Thursday, September 23, 2010

Citation du 24 septembre 2010

On n'imagine pas un Pascal voulant être « original ».

La recherche de l'originalité est presque toujours la marque d'un esprit de second ordre.

Cioran – Carnets 1957-1972

On n'imagine pas un Pascal voulant être « original »…

Et certes, voilà qui parait presque trop évident pour être souligné : Pascal est original, il ne cherche pas à l’être.

Les Pensées sont à cet égard exemplaire : ici, pas de coquetterie de style, pas de fioritures rhétoriques : rédigées vite avec une économie de mots extrême (1).

Voyez par exemple la formule qui clôt le fragment consacré au rêve : la vie est un songe un peu moins inconstant (2). Dites moi si c’est « original » et si c’est dans l’intention de l’être que Pascal a écrit cette phrase.

Bien sûr on trouverait ridicule de répondre non à la première question et oui à la seconde.

Une telle question est strictement rhétorique, elle suppose que les penseurs qui se disent originaux ont en réalité la volonté de se faire remarquer, et qu’à ce jeu là ils prouvent simplement la pauvreté de leur inspiration.

Qu’est-ce donc que l’originalité de la pensée ?

Si le texte de Pascal que nous venons de citer est « original », si la pensée qu’il exprime l’est également, c’est parce que son auteur parvient à nous transmettre cette pensée intégralement, telle que son esprit l’a conçue, avec le langage qui lui est propre et qui seul peut l’exprimer adéquatement.

On est original quand on exprime une pensée qui trouve son origine en nous-mêmes, autrement dit qui n’est pas un cliché ou une opinion couramment admise.

Alors, certes, à être totalement original on court le risque d’être incompréhensible. Mais si la pensée originale est celle que nul autre n’a formulée avant qu’on le fasse, son origine peut être en-deçà de nous et se trouver au moins partiellement dans un savoir ou une opinion commune. La vie est un songe, titre du chef-d’œuvre de Calderon fut écrit en 1635, soit 30 ans avant ce fragment des Pensées. Pascal le connaissait-il ? J’avoue que je n’en sais rien. Mais de toute façon, l’idée qu’il n’y a pas de différence notable entre le contenu du rêve et la réalité est très en vogue au XVIIème siècle (qu’on pense à Descartes) ; mais si cette observation permet de comprendre la pensée de Pascal, elle est loin d’en épuiser le contenu.

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(1) Les manuscrits des Pensées sont à cet égard éloquents : certains sont surchargés, gribouillés dirait-on et on imagine Pascal écrivant couché dans son lit (déjà fort malade) et utilisant sa feuille au maximum parce qu’il n’en a pas d’autres sous la main…

Voyez (ci-dessus) ce manuscrit du Pari

(2) Voir Fragment 662 (ed. Le Guern) cité ici.

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