drogue à qui choisit pour vivre l'autre côté.(1)

Henri Michaux – Qui je fus

Qu’est-ce qu’on trouve donc de si attirant et de si dangereux de l’autre côté ? Et de quel autre côté parle-t-on ?

1 – Inutile de se référer aux films de la série Star wars et au coté obscur de la force pour avoir l’idée de la dualité des choses. Mieux vaudrait même ne pas y penser, parce que le côté obscur existe partout – absolument partout. Le bon et le mauvais se donnent la main pardessus la limite du permis – du moins quand ils servent à caractériser les actions.

Entre le Bien et le Mal n’y a-t-il donc qu’une différence de degré ? Si cela était, dans quelle morale serions-nous donc engagés ?

Hé bien ce n’est pas si difficile de répondre, dès lors qu’on accepte d’oublier les références chrétiennes.

Si en effet on va voir du côté des grecs, on trouve chez Aristote en particulier l’idée que la vertu n’est autre que le milieu entre deux excès. Ainsi, le courage, qui tient le milieu entre la témérité et la couardise, qui doivent se combiner pour donner cette vertu, et qui ne le peuvent que dans le respect de la juste mesure.

Mais il ne s’agit pas comme on pourrait le croire d’une simple recette pour bien vivre. Les grecs considéraient que le juste milieu était la règle du bien agir parce qu’il reflète aussi la nature humaine, mixte composé de raison (logos) et de sensibilité (pathos). Il y a donc un vice de l’excès. (2)

Maintenant pourquoi l’excès serait il si attirant qu’on ne pourrait plus s’en détourner dès lors qu’on l’aurait rencontré ?

2 – Remarquons déjà que, si l’autre côté est l’excès alors on comprend mieux que ce soit là une drogue. Car comment expliquer l’attrait pour l’excès si on ne tient pas compte du fait que c’est un concept dynamique ? Il n’y a excès que lorsqu’il y a dépassement. L’excès d’hier est la banalité d’aujourd’hui. Exactement comme avec l’argent (voir ce récent post) la règle c’est Toujours plus !

J’imagine que la drogue n’est pas seulement d’addiction à une substance, c'est-à-dire la dépendance physiologique, mais que c’est aussi la recherche du bonheur par le renouvellement de l’aventure – l’aventure du franchissement des bornes du quotidien.

3 – Evidemment c’est maintenant facile de dire que c’est – au sens propre – l’extraordinaire que l’on trouve de l’autre côté.

Le problème n’est pas de savoir si on est drogué : on l’est tous. La question est simplement de savoir à quelle drogue nous sommes attachés.


(1) Je reconnais que cette formule est tout à fait scandaleuse et j’en restreindrai la portée

(2) Les curieux pourront faire un petit tour du côté de Wikipédia (ici)

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