Sunday, September 12, 2010

Citation du 13 septembre 2010

Les étoiles, on ne les désire pas ; on ne peut que se réjouir de leur splendeur

Goethe

"Désirer" est issu […] de sidus, - eris (astre). Le verbe latin signifie littéralement "cesser de contempler (l'étoile, l'astre)", d'où, moralement, "constater l'absence de", avec une nuance de regret. Le désir, au sens étymologique, c'est le regret d'un astre disparu, c'est la nostalgie d'une étoile.

A.Rey Dictionnaire historique de la langue française

Goethe part de l’idée que je ne désire que ce qui m’est accessible, même si cette accessibilité est sans proportion avec mes forces réelles. L’étoile est peut-être splendide, mais elle est surtout symbole de distance : l’étoile est tout au fond de l’espace, hors de ma portée

Pourtant, l’étymologie nous le rappelle : désirer vient d’un verbe latin signifiant proprement : regretter l’absence de l’étoile.

C’est qu’il y a plusieurs façons d’être inaccessible :

- il y a l’inaccessibilité selon l’espace – celle à la quelle fait allusion Goethe.

- Et il y a l’inaccessibilité selon le temps : comme lorsque je désire ce qui n’est pas encore ; ou bien, comme ici dans le regret de l’absence, ce qui n’est plus.

Peut-on désirer une étoile ?

Dans le désir, il y a toujours un élan pour la possession : désirer c’est vouloir posséder. Alors, certes l’espace qui se creuse entre les étoiles et nous est un obstacle infranchissable ; mais en plus – et surtout – pour désirer posséder l’étoile, il faudrait aussi pouvoir s’en servir : Sartre dira que nous n’avons pas avec les étoiles un rapport d’instrumentalité : elles sont là, et elles ne peuvent nous servir de rien. Pas même à nous donner du plaisir.

Pourtant, comme le dit Rey il y a regret d’un astre disparu : c’est donc qu’il y a la nostalgie d’un plaisir. Il y aurait donc malgré tout un plaisir à espérer de l’étoile – celui de la contempler. L’astre disparaît, il bascule de l’autre côté de l’horizon : là où il y avait le plaisir de le contempler, il n’y a plus qu’un souvenir…

On retrouve ainsi l’idée que le désir est toujours désir d’une jouissance passée, que le désir cherche à retrouver ce qui lui a permis ses premières jouissances. C’est, comme le dit le psychanalyste la première fois qui est toujours la bonne.

Oui, mais qu’on désire retrouver le sein maternel, je le comprends. Mais je reste avec l’idée que c’est Goethe qui a raison : les étoiles, on ne les désire pas, parce qu’en réalité, elles ne nous ont jamais procuré de jouissance. Les étoiles ne peuvent procurer qu’une chose, c’est de la sidération (1).

- C’est donc là une troisième forme de distance : c’est la disproportion entre la belle chose et nous, celle qui nous « coupe le souffle ». La splendeur de l’étoile est de cette nature. Cette beauté-là est à proprement parler sidérante, et si nous pouvions la posséder, elle disparaîtrait.

(1) Sidération : Brusque disparition des fonctions vitales, caractérisée par un arrêt de la respiration et un état de mort apparente.

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