Friday, August 02, 2013

Citation du 3 août 2013


O toison, moutonnant jusque sur l'encolure! - O boucles! O parfum chargé de nonchaloir! - Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure - Des souvenirs dormant dans cette chevelure, - Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!
Charles Baudelaire
Cette chevelure était éclatante et profonde, douce comme une fourrure, plus longue qu'une aile, souple, innombrable, animée, pleine de chaleur.
Pierre Louÿs – Aphrodite (1929)
De l’érotisme par temps de canicule  – II
Alors, après la méditation post-coïtum à propos du corps féminin (hier), voici (aujourd’hui) la sieste derrière les volets mi-clos, quand que le bourdonnement des cigales est seul à faire vibrer l’air surchauffé. Votre compagne sommeille, alanguie à vos côtés, sa chevelure étalée sur l’oreiller de dentelle. C’est là que vos rêveries érotico-métaphysique vous reprennent : de quoi la chevelure des femmes est-elle faite ?
La chevelure féminine exerce un puissant attrait érotique que les musulmans mettent en avant pour justifier l’obligation faite aux femmes de porter le foulard qui la cache. Mais en quoi consiste cet attrait ?
Pour Baudelaire la chevelure est d’abord parfum : les parfums de l’amour sont là, piégés dans ces cheveux qu’on agite pour en répandre la fragrance. Parfums suffisant pour « peupler l’alcôve obscure » ; mais qu’on peut aussi décrire analytiquement comme s’il s’agissait du bouquet d’un grand vin (voir ici). La chevelure féminine est ravissement olfactif.
Mais pour Pierre Louÿs la chevelure de la femme est d’abord ce qu’on peut toucher, caresser ; ce dans quoi on peut enfouir son visage… Bref, la chevelure est fourrure avant d’être parfum. Elle existe par son éclat, par sa consistance, par sa masse mouvante comme la mer – qu’une houle paisible la soulève ou qu’une tempête la projette furieusement sur les rochers.
Qui donc aimerait une femme chauve ? (1)
…Vous ramenez votre regard sur votre amie étendue près de vous. Vous l’imaginez dépourvue de cheveux : vous ramassez vos vêtements et vous quittez la chambre sur la pointe des pieds.
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(1) On se rappelle qu’à la Libération, l’humiliation imposée aux femmes ayant couché avec des allemands était justement d’être tondues.
Quand à la Cantatrice de Ionesco, elle n’est chauve que pour permettre à la plaisanterie finale (« A propos, la Cantatrice chauve, est-ce qu’elle se coiffe toujours de la même façon ?)

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