Monday, February 25, 2013

Citation du 26 février 2013



On ne joue pas en assistant à un jeu.
Proverbe baoulé
Commentaire 1
Effectivement, comme le montre Cézanne, ceux qui assistent à un jeu ne font rien – ou du moins, ils ne jouent pas eux-mêmes.



Paul Cézanne – Les joueurs de cartes (Fondation Barnes) (1)
Ceci nous interpelle quant à l’action des joueurs, car à bien scruter les personnages  de Cézanne, on ne voit guère de différence entre les joueurs de cartes et les deux autres personnages qui les regardent : même attitude, même concentration sur les cartes à jouer.
Si on ne joue pas en assistant à un jeu, alors que font ceux qui jouent ?
Si nous suivons Roger Caillois (2), nous remarquerons que nos joueurs de cartes sont engagés dans une compétition : ce que chacun veut c’est gagner, et leur effort de concentration est l’expression de cette volonté. Par contre et quel que soit leur degré d’implication, les spectateurs du jeu, ne sont nullement dans une telle compétition : ils ne seront ni gagnants ni perdants.
Ceci nous rappelle que pour jouer (et même pour passer le temps) il est essentiel de compter les points et qu’il y ait un gagnant et des perdants ; il faut que la compétition s’engage pour que le jeu existe. Au tennis, on voit bien la différence entre les joueurs qui échangent des balles à l’échauffement, et les mêmes quand la partie commence.
Jouer c’est entrer dans un monde où la compétition est possible avec des règles qui lui sont propres et qu’on ne rencontre pas exactement identiques dans le monde véritable. On objectera que le Monopoly s’inspire de la réalité du capitalisme financier. Il n’est pourtant qu’un jeu, puisqu’on ne voit jamais le joueur perdant aller se suicider comme si il avait été ruiné pour de bon.
Le suicide, justement – La preuve de ce caractère si particulier de la compétition « ludique », c’est que le suicide de joueurs n’intervient que dans le cas où le jeu a cessé d’en être un ; comme les jeux de casino – ou la ruine n’est pas fictive, ou dans les jeux de rôles quand, oubliant qu’il ne s’agit que de fiction, le joueur ne survit pas à la destruction de son personnage.
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(1) Paul Cézanne a réalisé plusieurs tableaux mettant en scène des joueurs de cartes : à deux, à trois ou à quatre personnages comme ici. Voir l’article Wikipédia
(2) Voir ce lumineux commentaire de Marguerite Yourcenar.
(Comme ce Discours est très long, voici l'extrait qui nous concerne ici :
" Caillois nous présente l’édifice du jeu sous ses quatre faces, auxquelles il donne des noms. L’Agon, compétitif sous tous ses aspects, qu’il s’agisse des exercices athlétiques de l’ancienne Grèce, du joueur de football, dépensant tous deux le maximum de forces physiques, ou au contraire du joueur d’échecs immobile devant ses cases noires et blanches : en fait, de tous les jeux dont décident la vigueur, l’agilité, l’endurance, ou l’intelligence des concurrents, ou une combinaison de celles-ci, même lorsque l’homme joue seul et cherche à battre son propre record.")

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