Tuesday, December 03, 2013

Citation du 4 décembre 2013



L'horreur de l'homme pour la réalité lui a fait trouver ces trois échappatoires: l'ivresse, l'amour, le travail.
Jules & Edmond de Goncourt
Echapper à l’horreur de la réalité : voilà un beau programme ! Mais ce n’est rien encore : il faut voir comment les Goncourt nous proposent de le faire :
            - par l’ivresse ? – Soit : c’est même une évidence.
            - par l’amour ? – Soit encore : c’est une nouvelle forme d’ivresse.
            - par le travail ? Là on hésite. Comment le travail qui permet de transformer la réalité, pourrait-il nous en couper ? Si l’on perd conscience du réel, comment pouvons-nous agir en travaillant ? On ne travaille pas en rêve tout de même !
On devine que si le travail nous permet de  nous évader de la réalité, il ne s’agit pas de toute réalité. Il s’agit par exemple de notre réalité, que nous pourrons oublier le temps que nous serons absorbés dans le travail. (1)
Est-ce bien cela ? A ce moment-là on se tourne vers le philosophe : « Ami philosophe, sais-tu pourquoi nous travaillons ? »
Et le philosophe de répondre : « Je ne sais pas, ami, pourquoi tu travailles ; mais je peux te dire ce que tu fais en travaillant.
Comme je te le disais il y a un instant, tu transformes la réalité pour qu’elle te fournisse ce que la marâtre nature ne te fournit pas naturellement : le pain qui ne pousse pas sur les arbres et le Galaxy-5 qu’on ne trouve pas dans les choux.
Mais en même temps, camarade, tu transformes ta conscience, tu deviens plus que tu n’étais – à moins hélas ! que tu ne la mures dans un recoin de ton cerveau, et qu’elle y croupisse et se recroqueville.
Certains, comme les Goncourt, voudront croire que dans ce cas tu la libères du poids de la lucidité.
Mais ceux-là, ce sont des pessimistes. »
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(1) C’est Kant qui l’avait dit avec beaucoup de force : « L’homme doit être occupé de telle manière qu’il soit rempli par le but qu’il a devant les yeux, si bien qu’il ne se sente plus lui-même et que le meilleur repos soit pour lui celui qui suit le travail. »

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